Le vendredi 16 février 2018, la cour d’appel de Nancy a reconnu un préjudice d'anxiété pour 32 salariés et anciens salariés de la société Baccarat, entreprise bicentenaire spécialisée dans la cristallerie de luxe. Ce faisant, elle a infirmé la décision rendue en première instance par le conseil de prud’hommes de Nancy en mars 2016 à l’encontre de ces 32 salariés et de leurs 270 collègues qui avaient tous été exposés à l’amiante dans les années 1970 et 1980.


L’amiante, substance pourtant hautement toxique et à l’origine de nombreux cancers n’a que très tardivement été interdite en France, le 1er janvier 1997. Ainsi avant cette date, les salariés d’entreprises qui utilisaient l’amiante ont continué d’y être exposés. C’est pourquoi les juges ont pris en considération le fait que, depuis la révélation de la dangerosité de cette substance, ces salariés vivent avec le stress permanent de développer un jour une maladie liée à l’amiante. De plus, les contrôles et examens réguliers qu’ils doivent subir contribuent à accentuer cette peur.


La particularité de ce préjudice réside dans la difficulté à en rapporter la preuve. Dès lors, les juges facilitent cette charge probatoire par un raisonnement qui évolue au fil des jurisprudences.


C’est par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 11 mai 2010 n°09–42241 et 09-42.257, qu’il a été pour la première fois admis que le stress subi par des salariés exposés à l’amiante doit être indemnisé au titre du préjudice d’anxiété. Cependant, les juges ont soumis cette indemnisation à la réunion de 3 conditions cumulatives :

– Le répertoriage de l'établissement en cause à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, ainsi que la figuration dudit établissement sur une liste établie par arrêté ministériel. Cette loi prévoit la possibilité pour les employés de démissionner de façon anticipée et de bénéficier de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA). Par contre les salariés admis à percevoir l’ACCATA perdent leur droit à réparation au titre du préjudice d’anxiété;

– La situation de stress et d’inquiétude permanents des employés relativement au risque qu’à tout moment, une maladie liée à l’amiante leur soit diagnostiquée ;

– L’aggravation de l’inquiétude des employés par le fait de devoir subir des examens médicaux réguliers.


Par suite, la condition liée aux examens a été supprimée par la Cour de Cassation (Soc. 4 déc. 2012 n° 11-26294). Au fil des décisions, elle va continuer de préciser sa jurisprudence en sur l’indemnisation au titre du préjudice d’amiante, tantôt en délimitant le droit à réparation salariés, tantôt en l’étendant cette jurisprudence à d’autres domaines, comme par exemple à une victime du distilbène, civ. 1ère 2 juillet 2014 n°10-19.206)


Le moins que l’on puisse dire c’est que cet arrêt de la cour d’appel de Nancy est favorable aux victimes, et s’inscrit dans la logique indemnisatrice qui prédomine à la Cour de Cassation en matière de préjudice d'anxiété.


Sources :

- CA Nancy 2018-02-16 16/01058
- Décret n°96-1133 du 24 décembre 1966 relatif à l’interdiction de l’amiante
- Cass. Soc. 11 mai 2010, n° 09-42241 et 09-42.257
- Soc. 25 sept. 2013 (5arrêts) : n° 12-20.157 ; n°11-20.948 ; n° 12-12.883 et 12-13.307 ; n°12-12.110 ; n°12-20.912, FP-P+B+R