Le Pakistan pourrait être en passe de faire face à une grave crise à la fois sanitaire et de sécurité alimentaire. La raison de la crise qui s’annonce, la pollution des eaux souterraines ainsi que de la nappe phréatique du pays par de l’arsenic. C’est la revue scientifique Science Advances qui révèle l’information par une tribune en date du 23 août 2017. En effet, des recherches menées dans les eaux souterraines pakistanaises révèlent qu’elles contiennent de l’Arsenic à un taux particulièrement élevé. Les résultats des analyses effectuées sur plus d’un millier de sites différents à travers tout le pays, montrent un taux d’arsenic très élevé. Dans le sud et l’est du pays plus touché par le phénomène, les concentrations en arsenic dans l’eau avoisineraient les deux cent microgrammes d’Arsenic par litre d’eau.

L’Arsenic est un semi-métal sans odeur et sans goût qui appartient à la famille de l'azote et se trouve à l'état naturel dans les roches et le sol. Il peut s'associer à d'autres éléments pour former des composés arsenicaux organiques et inorganiques, ces derniers étant généralement plus toxiques et plus prévalent dans l'eau. (Source http://www.fao.org/ag/fr/magazine/0605sp1.htm). La toxicité de l’arsenic est telle que même à un taux faible, moins de dix microgrammes par litre, il a des effets nocifs sur la santé humaine. La toxicité de l’arsenic agit sur l’ensemble du système immunitaire humain. Des troubles digestifs au dérèglement du système nerveux en résultent. Il est également cancérigène et ses effets nocifs sont particulièrement importants sur le développement des fœtus, sur la santé des enfants mais également sur celle des animaux. En effet, l'ingestion chronique d'arsenic entraîne des lésions cutanées, des maladies cardiovasculaires, un métabolisme anormal du glucose et le diabète et de l'arsénicisme.

Déjà dans les années 1990, l’Organisation Mondiale de la santé alertait sur les conséquences graves que pouvait avoir la consommation d’eau contaminée par de l’arsenic sur la santé humaine (Source http://www.fao.org/ag/fr/magazine/0605sp1.htm). Cette alerte avait été lancée suite à l’empoisonnement massif des populations du Bengladesh que l’Organisation Mondiale de la santé qualifiait alors de « plus vaste empoisonnement de population dans l’histoire ». Des forages de puits avaient alors causé la contamination de l’eau par l’arsenic contenu dans les roches. Dès 2006, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture signalait le fait que le problème des aquifères contaminés à l’arsenic était un problème régional et concernait outre le Bangladesh, d’autres régions de l’Asie, parmi lesquelles figurait justement le Pakistan.

Si l’Organisation Mondiale de la Santé alertait sur le problème de santé publique que causait la contamination, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture pour sa part n’a pas manqué de relever que la présence d'arsenic dans les eaux souterraines pourrait constituer un « péril encore plus insidieux ». En effet, les habitants pourraient être exposés à l'arsenic non seulement par l'eau potable, mais indirectement par les cultures vivrières irriguées via la nappe phréatique polluée. Ainsi, actuellement ce sont près de soixante millions de personnes qui sont exposées au risque d’empoisonnement que ce soit directement par ingestion d’eau contaminée, ou indirectement par la consommation de produits vivriers provenant de cultures contaminées et notamment du riz, dont la culture nécessite beaucoup d’irrigation.

De plus, il est à craindre que la crise qui s’annonce ne devienne « systémique » dans la mesure où le Pakistan est un pays exportateur de riz. Le riz contaminé, qui entre dans la composition de divers aliments et même dans la composition de céréales destinées aux nourrissons, pourrait ainsi se retrouver dans le circuit alimentaire hors des frontières du Pakistan. La réglementation de l’union européenne en matière de contamination des aliments par les métaux lourds est le Règlement (CE) no 1881/2006 de la Commission du 19 décembre 2006 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires (http://www.cancer-environnement.fr/Portals/0/Documents%20PDF/Autre/Cadmium%20commission%20europ%C3%A9enne.pdf ). Ce règlement, qui prévoit les taux limites de contaminations pour le plomb, le mercure et le cadmium, n’avait pas fixé à l’origine de taux limite pour l’arsenic.

Mais depuis 2015, le règlement UE N°2015/1006 modifiant le règlement n°1881/2006 est venu fixer les teneurs limites d’arsenic dans le riz et ses produits dérivés. La limite fixée qui est de 0,2 microgrammes par kilogrammes pour le riz usiné, non étuvé , de 0, 25 microgrammes par kilogrammes pour le riz étuvé et riz décortiqué, de 0,3 microgrammes par kilogrammes pour les galettes de riz, soufflé, feuilles de riz, crackers de riz et gâteaux à la farine de riz, est encore plus basse, et pour cause, pour les denrées alimentaires destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge. Elle est de de 0,1 microgrammes par kilogrammes. (http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32015R1006). Il y a lieu également de mentionner la recommandation n° 2015/1381 DE LA COMMISSION du 10 août 2015 qui commande aux Etats membres de surveiller les taux d'arsenic dans les denrées alimentaires depuis 2016 et ce jusqu’en 2018. En tout état de cause, il y a urgence à agir pour endiguer la crise sanitaire et alimentaire qui s'annonce au Pakistan.