A la demande du Conseil du commerce de France, de l’association Perifem et de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, le Conseil d’Etat a suspendu, d’abord partiellement (ordonnance n° 411578 du 28 juin 2017) puis intégralement (ordonnance n°411578 du 11 juillet 2017) l’exécution du décret n° 2017-918 du 9 mai concernant l’obligation d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire.

L’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation (CCH) créé par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dite Grenelle 2, précise que les bâtiments « existants à usage tertiaire ou dans lesquels s'exerce une activité de service public » doivent faire l’objet de travaux d’amélioration de leur performance énergétique dans un délai de 8 ans à compter du 1er janvier 2012.
La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a modifié l’article du CCH précité en prévoyant une prolongation de l’obligation de rénovation par période de 10 ans, à compter de 2020 et jusqu’en 2050, le niveau de performance exigé étant renforcé chaque décennie.

Le décret n° 2017-918 attaqué, pris en application de l’article L. 111-10-3 du CCH, créé ainsi aux articles R. 131-38 à R. 131-50 du même code, un chapitre intitulé « Obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments à usage tertiaire » ayant vocation à déterminer la nature et les modalités de cette obligation de travaux. Y est notamment prévu une obligation de réaliser lesdits travaux avant le 1er janvier 2020.

Les objectifs du dispositif créé par le décret litigieux :

Le décret n° 2017-918 prévoit que les travaux en question doivent permettre une diminution de la consommation énergétique totale du bâtiment à la hauteur suivant :
- Soit une diminution d’au moins 25% par rapport à la dernière consommation connue, ou par rapport à la dernière consommation connue avant la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique si ces derniers ont été réalisés avant le 1er janvier 2006
- Soit une diminution à hauteur d’un seuil exprimé en kWh/m²/an (article R. 131-39 du CCH). Ce seuil sera déterminé par un arrêté conjoint des ministres en charge de la construction et de l’énergie (article R. 131-50 du CCH).

Le champ d’application de l’obligation d’amélioration de la performance énergétique :

Le décret attaqué précise que cette obligation concerne les « bâtiments ou parties de bâtiments existants appartenant à un propriétaire unique, à usage de bureaux, d’hôtels, de commerces, d’enseignement », ainsi que les bâtiments administratifs regroupant des locaux d’une surface supérieure ou égale à 2000 m² de surface utile ». Le dispositif prévu par le décret exclue les constructions provisoires et, à certaines conditions, les monuments historiques classés ou inscrits (article R. 131-40 du CCH).

Les obligations à respecter par les personnes concernées par le décret :

Avant les travaux, doit être réalisée une étude énergétique visant à évaluer les actions à entreprendre pour atteindre les objectifs de diminution de la consommation énergétique (article R. 131-42 du CCH). Cette étude permet ensuite aux propriétaires occupants ou aux bailleurs et preneurs (si les locaux sont pris à bail) de fixer un plan d’action permettant d’atteindre lesdits objectifs (article R. 131-44 du CCH). Les personnes concernées doivent, avant le 1er juillet 2017, transmettre à un organisme désigné pat le ministre chargé de la construction, les rapports d’études énergétiques réalisés. Avant le 1er juillet 2020, les personnes concernées doivent enfin transmettre un bilan complet des travaux et des économies d’énergie réalisés (article R. 131-46 du CCH).

Le Conseil du commerce de France, l’association Perifem et l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie ont déposé une requête en référé-suspension, en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Ils estimaient que le décret en cause méconnait le principe de sécurité juridique, en prévoyant notamment que les rapports d’étude énergétique et les plans d’action soient élaborés avant le 1er juillet 2017, au vu des délais très brefs pour réaliser ces opérations, sachant que le décret attaqué n’a été publié que le 9 mai 2017, et que l’arrêté interministériel devant préciser le contenu et les modalités de réalisation des études énergétiques n’a pas encore était émis.

Par une première ordonnance du 28 juin 2017, le Conseil d’Etat a considéré que la condition d’urgence et la condition tenant au doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué étaient réunies, estimant que le délai fixé par l’article R. 131-46 était impossible à respecter. Il a ainsi partiellement suspendu l’exécution du décret en cause en tant qu’il comporte les termes « avant le 1er juillet 2017 ».

Les requérants ont ensuite soutenu que le décret attaqué porte atteinte au principe de sécurité juridique en laissant un délai trop contraint pour atteindre l’objectif de diminution de 25% (avant le 1er janvier 2020), dès lors que l’article L. 111-10-3 du CCH prévoit un délai de 5 ans entre la publication du décret et la période de réalisation de l’obligation ; ils estimait également que le décret était entaché d’illégalité en ce qu’il n’inclut dans son champ d’application que certains bâtiments du secteur tertiaire, et qu’il ne module pas les obligations imposées aux propriétaires ou bailleurs suivant la destination des bâtiments.
Le Conseil d’Etat a fait droit aux demandes des requérants et a ainsi annulé l’intégralité des dispositions du décret du 9 mai 2017 par une seconde ordonnance en date du 11 juillet 2017.

Il s’agit désormais d’attendre que la plus haute juridiction administrative se prononce sur le fond du décret du 9 mai 2017, d’autant que la rénovation des bâtiments tertiaire figure au rang des priorités de l’action gouvernementale, ainsi que l’a rappelé le Plan climat présenté le 6 juillet dernier par M. Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire.