Conscient de son impact sur l’environnement et des enjeux qui en découlent, l’Homme a élaboré des mesures juridiques afin de limiter cet impact. La compensation écologique fait partie de l’une de ces créations, permettant de concilier protection de l’environnement et artificialisation de la nature.

Classiquement, la compensation est synonyme de dédommagement, il s’agit de « contrebalancer un inconvénient, un mal, un préjudice » par un « avantage » (définition tirée du dictionnaire Larousse). A fortiori, la compensation écologique a donc pour objectif la compensation des effets néfastes pour l’environnement d’un projet créateur de nuisances, par la création de nouveaux écosystèmes, soit sur le lieu du dommage, soit à proximité de celui-ci. Il s’agit donc de rééquilibrer un dommage subi à l’environnement par un gain écologique. De manière concrète et pour ne citer qu’un exemple, des mesures de compensation écologique peuvent être mises en œuvre par le maître d’ouvrage, pour recréer sur une autre parcelle, un champ d’une certaine superficie, qui serait détruit par la construction d’un projet. Ces mesures de compensation peuvent se présenter sous la forme d’opérations de conservation et de restauration de milieux ou d’espèces.

C’est dans un contexte de clarification des mesures de compensation et d’encadrement des mesures prises par la police des installations classées et la police de l’eau qu’a été adoptée la compensation écologique. Au fil des années, l’émergence de nouvelles législations a conduit à une consolidation du mécanisme de compensation écologique.

La notion de compensation écologique, déjà inscrite dans la loi du 10 juillet 1976 (loi n°76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, abrogée – art 2) est aujourd’hui reprise et complétée par la loi biodiversité du 8 août 2016 (loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, JORF du 9 août 2016). Cette obligation légale constitue la dernière phase du principe dit « ERC » (Eviter, Réduire, Compenser), imposant aux porteurs de projets de mettre en place des mesures en vue d’assurer l’évitement, la réduction ou, à défaut, la compensation des atteintes de leur projet sur les milieux avoisinants (article L 110-1, II, 2° du code de l’environnement).

La compensation écologique est désormais codifiée dans un chapitre dédié à la compensation des atteintes à la biodiversité, aux articles L163-1 à L163-5 du code de l'environnement. Conçu comme un prolongement du principe de prévention, le mécanisme de compensation des atteintes prévisibles à la biodiversité est prévu par une exigence d’équivalence écologique.


D’abord inaboutie sur le plan juridique car issue de régimes hétérogènes (I-), la compensation écologique dispose désormais d’un cadre juridique global à l’ensemble des mesures compensatoires (II-), rompant ainsi avec le développement épars de la réglementation afférente aux mesures compensatoires jusqu’alors en vigueur. Toutefois, le mécanisme de compensation écologique suscite de vives critiques (III-).

I- Le contexte historique de la mise en œuvre du mécanisme de compensation

En France, la pratique de la compensation, obligatoire depuis la loi de 1976 susmentionnée, prévoyait initialement la prise en compte de la compensation indissociablement de la réalisation d’une étude d’impact. Petit à petit intégrée dans les différentes phases du projet, la loi est restée toutefois mal maîtrisée.

Ensuite, pendant longtemps, une confusion a régné concernant la distinction des mesures destinées à éviter, à réduire ou à compenser un impact. La Directive sur la Responsabilité environnementale (Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, transposée par la loi n°2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement) a précisé le cadre de ces mesures, en préconisant une réparation « en nature » du dommage environnemental et en explicitant comment les dommages peuvent être compensés.

Les précisions apportées par la Directive de 2004 pour définir ce qu’il faut entendre par « compensation » permettent alors de distinguer les différentes étapes nécessaires à la restauration d’un dommage (annexe II, 1 de la directive de 2004). Plus précisément, la directive prévoit la remise en l'état initial de l'environnement par une réparation primaire (retour à l’état initial ou presque), complémentaire (idée de restauration à défaut de retour à l’état initial) et compensatoire (améliorations supplémentaires sur le site endommagé). La notion de « compensation » étant entendue comme la réalisation d’une équivalence.

Néanmoins, la directive ne prévoit pas ce qu’il faut entendre par « équivalence ». En effet, des incertitudes subsistent sur le fait de savoir si l’équivalence correspond à une obligation de moyen ou de résultat. Aussi, comment démontrer la mise en œuvre de cette équivalence, et a fortiori comment prouver que la parcelle compensée et la parcelle compensatrice sont réellement semblables ?

Ainsi, dans un contexte d’incertitude relative à la mise en œuvre des mesures de compensation et d’imprécision des textes en vigueur, la clarification des moyens à disposition des maîtres d’ouvrage en vue d’assurer la conservation globale de la qualité environnementale des milieux apparaissait nécessaire.

La nouvelle loi Biodiversité est donc venue préciser le cadre du mécanisme de compensation écologique.


II- Le champ d’application de la compensation écologique

Dans un premier temps, il faut noter un élargissement du champ d’application de la compensation écologique visant toutes les mesures « rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire ». Ainsi, des mesures compensatoires doivent être mises en œuvre pour tout projet de travaux ou d’ouvrages, d’activités ou pour l’exécution d’un plan, d’un schéma, d’un programme ou d’un autre document de planification (article L 163-1, I du code de l’environnement).

Il faut, dans un second temps, préciser que la compensation écologique, issue de la loi biodiversité, prévoit uniquement la compensation ex-ante, qui agit avant que les mesures de réparation de l'environnement soient requises (compensation avant la dégradation de l’environnement). Elle se distingue de ce fait de la compensation ex-post (prévue par la directive de 2004 sur la responsabilité environnementale et transposée en droit français en 2008), qui intervient pour rétablir l'équilibre écologique détruit après un accident (compensation après la dégradation de l’environnement). Mais dans l’un ou l’autre des cas, la mesure de compensation a une visée réparatrice dont la raison d'être est de remédier à une atteinte écologique. Il s’agit d’une obligation de résultat.

Ainsi, l’article L 163-1, II du code de l’environnement prévoit trois manières de réaliser les mesures de compensation. Il s’agit de l’apport majeur de la loi Biodiversité en matière de compensation écologique. De ce fait, les atteintes à la biodiversité peuvent désormais être compensées « soit directement, soit en confiant, par contrat, la réalisation de ces mesures à un opérateur (public ou privé) de compensation, soit par l'acquisition d'unités de compensation dans le cadre d'un site naturel de compensation ». La dernière possibilité se révèle être importante dans la mesure où elle consacre juridiquement le marché d'unités de biodiversité.

En la matière, les sites naturels de compensation devront faire l'objet d'un agrément préalable par l'État, selon des modalités définies par décret (article L 163-3, al. 2 du code de l’environnement). Ce décret, mis en consultation durant la période du 08/11/2016 au 30/11/2016, devrait bientôt paraître (article L 163-3, al. 2 du code de l’environnement).

Enfin, il est important de préciser que ces modalités de compensation peuvent être mises en œuvre soit de manière alternative, soit de manière cumulative.

Cette obligation de compensation écologique est effective avec l’idée d’une compensation écologiquement acceptable. En effet, la loi prévoit qu’un projet ne peut être autorisé en l’état si les atteintes ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées (article L 163-1, I, al 2 du code de l’environnement). Dans cette optique, des prescriptions complémentaires, des garanties financières et des sanctions en cas de manquements peuvent être imposées par le représentant de l’Etat et l’Administration en cas d’échec dans la réalisation des mesures de compensation.

Si de manière générale, le Parlement est arrivé à un compromis acceptable par l’encadrement de la compensation écologique, les dispositions font toutefois l'objet de nombreuses critiques.

III- Les critiques du mécanisme de compensation écologique

Diverses critiques peuvent être relevées contre le principe même de la compensation, mais aussi contre le risque de financiarisation de la nature.

D’une part, les contestations selon lesquelles le mécanisme de compensation écologique permet de cautionner la destruction de la biodiversité sont nombreuses. Selon ces dires, le mécanisme de compensation écologique conduit à une acceptation de l’artificialisation de la nature. Alors que certains dénoncent le manque de terrains disponibles pour mettre en œuvre cette équivalence écologique, d’autres allèguent une compensation qui par définition, ne remplacera pas totalement la perte écologique.

D’autre part, la compensation écologique est perçue, à certains égards, comme une compensation marchandisée. En effet, la compensation par l’offre, qui consiste pour le débiteur des obligations à acquérir des unités de compensation dans un site naturel de compensation, est perçue comme une financiarisation de la nature.

Par ailleurs, le mécanisme de compensation écologique suscite des interrogations. Notamment, il faut préciser que la loi Biodiversité du 8 août 2016 n’a envisagé aucune coordination entre la compensation écologique et la compensation agricole (issue de la loi d’avenir pour l’agriculture, l'alimentation et la forêt n°2014-1170 du 13 octobre 2014 – art. L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime). A ce titre, Véronique Inserguet-Brisset, (Maître de conférence en droit public - Faculté de droit de l'université de Rennes) s’interroge sur le risque pour la compensation agricole « d’apparaître secondaire face à une compensation écologique mieux calibrée ? ».

A la vue de ces dernières considérations, et pour reprendre les propos de A. Van Lang, on peut affirmer qu’en 2017, « par la transformation de la nature en capital, (…) l'environnement semble plus que jamais anthropocentré ! » (Dalloz, A. Van Lang, « La compensation des atteintes à la biodiversité : de l'utilité technique d'un dispositif éthiquement contestable » – RDI 2016. 586).