Du 27 novembre au 6 décembre 2017, la Communauté d’Agglomération Melun Val de Seine (CAMVS) comparaîtra devant le Tribunal Correctionnel de Paris pour chef de mise en danger d’autrui, en raison d’un rejet de dioxines allégué de loin très supérieur à la règlementation. Il convient ainsi de faire un rapide tour d’horizon sur la règlementation applicable aux incinérateurs ainsi que sur les éléments de ce dossier pendant devant le Pôle Santé Publique du Tribunal de Grande Instance de Paris.

Les faits de l’espèce


L’usine d’incinération d’ordures ménagères de Vaux-le-Pénil (77) a fonctionné de 1965 à 2002. En 2003 des riverains ainsi que la commune de Maincy déposent plainte contre le syndicat exploitant l’usine (le Siguam, remplacé depuis par la CAMVS). Les plaignants allèguent que l’incinérateur, dont ils sont susceptibles de subir les fumées (vents dominants), est à l’origine de la forte proportion de cancers sur leur territoire. La teneur de rejets en dioxine serait 2000 fois supérieure à la règlementation. Après 14 ans de procédure, l’audience a enfin été fixée. Certains expliquent la lenteur du processus par l’engorgement du Pôle Santé du Tribunal de Grande Instance.


Le pôle santé du TGI


Au sein des TGI de Marseille et de Paris, la loi du 4 mars 2002 a créé deux pôles santé. Leur création est louable car elle témoigne de la grande technicité des affaires en matière de santé notamment de santé environnementale et pallie actuellement l’absence de juridictions spécialisées en matière d’environnement comme cela existe ailleurs dans le monde, à l’instar du Tribunal Vert du Costa Rica. Les pôles santé des deux TGI ont cependant en commun avec le Tribunal Vert un important engorgement, allongeant ainsi les délais d’instruction.
L’article 706-2 du Code de Procédure Pénale définit les hypothèses dans lesquelles la compétence du pôle santé est établie. Ce dernier est compétent pour enquêter, poursuivre, instruire et juger des infractions notamment prévues au Code de l’Environnement pourvu qu’elles aient trait aux produits de santé, aux produits destinés à l’alimentation de l’homme ou de l’animal, aux produits auxquels l’homme est durablement exposé ainsi que les substances règlementées en fonction de leurs effets ou de leur dangerosité. La pollution par des dioxines ayant porté atteinte à la santé humaine comme dans les faits de l’espèce semble par conséquent s’inscrire dans cette dernière hypothèse.


Incinération et dioxines


L’incinération des ordures ménagères génère des dioxines, molécules classées cancérigènes et référencées comme perturbateurs endocriniens. Ces molécules sont persistantes dans l’environnement et sont bio-accumulables, d’où leur forte rémanence (leurs liaisons chimiques sont assez fortes pour ne pas disparaître facilement, c’est une molécule liposoluble donc soluble dans les graisses et non hydrosoluble).
C’est notamment la raison pour laquelle les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) au titre de la rubrique d’incinération de déchets non dangereux (2771), comme les ordures ménagères, sont soumises désormais au respect des dispositions de l’arrêté ministériel du 20 septembre 2002 qui fixe les valeurs limites d’émission de dioxines dans l’air (0,1ng/m3). Des contrôles réguliers des quantités rejetées peuvent être effectués par la DREAL ou des organismes accrédités afin de certifier le strict respect des valeurs d’émissions.

En pratique cela se traduit par un dispositif très important de traitement des fumées au sein des installations d’incinération. La place occupée par le four est en effet réduite par rapport aux installations visant à purifier les rejets atmosphériques.

Pour autant, si les valeurs limites d’émission constituent une autorisation administrative de pollution, même minime, il n’en reste pas moins que l’incinération, à l’instar de la mise en décharge, ne représente pas une solution pérenne de traitement des déchets. Les investissements nécessaires à la mise en place de capacités d’incinération sont colossaux et requièrent un gisement de ressources (déchets) important, destiné à alimenter les fours au maximum. Une pénurie de déchets peut donc conduire un incinérateur à trouver d’autres gisements pour continuer à exister, comme l’importation de déchets à l’échelle d’une autre aire géographique, allant ainsi à l’encontre du principe de proximité dans la gestion des déchets.

En vertu des principes définis au Code de l’Environnement, notamment dans son article L.541-1, rappelons en effet que la priorité est la réduction des déchets à la source, en d’autres termes leur prévention. La valorisation énergétique ne constitue qu’une des dernières étapes de la hiérarchie de traitement des déchets.

Si les faits de l’espèce se sont déroulés il y a plusieurs décennies, l’impact en termes d’environnement et de santé humaine n’éclate que longtemps après la mise en service de l’installation. Même si la question centrale est celle de rejets en dioxine trop importants par rapport à la règlementation et au fonctionnement « normal » de l’installation, la présence même de l’incinérateur a fait courir des risques, voire, a engendré un certain nombre d’atteintes à la santé et à l’environnement.

Ceci doit amener à s’interroger sur la pérennité à accorder à un tel mode de traitement de déchets dans les futures orientations en matière de déchets (parmi lesquelles la réalisation en cours, par les régions, des plans régionaux de prévention et de gestion des déchets, qui auront notamment pour tâche de définir les installations d’incinération à adapter, ouvrir ou fermer) ainsi qu’à questionner le modèle même de société d’économie linéaire. Il s’agirait alors de réduire en premier lieu la masse de déchets et de favoriser des solutions d’économie circulaire pour les déchets amenés à néanmoins exister.