Devoir passer la nuit dans des conditions inconfortables à l’aéroport, devoir payer des frais d’hébergement, de restauration, et de transport non prévus, ou encore manquer un rendez-vous important, autant de conséquences que subissent les passagers lorsque leur vol est annulé. Il s’agit donc beaucoup plus que de simples « désagréments ». Face à cela, la détermination du débiteur de l’indemnité due au passager peut s’avérer difficile. Certes, le règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2011 désigne le transporteur aérien comme responsable exclusif en cas d’annulation de vol, mais les choses sont loin d’être aussi simples. D’ailleurs, la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) saisie d’une question préjudicielle, a dû apporter quelques précisions dans un arrêt du 11 mai 2017, Krisqjsman, C-302/16

Tout d’abord, il n’est pas inutile de rappeler eut égard aux faits de l’espèce, que notre droit prévoit une responsabilité de plein droit à l’égard des agences de voyages, s’agissant de la bonne exécution des opérations qui résultent des contrats conclus avec leurs clients. Peu importe alors que les prestations proposées soient assurées par elles-mêmes, ou par des prestataires. C’est ce qui résulte de l’article L 211-17 du code du tourisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009. Même si le second alinéa de cet article prévoit des causes d’exonérations, elles ne sont que rarement admises par les juges. (La question de la responsabilité des agences de voyages fera l’objet d’un article distinct)

S’agissant des faits de l’espèce, un passager avait effectué une réservation de vol sur une compagnie aérienne via une agence de voyage en ligne. Le vol initialement prévu pour le 14 novembre 2014 a finalement été annulé et un autre vol a été prévu pour lendemain, c’est-à-dire le 15 novembre. Le 09 octobre2014, le transporteur en a informé l’agence de voyage, mais celle-ci n’a informé le passager que le 04 novembre, soit 11 jours seulement avant la date effective de départ.

Que prévoit le règlement en cas d’annulation de vol ?

Sur cette question, il faut retenir trois choses principales du règlement n°261/2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation, ou de retard important d’un vol :

D’abord, l’article 3 du règlement CE répute tout transporteur aérien assurant effectivement le transport d’un passager, agir au nom de la personne qui a conclu le contrat avec le passager concerné, même en l’absence de contrat entre eux, dès lors qu’il remplit des obligations découlant dudit règlement.
Ainsi, pendant la durée des opérations liées au transport aérien, le passager peut s’adresser directement au transporteur même en l’absence de contrat les reliant. Nul besoin de contacter l’agence de voyage qui serait fort probablement fermée.
Ensuite, l’article 5 § 1et 4 prévoit qu’en cas d’annulation de vol, il incombe au transporteur aérien de effectif de prouver qu’il a informé dans les délais de 14 jours, les passagers de l’annulation d’un vol.
Ainsi, le passager se trouve allégé de cette charge probatoire, avec les avantages pratiques que cela représente.

Enfin, l’article 13 du même règlement, qui ouvre la possibilité au transporteur aérien effectif de se retourner contre l’agence de voyage avec laquelle le passager a effectivement conclu un contrat.
Ainsi, en cas de faute est imputable à l’agence de voyage, le transporteur aérien dispose d’une action récursoire contre cette agence, après avoir indemnisé le passager.

En l’espèce, le transporteur aérien avait prévenu le 09 octobre de l’annulation du vol prévu le 14 novembre. Il était donc bel et bien dans les délais impératifs de 14 jours. Seulement, il avait non pas prévenu le passager lui-même, mais l’agence de voyage avec laquelle ce dernier avait contracté. Et c’est l’agence de voyage qui a prévenu le passager tardivement, c’est-à-dire 11 jours au lieu de 14, avant la date effective de départ.

La question à laquelle la CJUE devait répondre était donc de savoir si le règlement devait être interprété en ce sens que le transporteur ayant informé l’agence de voyage de l’annulation d’un vol dans les délais demeurait-il débiteur de cette information à l’égard du passager ? Ceci sous-peine de devoir verser des indemnités au passager.
La CJUE y répond de façon affirmative : « un transporteur aérien qui n’est pas en mesure de prouver qu’un passager a été informé de son vol plus de deux semaines avant l’heure de départ prévue est tenu de l’indemniser »

La solution peut paraitre sévère, mais pourrait s’expliquer par la volonté de protéger le passager, car il ne faut pas perdre de vue que c’est bien lui qui subit les conséquences de l’annulation du vol. Elle pourrait aussi s’expliquer par la volonté d’inciter les transporteurs aériens à informer en priorité les principaux concernés, à savoir les passagers effectifs. Ils ne devraient donc plus se contenter de prévenir uniquement les agences de voyage mais aussi les passagers.
Enfin, il convient de relativiser la sévérité de cette décision, car les compagnies aériennes disposent d’une action récursoire contre les agences en cas de fautes de celles-ci.


SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE :

- Arrêt CJUE, 11 mai 2017 Kriqjsman C-302/16

- Règlement (CE) n° 261/2004 du parlement européen et du conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91

- Code du tourisme : articles L211-1 ; L211-16 ; L211-17 tels que modifiés par la loi n°2009-888 du 22 juillet 2009

- Cass. Civ. 1ère 08 mars 2012 n° 10-25-913, publié au bulletin