Avant, la loi du 5 janvier 2010 prévoyait une procédure d’indemnisation pour les personnes atteintes de maladies résultant d’une exposition aux rayonnements des essais nucléaires français réalisés dans le Sahara algérien et en Polynésie française entre les années 1960 et 1998.
Ces maladies sont inscrites sur une liste fixée par décret en Conseil d’État qui détermine les 21 pathologies reconnues comme partiellement radio-induites, conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale, ouvrant droit à indemnisation.
Le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), autorité administrative indépendante a la compétence pour attribuer ou non des indemnisations au titre de la loi du 5 janvier 2010.

Aujourd'hui c'est l’article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 " Égalité réelle outre-mer", qui vise à améliorer l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Cette loi est entrée en vigueur immédiatement. Dans cet avis contentieux du 28 juin 2017, le Conseil d’État précise comment ces dispositions s’appliquent aux instances en cours selon que la décision du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires est antérieure ou postérieure à cette entrée en vigueur.

Les dispositions de l’article 113 ont été introduites par amendement au Sénat et se sont vite avérées un casse-tête pour les juridictions. Et ce ne sont pas moins de six questions que la cour administrative d’appel de Bordeaux a estimé nécessaire de poser à son juge de cassation.

La première des questions portait sur l’entrée en vigueur de la loi. Pour le Conseil d’État, celle-ci, " n’est pas manifestement impossible en l’absence de mesures d’application". "Elle est dès lors intervenue le lendemain de la publication de cette loi au Journal officiel de la République française. Ces dispositions sont applicables aux instances en cours à cette date ".
Si la loi ne précisait pas ses modalités d’entrée en vigueur, l’intention du législateur était clairement de revenir sur les décisions passées. En effet, comme le relève le Conseil d’État, il a demandé au CIVEN de "réexaminer l’ensemble des demandes d’indemnisation ayant fait l’objet d’une décision de rejet de la part du ministre ou du comité, s’il estime que l’entrée en vigueur de cette loi est susceptible de justifier l’abrogation de la précédente décision ". Les victimes ou leurs ayants droit peuvent également former une nouvelle demande d’indemnisation.

Il appartiendra donc au juge du plein contentieux, saisi d’un litige relatif à une décision intervenue après réexamen d’une ancienne demande d’indemnisation ou en réponse à une demande postérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 28 février 2017, de statuer en faisant application des dispositions de la loi du 5 janvier 2010 dans leur rédaction issue de la loi du 28 février 2017 et, s’il juge illégale la décision contestée, de fixer le montant de l’indemnité due au demandeur, sous réserve que ce dernier ait présenté des conclusions indemnitaires chiffrées, le cas échéant, après que le juge l’a invité à régulariser sa demande sur ce point ".

En revanche, pour les décisions antérieures à la loi, le juge doit se borner, s’il l’estime illégale, après avoir invité les parties à débattre des conséquences de la loi nouvelle, à l’annuler et à renvoyer au CIVEN le soin de réexaminer la demande.

Enfin, la haute juridiction éclaircit la question de la nature de la nouvelle présomption de causalité posée par la loi Egalité outre-mer. Le législateur a voulu que " dès lors qu’un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l’article 2 de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l’exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie ".
Cette présomption n’est pas irréfragable mais elle " ne peut être renversée que si l’administration établit que la pathologie de l’intéressé résulte exclusivement d’une cause étrangère à l’exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires, en particulier parce qu’il n’a subi aucune exposition à de tels rayonnements ".

Source : Dalloz - CE 28 juin 2017, req. n° 409777