La biopiraterie se définit comme l’appropriation illégitime des ressources naturelles et des connaissances traditionnelles qui y sont associés. Le terme de biopiraterie désigne également l’appropriation illégitime des ressources génétiques et la privatisation des savoirs traditionnels qui y sont associés sans le consentement de l’État, de la communauté ou du peuple autochtone qui détient ces ressources et ces savoirs, et ce, sans rétribution pour cette utilisation. Pour s’approprier des ressources, les entreprises recourent le plus souvent à un dépôt de brevet sur les ressources « biopiratées ».

Le processus d’appropriation par la voie du brevet commence par une phase de bioprospection, puis se poursuit par une phase d’isolation ou de modification d’un gène ou d’une molécule pour finir par une phase d’appropriation par une demande de brevet sur le gène ou la molécule ainsi isolée permettant au breveté de s’approprier ainsi des ressources biologiques préexistantes. (Source http://www.milkipress.fr/2016-01-25-la-biopiraterie---breveter-et-accaparer-le-vivant.html) .

Les pratiques de biopiraterie ont été favorisées par la possibilité de breveter le vivant. Pour contenir le phénomène et lutter contre la biopiraterie, des résolutions ont été prises dans le cadre du Protocole de Nagoya, qui aujourd’hui constitue le cœur du dispositif de lutte contre la biopiraterie.

I- Un cadre normatif favorable à la brevetabilité du vivant

« Patentable subject matter included anything under the sun that is made by man. » United States Supreme Court. DIAMOND v. CHAKRABARTY, (1980). No. 79-136. Argued: March 17, 1980 Decided: June 16, 1980. Tout ce qui sous le soleil et qui est touché par l’homme peut être breveté. Ce principe posé par un arrêt de la Cour Suprême des Etats unis en mars 1980 a ouvert le champ de la brevetabilité du vivant, et plus généralement de l’appropriation des ressources naturelles par un signe distinctif quel qu’il soit. Il a innervé traités et accords internationaux qui ont consacré sur le plan international le droit de breveter le vivant.

L’article 27 de l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) prévoit ainsi qu’un brevet peut être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle. Cet article prévoit en outre que des brevets pourront être obtenus et qu’il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au lieu d'origine de l'invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d'origine nationale.

De même l’Accord de Bangui (Organisation Africaine de Propriété Intellectuelle) révisé du 02 mars 1977 prévoit que peut faire l'objet d'un brevet d'invention l'invention nouvelle impliquant une activité inventive et susceptible d'application industrielle. Il y a lieu de relever que si cet accord exclut du champ des produits brevetables, l'invention qui a pour objet des variétés végétales, races animales, et des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux, elle réserve toutefois le cas des produits obtenus par des procédés microbiologiques qui restent brevetables.

La législation nationale prévoit également dans le même sens la brevetabilité des produits biologiques. Aux termes de l’article L611-10. 4 du Code de la Propriété Intellectuelle, les inventions portant sur un produit constitué en totalité ou en partie de matière biologique, ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d'utiliser de la matière biologique, sont brevetables ; la matière biologique étant entendu comme la matière qui contient des informations génétiques et qui peut se reproduire ou être reproduite dans un système biologique.

Le cadre normatif était par conséquent propice à la brevetabilité du vivant et partant de la « biodiversité » pour peu que l’on puisse justifier d’une activité inventive sur une espèce biologique préexistante, animale ou végétale. Cet état du droit a longtemps favorisé l’appropriation illégitime des ressources naturelles des pays du sud notamment par les industries et entreprises des pays du nord.
Pour essayer d’endiguer le phénomène, un dispositif de lutte contre la biopiraterie a été mis en place notamment par le biais du Protocole de Nagoya.

II- Le dispositif de lutte contre la biopiraterie

La lutte contre la biopiraterie est essentiellement organisée par le biais du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. Conçu comme un moyen de lutte efficace contre la biopiraterie, le protocole de Nagoya a été adopté le 29 octobre 2010 au Japon dans le cadre de la Conférence Mondiale sur la biodiversité de Nagoya. Il comprend 36 articles et est entré en vigueur le 12 octobre 2014. Il a été ratifié par la France le 31 août 2016.

Le protocole de Nagoya vient notamment réglementer l’accès aux ressources biologiques ainsi que leur utilisation en reconnaissant à la biodiversité une valeur économique s'affranchissant quelque peu de la vision classique de la biodiversité, seulement appréhendée comme un patrimoine commun, celui de l’humanité, génération présente et générations futures incluses.

Le protocole de Nagoya après avoir rappelé le droit souverain de chaque État sur ses propres ressources naturelles, précise qu’ils ont ainsi le pouvoir d’en réguler l’accès et partant d’accorder ou de refuser l’accès aux ressources naturelles et génétiques de leur territoire. Si l’accès est accordé, il l’est dans des conditions définies d’un commun accord entre les parties. Par ailleurs les avantages découlant de la recherche et du développement ainsi que de la commercialisation des produits doivent être partagés et bénéficier au pays ou à la communauté ayant fourni les ressources. Ce partage des avantages peut également se concrétiser par des transferts de technologies et des soutiens au développement.
Ainsi c’est surtout et avant tout la phase dite de bioprospection qui est encadrée pour prévenir en amont la biopiraterie. Le partage d’avantages s’analyse comme une mesure de compensation en aval.

La loi pour la reconquête de la biodiversité du 08 août 2016 a par ailleurs défini un régime juridique pour la lutte contre la biopiraterie. La loi a mis en place des régimes de déclarations et d’autorisation respectivement pour l’accès et l’utilisation des ressources. Elle prévoit par ailleurs que la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l'invention, de propriétés déterminées ne s'étend pas aux matières biologiques dotées de ces propriétés déterminées, obtenues indépendamment de la matière biologique brevetée et par procédé essentiellement biologique, ni aux matières biologiques obtenues à partir de ces dernières, par reproduction ou multiplication. Elle organise également la répression des faits de biopiraterie. Des peines d'un an d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende sanctionnent ainsi le fait d'utiliser des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées, en violation des règlementation en vigueur. (Article 42 de la loi pour la reconquête de la biodiversité du 08 août 2016).