Loin du principe d’indépendance des législations, le juge administratif ne cesse de préciser l’articulation entre le droit de l’urbanisme et le droit des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE).
Ces législations ne peuvent en effet pas être envisagées totalement séparément. L’exploitant d’une ICPE choisira le terrain d’implantation de son bâtiment d’exploitation en fonction de la réglementation d’urbanisme applicable. Le projet de construction devant être compatible avec les dispositions d’urbanisme régissant ledit terrain.

Les codes de l’urbanisme et de l’environnement organisent d’ailleurs les relations entre les différentes législations lors de la création d’une installation classée.
L’article L 152-2 du code de l’urbanisme dispose que toute personne publique ou privée doit respecter les documents d’urbanisme applicables lors de l’ouverture d’une ICPE.
De même, aux termes du nouvel article L 181-9 du Code de l’environnement (créé par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017), le préfet a la possibilité de rejeter une demande de création d’une ICPE à l’issue de la phase d’examen lorsque ce projet est manifestement incompatible avec le document d’urbanisme.

La question de la combinaison des deux législations au cours de l’exploitation de l’installation classée est plus délicate. Quelques communes ont en effet tenté de profiter de l’élaboration d’un nouveau document d’urbanisme, le Plan Local d’Urbanisme (PLU), pour freiner l’extension d’une installation classée ou la rendre illégale, en classant par exemple, au nom du parti d’aménagement dont elles disposent, le terrain d’assiette de l’ICPE en zone naturelle (N). Le PLU devient alors hostile à l’installation classée.
Le juge n’exerce en principe qu’un contrôle restreint sur le classement des terrains et des dispositions du PLU applicables, celui de l’erreur manifeste d’appréciation (CE, 11 mars 1991, n° 81753). Cependant, en pratique le juge contrôle assez largement ce classement en prenant en compte les droits acquis de l’exploitant d’une installation classée et la sécurité juridique à laquelle il peut légitimement prétendre.

Aux termes de l’article L 514-6 alinéa 1 du code de l’environnement, les décisions prises en matières de police des ICPE, suite à une demande d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration préalable sont soumises à un contentieux de pleine juridiction c’est à dire que le juge apprécie la légalité d’une autorisation au regard des règles en vigueur au jour où il statue.
Par exception et ainsi qu’il résulte de l’article 2 de l’article L 514-6 introduit par la loi n° 2015-922 du 17 août 2015 « la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'une carte communale est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration. »
Le Conseil d’Etat a anticipé l’application de cette exception à des contentieux antérieurs auxquels cette loi ne devrait pas s’appliquer.


Ainsi, dans un arrêt Société Entreprise routière du grand sud en date du 22 février 2016, la haute juridiction a énoncé que les modifications du PLU défavorables à l’exploitant n’étaient pas opposables au titre des ICPE.

Dans un deuxième arrêt en date du 16 décembre 2016, Sté Ligérienne Granulats SA, le Conseil d'Etat a indiqué que le juge examine désormais au jour de la délivrance de l’autorisation ICPE, sa conformité avec les règles d’urbanisme. Il garde cependant la possibilité de constater la régularisation de l’autorisation par une modification ultérieure de ces règles à la date à laquelle il statue.

Enfin récemment, par un arrêt du 29 janvier 2018, le Conseil d’Etat a apporté une précision sur son interprétation de l’article L 514-6 du code de l’environnement. En l’espèce, une société exploitait une « casse automobile » sans aucune autorisation au titre des ICPE. Souhaitant régulariser son activité, ladite société avait sollicité une autorisation préfectorale ; autorisation qui lui a été refusée au motif que cette activité était incompatible avec le nouveau Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la ville. Le Conseil d’Etat a dans cette affaire énoncé qu’au regard des travaux parlementaires préalables à son adoption, l’alinéa 2 de l’article L 514-6 du code de l’environnement avait seulement pour objet d’empêcher que l’exploitation d’une ICPE légalement autorisée soit rendue irrégulière par une modification ultérieure des règles d’urbanisme. Le Conseil d’Etat en déduit que la légalité d’un refus d’exploiter s’apprécie au regard du PLU en vigueur à la date de la décision du juge et exclut ainsi dans ce cas l’application de l’alinéa 2 de l’article L 514-6 du code de l’environnement.


Sources :
- légifrance,
- www.arnaudgossement.com,
- Revue énergie, environnement, infrastructures, mars 2017, ICPE et urbanisme : la confusion des contentieux,