Cet été, des épisodes de pollution récurrents à la bactérie Escherichia coli ont frappé les côtes françaises, et notamment celles du département de la Manche, particulièrement dans le secteur allant de Régneville-sur-Mer et la baie du Mont-Saint-Michel.

Les conséquences de ces pollutions ne sont pas neutres : activités conchylicoles et pêche à pied interdites, plages régulièrement fermées. Ces phénomènes suscitent le mécontentement des acteurs de la pêche et du tourisme locaux, qui l’ont manifesté dans les rues de Hauteville-sur-mer le 14 septembre dernier.

Depuis plusieurs années déjà, cette partie du littoral ouest de la Manche est confrontée à une dégradation de la qualité des eaux de baignade. L’origine des pollutions serait l'eau impropre des rivières se jetant dans la mer, et ses raisons supposées, certaines activités agricoles ou encore des maisons individuelles mal raccordées aux réseaux d'assainissement. En effet la bactérie E.coli s’établit dans le tube digestif de l’homme et des animaux à sang chaud, et est peut donc se retrouver dans le milieu naturel, lorsqu’en contact avec les rejets de ceux-ci.

Cette bactérie, agent pathogène potentiel, fait partie, au même titre que les bactéries entérocoques, des deux principaux paramètres dont le taux détermine le classement des eaux de baignade. Ce classement, et le contrôle le rendant possible sont des mesures rendues obligatoires par les directives européennes en matière d’eau de baignade, (la Directive n° 76-160, désormais remplacée par la Directive 2006/7/CE).

En parallèle une directive de 2006 sur les eaux conchylicoles (Directive 2006/113/EC) fixe également les critères de qualité auxquels ces eaux doivent répondre, (portant surtout sur la présence d’hydrocarbures, métaux …), quand le règlement (CE) n° 853/2204 impose que la production de coquillages (culture comme pêche à pied) s'opère dans des zones classées (A, B ou C en fonction du niveau de contamination fécale, matérialisé par le critère E. coli, la collecte étant interdite dans les zones NC, et soumise à autorisation préalable dans les zones à exploitation occasionnelles.)

Tous ces textes ont fait l’objet de transcription dans le droit français.

Si ces réglementations imposent un contrôle des eaux, contrôle qui peut amener à une fermeture des zones de baignade, ou une interdiction des activités conchylicoles, comme cela est arrivé, cet été, la directive 2006/7/CE concernant les eaux de baignade, applicable depuis 2015, prévoit en particulier l'établissement par les collectivités depuis 2011 de “profils de baignade”, visant à identifier localement les sources de pollutions et à cibler les actions à mettre en œuvre pour améliorer la qualité de ces eaux.
Cette mesure constitue un indicateur essentiel des politiques à mettre en œuvre pour résorber les pollutions, mais peut également mettre en exergue les difficultés dans leur mise en œuvre, et notamment d’un point de vue juridique, dans certaines cas particuliers.

Parmi les actions correctives visées par ces profils de baignade, et c’est notamment le cas de la ville d’Hauteville-sur-mer cité en début d’article, le réseau d’assainissement à proximité est souvent en cause.

L’impact du système d’assainissement est en effet, récurrent en matière de pollution des eaux, néanmoins depuis 1991, la directive européenne sur le traitement des eaux urbaines résiduaires a considérablement amélioré le traitement et le rejet des eaux résiduaires urbaines.
Cette directive définit des règles à l’échelle de l’UE pour la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires, imposant notamment des échéances de mise en conformité des réseaux en fonction de la taille de l’agglomération et de la sensibilité du milieu récepteur, et la limitation des rejets de trop-plein, par exemple en cas de fortes pluies.

La France a été condamnée à plusieurs reprises pour non-respect des échéances, et divers manquement depuis 2004, et malgré la publication de textes réglementaires et l’adoption d’un Plan national d'action pour la mise aux normes de l'assainissement des eaux usées des agglomérations françaises (Plan Borloo) adopté en novembre 2007 les condamnations ont continué à tomber : le 7 novembre 2013, puis le 23 novembre 2016, la CJUE a condamné la France pour ne pas avoir assuré la collecte et le traitement des eaux usées dans plusieurs communes.
Pourtant dans le cas du département de la Manche, les réseaux d’assainissements sont pour la très grande majorité, conformes aux prescriptions de la directive (source Portail d’information communal sur l’assainissement communal).

L’exemple d’Hauteville-sur-mer démontre de la complexité que représente la gestion de la qualité des eaux, face à l’encadrement réglementaire.
L’étude réalisée à l’occasion du profil de vulnérabilité (Source Ars/Ifremer/Agence de l’eau Seine Normandie) identifie ainsi plusieurs sources de pollution des eaux. La ville se situe aux confins d’un havre en amont duquel plusieurs réseaux de collecte en amont, bien que conformes, sont confrontés à un grand impact des eaux claires parasites (eau de pluie, mais également un fort coefficient de marée), et rejettent le surplus dans le milieu naturel. L’étude suspecte un raccordement incorrect à l’assainissement collectif, notamment dans les campings situés dans le périmètre.

D’autre part la submersion, du fait encore une fois du phénomène des marées, régulière des herbus servants de pâturage aux élevages de moutons de prés-salés, très fréquents dans la région participe également à la contamination des eaux de ce havre : les contaminations d’E.coli d’origine animale ne sont pas dissociées de celle d’origine humaine dans les critères des directives et règlements européens. Or la question de la pertinence de l’indicateur E.coli comme germe témoin de contaminations fécales lorsqu’il est d’origine animale (ovins, bovins, etc.) est discuté.

Dans un cas (l’impact du système d’assainissement), les prescriptions européennes semblent donc, ici, inadaptées, dans l’autre (indicateur E.coli) trop restrictives. La réponse à apporter est, de ce fait, délicate pour les pouvoirs publics.

Une chose est sure, d’après la directive 2006/7/CE, une eau classée comme de qualité insuffisante pendant 5 années consécutives, peut entrainer interdiction définitive de baignade, et, d’après les règlementations en matière de pêche et d’élevage conchylicole, une qualité défaillante de l’eau peut entrainer les mêmes sanctions. Des mesures doivent donc être prises rapidement.