Décriée pour son combat juridique depuis 2015 Sarah Thomson, une étudiante en droit de 26 ans se retrouve maintenant devant la Haute Cour de Justice de Nouvelle Zélande dans un procès où elle accuse le gouvernement de ne pas s’être fixé des « objectifs climatiques assez ambitieux ».

Elle accuse plus particulièrement Paula Bennett, la vice - Première Ministre chargée des enjeux du changement climatique, et le gouvernement d’inaction contre le réchauffement de la planète. «Je vois notre gouvernement autoriser plus d’explorations pétrolières, investir de l’argent dans la construction de routes, mais faire si peu pour le développement du transport public, du vélo ou des voitures électriques et tout simplement fermer les yeux sur les émissions liées à l’agriculture, décrit-elle. « Je ressens un grand sentiment d’injustice car c’est ma génération et les jeunes générations qui vont souffrir de ce manque de vision à long terme.»

La Nouvelle Zélande s’est longtemps servie de son image de pays « 100% pur » avec ses plaines verdoyantes et ses paysages de cartes postales, mais au delà de cette image ce pays de 4,8 millions d’habitants figure à la cinquième place des pays émetteurs de gaz a effet de serre (GES) par habitant. Se plaçant ainsi juste derrière l’Australie et les Etats-Unis en terme d’émissions de GES. Cependant ces émissions sont en constante augmentation, 23% de plus par rapport à 1990.
La moitié de ces émissions sont issues de l’agriculture et de l’élevage de bovins qui représente un marché considérable pour le pays classé à la première place des exportateurs mondiaux de lait.

La Nouvelle Zélande s’est toutefois engagée, lors de la COP 21, qui s’est tenue à Paris, à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30% par rapport à 2005 et avant 2030. Cet engagement représente une baisse de 11% d’ici 2030 par rapport au taux d’émissions de 1990. Un engagement plus important que la plupart des pays notamment comparé à son voisin Australien mais pour Sarah Thomson cet objectif est déraisonnable et irrationnel dans la mesure où son pays, en tant que pays développé doit aller plus loin. Elle estime que si l’ensemble des pays développés adoptaient des objectifs similaires il est très peu probable que le monde puisse empêcher les changements climatiques de se produire. Un avis que partage le Climate Action Tracker qui dans une étude parue en 2015 montrait que les engagements nationaux de la Nouvelle Zélande étaient inadéquats pour maintenir le réchauffement climatique en dessous des 2°C voire 1,5°C.

Pour Sarah Thompson et comme cela est ressorti de la COP 21, les États développés doivent prendre la tête de la lutte contre le changement climatique. Or le gouvernement tente de se déresponsabiliser en affirmant que « la Nouvelle- Zélande ne peut empêcher le changement climatique tout seul et n’est pas responsable de ses effets ».

L’étudiante attend beaucoup de ce procès notamment que le gouvernement se justifie de son inaction mais plus encore elle attend que la justice ordonne à la vice Première Ministre de réviser les engagements nationaux en faveur du climat pour que ces derniers répondent à l’objectif de l’accord de Paris c’est à dire qu’ils contribuent à maintenir l’augmentation globale de la température en dessous des 2°C en moyenne.

La plaignante et son avocat tenteront de démontrer que le gouvernement n’a pas pris en considération des éléments pertinents pour fixer ses engagements pour le climat. Que ce dernier a pensé au coût de la réduction des émissions sur le court terme, mais pas au coût à long terme du changement climatique.

De son coté la vice Première Ministre en charge des enjeux du changement climatique estime que les objectifs fixés sont justes, ambitieux et n’ont été établis qu’après un processus de consultation approfondi.

Ce procès est une première pour le pays mais ne constitue pas une première à l’échelle mondiale. L’étudiante de 26 ans passionnée d’environnement a lancé son action après la décision historique des Pays Bas. En effet en 2015 lors d’un procès opposant le gouvernement et l’ONG Urgenda au gouvernement Néerlandais, la justice avait finalement ordonné au gouvernement de réduire les émissions de gaz a effet de serre dans le pays d’au moins 25% d’ici à 2020 par rapport à celles de 1990.

De même en 2015 le gouvernement du Pakistan a été poursuivi en justice par un paysan au motif que sa passivité dans la lutte contre le changement climatique violait ses droits fondamentaux.

Aux Etats-Unis, 21 enfants et adolescents américains représentés par une organisation (Our Children’s Trust) ont lancé une action en justice contre l’administration américaine pour avoir failli à son devoir de protection contre le changement climatique.

En France, l’association « Notre affaire à tous » a également déposé un recours contre l’Etat l’accusant de ne pas s’être « donné les moyens nécessaires à la réalisation d’une politique ambitieuse et adaptée aux enjeux liés au changement climatique. »

Au total un rapport de l’ONU publié en mai 2017 a établi que 884 affaires engagées par un membre de la société civile contre un Etat, mettant en cause la responsabilité de l’Etat au regard des changements climatiques ont été déposées.
Ces procès servent principalement de moyen de pression et permettent aux juges nationaux de baser leurs décisions au regard de ce qui est en application dans d’autres pays permettant ainsi le développement d’un dialogue des juges, comme le précise le professeur Mathilde Hauterau- Boutonnet.