« La vie humaine est semblable à un chemin dont l’issue est fatale. On nous en avertit dès le premier pas, mais la loi de la nature nous dicte d’avancer toujours » Avancer toujours oui, mais avancer avec dignité pourrait rétorquer la loi, qui garantit à chacun le droit de vivre et de mourir en toute dignité.

C’est justement pour garantir la sauvegarde de la dignité aux personnes mourantes que la loi proscrit l’acharnement thérapeutique. L’acharnement thérapeutique s’entend de la poursuite déraisonnable et obstinée de soins sur une personne alors même que ces actes de soins apparaissent inutiles, disproportionnés et n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie.

En effet, l’article L.1110-5-1 du Code de la santé Publique issu de la loi n° 2016-87 du 02 février 2016 dite loi Claeys –Leonetti prévoit que des actes de soins ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable.

Cet article prévoit également que lorsque des actes de soins apparaissent disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris soit conformément à la volonté du patient, soit à l’issue d’une procédure collégiale lorsque ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté.

En tout état de cause, le médecin assure la dignité du mourant ainsi que sa qualité de vie en dispensant les soins palliatifs prévus à l’article L. 1110-10 du Code de la Santé Publique.

Si la situation du patient en mesure d’exprimer sa volonté ne fait actuellement pas débat, celle du patient hors d’état d’exprimer sa volonté reste problématique. C’est justement à ce propos que l’Union Nationale des Associations de Familles de Traumatismes craniens et cérébolésés, qui se dresse notamment contre une « interprétation euthanasique » de la loi Claeys-Léonetti, a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité.

La question prioritaire de constitutionnalité portait sur la conformité des articles L.1110-5-1, L.1110-5-2 et L.1111-4 du Code de la Santé Publique aux droits et libertés que garantit la Constitution, et notamment à la liberté individuelle et à l’exercice d’une action en justice.

L’article L.1110-5-1 du Code de la Santé Publique prévoit que « Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire.
La nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés conformément au premier alinéa du présent article.
Lorsque les actes mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article sont suspendus ou ne sont pas entrepris, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10. »

Quant à l’article L.1110-5-2, il dispose pour sa part que : « A la demande du patient d'éviter toute souffrance et de ne pas subir d'obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :1° Lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ;
2° Lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable.
Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l'obstination déraisonnable mentionnée à l'article L. 1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie.
La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l'équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d'application prévues aux alinéas précédents sont remplies.
A la demande du patient, la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou un établissement mentionné au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles.
L'ensemble de la procédure suivie est inscrite au dossier médical du patient. ».

L’article L.1111- 4 du Code de la Santé Publique prévoit enfin que : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif.
Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d'interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L'ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.
Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.
Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté.
Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical.
Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables.
L'examen d'une personne malade dans le cadre d'un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre.
Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d'interventions. »

Questionnée sur la constitutionnalité de ces dispositions, le Conseil Constitutionnel a décidé dans sa décision QPC du 02 juin 2017, de la constitutionnalité des articles critiqués. En effet, pour les Juges constitutionnels, les articles L.1110-5-1, L.1110-5-2 et L.1111-4 du Code de la Santé Publique présentent des garanties suffisantes pour le respect des droits garantis par la Constitution.

De prime abord, le Conseil constitutionnel retient que le médecin en charge des soins doit nécessairement s'enquérir de la volonté présumée du patient en respectant les directives anticipées formulées par ce dernier, sauf lorsque lesdites directives apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient, et , qu’en l’absence de directives, le médecin doit consulter la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, sa famille ou ses proches.

Le Conseil Constitutionnel a jugé en outre que le médecin ne peut présumer de la volonté du patient d’arrêter les traitements lorsque sa volonté est incertaine ou inconnue, le doute profite à la vie pourrait-on ainsi dire.
De plus le Conseil Constitutionnel rappelle que la décision du médecin ne peut être prise qu'à l'issue d'une procédure collégiale destinée à l'éclairer et que la procédure permet à l'équipe soignante en charge du patient de vérifier le respect des conditions légales et médicales d'arrêt des soins .

Enfin, le Conseil Constitutionnel précise que la décision du médecin et son appréciation de la volonté du patient hors d'état d'exprimer sa volonté restent soumises, et ce dans les conditions de droit commun, au contrôle du Juge. Si autant de gardes fous destinés à protéger le patient hors d’état d’exprimer sa volonté, ont été prévues par la loi, la situation du patient hors d'état d'exprimer sa volonté reste malgré tout problématique, notamment quant à la mise en œuvre de ces garanties.