Le 18 novembre 2010, la République du Costa Rica a déposé au Greffe de la Cour Internationale de Justice une requête contre la République du Nicaragua pour « l’incursion en territoire costa-ricien de l’armée nicaraguayenne, de l’occupation et de l’utilisation d’une partie de celui-ci, ainsi que de graves dommages causés à ses forêts pluviales et zones humides protégées », notamment en raison de travaux pour réaliser des chenaux.

Du fait de la réalisation par le Costa Rica dans la zone frontalière entre les deux pays de travaux de construction d’une route, le Nicaragua a introduit une instance en décembre 2011 pour les atteintes à sa souveraineté et des dommages importants causés à l’environnement sur son territoire par le Costa Rica.

La Cour Internationale de Justice a joint les instances et a rendu un arrêt sur le fond le 16 décembre 2015. Dans cet arrêt, la Cour déclarait que le Costa Rica avait souveraineté sur le « territoire litigieux », donc le Nicaragua avait violé la souveraineté territoriale du Costa Rica et avait l’obligation d’indemniser ce dernier pour les dommages matériels causés par les activités illicites auxquelles il s’était livré sur le territoire costa-ricien. La Cour laissait aux parties le soin de déterminer le montant de l’indemnisation dans un délai de 12 mois, celle-ci n’intervenant pour régler cette question qu’à la demande de l’une des parties.

En janvier 2017, le Costa-Rica a informé la Cour que les parties n’étaient pas parvenues à se mettre d’accord au sujet de l’indemnisation et demandait ainsi à la Cour d’intervenir.


Par son arrêt du 2 février 2018, la Cour Internationale de Justice statue pour la première fois sur une demande d’indemnisation pour dommages environnementaux.

Avant d’attribuer une valeur pécuniaire aux dommages environnementaux causés, la Cour a naturellement vérifié l’existence et l’étendue des dommages, ainsi que l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre ces dommages et les activités nicaraguayennes.

Elle rappelle que l’obligation de réparation intégrale pour les dommages causés par un fait illicite a été reconnue dans d’autres affaires, de même que l’indemnisation est une forme appropriée de réparation lorsque la restitution est matériellement impossible ou emporte une charge trop lourde.

La Cour exprime dans cet arrêt le caractère indemnisable des dommages environnementaux. Cette indemnisation « peut comprendre une indemnité pour la dégradation ou la perte de biens et services environnementaux subie pendant la période précédant la reconstitution, et une indemnité pour la restauration de l’environnement endommagé ». L’indemnité de restauration est justifiée par le fait que la régénération n’est pas toujours suffisante à rétablir l’environnement en son état antérieur au dommage.

Elle refuse toutefois de choisir une méthode d’évaluation particulière pour l’indemnisation des dommages environnementaux, elle estime en effet « nécessaire de tenir compte des circonstances et caractéristiques propres à chaque affaire ».

Pour estimer le montant des dommages environnementaux du cas d’espèce, la Cour Internationale de Justice a appréhendé l’écosystème dans son ensemble en procédant à une évaluation globale de la dégradation ou perte de biens et services environnementaux avant reconstitution. Pour ce faire, elle a tenu compte des dommages les plus importants causés (l’abattage des arbres lors du creusement des chenaux), des caractéristiques particulières de la zone touchée (zone humide protégée par la Convention internationale de Ramsar) et du potentiel de régénération de la zone endommagée.

Ainsi, au titre des dommages environnementaux causés par les activités illicites auxquelles le Nicaragua s’est livré sur le territoire costa-ricien, la Cour a fixé les indemnités dues par le Nicaragua à :
- 120 000 dollars (US) pour la dégradation ou la perte de biens et services environnementaux subis par la zone touchée jusqu’à sa reconstitution
- 2708 dollars (US) au titre des mesures de restauration concernant la zone humide.

Cette décision admettant qu’un Etat est tenu de réparer les dommages environnementaux causés à un autre Etat ouvre sans doute la voie à d’autres contentieux similaires car désormais, les dommages environnementaux transfrontières pourraient avoir des conséquences financières lourdes.



Source :
Cour Internationale de Justice, arrêt 2 février 2018, Costa Rica c. Nicaragua, Indemnisation due par la République du Nicaragua à la République du Costa Rica, rôle général n°150