Le droit de l’urbanisme est un ensemble de règles juridiques qui régissent l’aménagement des espaces et l’occupation des sols. Il a pour but d’atteindre une bonne utilisation et une meilleure gestion des sols en permettant notamment « d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques ainsi que la sécurité et la salubrité publiques» (Article L110 du code de l’urbanisme).
Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) quant à elles ont été instaurées par la loi du 19 juillet 1976 et son décret d’application du 21 septembre 1977 plusieurs fois modifié. Ce sont, selon l’article L 511-1 du code de l’environnement, des installations détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée et qui sont susceptibles de présenter des inconvénients pour la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publique, l’agriculture, l’environnement, les milieux naturels, le patrimoine archéologique ; en somme toutes les activités qui peuvent porter atteinte aux intérêts protégés de l’article L511-1 du code de l’environnement. L’article L511-2 du même code précise qu’elles doivent être inscrites dans la nomenclature et soumises à l’un des trois régimes reconnus aux ICPE depuis la réforme de 2009 à savoir la déclaration, l’enregistrement et l’autorisation.
Comment ces deux législations s’accordent-elles entre elles ? Quel lien existe-t-il entre une législation aussi spéciale que celle des installations classées et un droit aussi complexe et dérogatoire que celui de l’urbanisme ? C’est la question que l’on peut se poser tout en n’occultant pas le lien désormais établi entre le droit de l’urbanisme et celui de l’environnement.
On se rend bien compte que l’urbanisme et la législation des ICPE sont deux législations différentes avec des polices différentes(I), mais parce que l’exploitation d’une installation classée nécessite un site d’implantation, elle touche aussi à l’occupation des sols(II).

I .Le droit de l’urbanisme et la législation ICPE : deux législations différentes
Le droit de l’urbanisme et la législation des ICPE sont deux législations différentes qui font intervenir chacune des autorités(A) et des documents différents(B).

A. L’intervention des autorités différentes
Le maire est l’autorité administrative en matière d’occupation des sols. Les articles L.421-2 et L.421-2-1 du code de l’urbanisme prévoient que dans les communes disposant d'un plan d'occupation des sols approuvé, le permis de construire est délivré par le maire au nom de la commune. C’est aussi lui qui délivre les certificats d’urbanisme dans les communes dotées d’un PLU approuvé ou d’une carte communale. Le préfet ou le maire intervenant au nom de l’Etat, ne sont compétents que pour les autres communes.
En revanche, dans le cadre de la législation des ICPE, c’est le préfet qui est l’autorité administrative compétente. Il intervient dans le cadre des différents régimes applicables aux ICPE. Par exemple, l’article L512-1 du code de l’environnement prévoit que les installations qui sont susceptibles de porter gravement atteinte aux intérêts protégés de l’environnement sont soumises à autorisation préfectorale et l’article L514 du code de l’environnement confère d’importants pouvoirs au préfet dans ce sens : Consignation des sommes d’argent, réalisation des travaux aux frais de l’exploitant, mise en demeure de ce dernier, suspension du fonctionnement de l’installation et même prescription des mesures de fonctionnement de l’installation.

B. La distinction des documents d’autorisation
Les autorisations qui sont délivrées dans le cadre du droit de l’urbanisme et du droit des ICPE valent dans leur domaine respectif. C’est ainsi que le permis de construire ne vaut pas autorisation d’exploiter une ICPE. Et le refus du permis de construire ne peut pas être fondé sur un refus d’autorisation d’exploiter.
De même l’autorisation d’exploiter ne vaut pas permis de construire. Ainsi, l’exploitant a l’obligation de se conformer aussi bien au droit de l’urbanisme qu’à la législation des ICPE. Le droit de l’urbanisme et la législation des ICPE sont deux législations différentes de par leur objet, de part les organes qu’ils font l’un et l’autre intervenir et surtout du fait que chacune des autorisations délivrées que ce soit en matière des ICPE ou dans le cadre du droit de l’urbanisme n’est valable que dans son domaine. Cependant cette différence n’empêche pas que les deux législations se croisent et s’influencent mutuellement.

II. Le droit de l’urbanisme et la législation ICPE : Vers une démarche intégrée

Non seulement les procédures de demande du permis de construire et d’autorisation d’exploitation sont coordonnées(A), mais il existe aussi différentes interférences entre le droit de l’urbanisme et celui des ICPE(B).

A .La coordination des procédures de demande d’autorisation de construire et d’autorisation d’exploiter
La procédure de demande du permis de construire et celle de demande de l’exploitation d’une ICPE sont coordonnées. D’abord, comme le dispose l’article L512-15 du code de l’environnement, l'exploitant est tenu d'adresser sa demande d'autorisation ou d'enregistrement, ou sa déclaration en même temps que sa demande de permis de construire . La justification du dépôt de demande de permis de construire constitue une pièce pour le dossier de demande d’autorisation. L’article 2 du décret du 21 septembre 1977 précise qu’elle doit se faire dans les 10 jours suivants le dépôt de la demande du permis de construire mais ce délai n’est pas impératif, l’essentiel pour la jurisprudence étant que le dossier soit complété avant la délivrance de l’autorisation de mise en service de l’installation classée .C’est ce qui découle d’un arrêt du CE en date du 18 décembre 1996, SA OMYA.
Réciproquement, le code de l’urbanisme dispose que la demande du permis de construire concernant les installations classées doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d’autorisation. En cas de défaut, le permis de construire s’il a été délivré peut être suspendu ou annulé pour vice de forme. Cette prise en compte mutuelle des demandes d’autorisation rend la procédure très complexe dans la pratique puisque le pétitionnaire est obligé de la réaliser de manière conjointe. Il doit en effet faire une demande du permis de construire et joindre le justificatif de cette demande dans le dossier ICPE. Le justificatif qui lui est remis permet d’aller compléter son dossier de demande de permis de construire.
Ensuite, un autre lien peut être pris en compte dans le cadre de l’enquête publique qui est une étape très importante dans la procédure d’autorisation d’une ICPE .En effet, l’article L512-2du code de l’environnement dispose que le permis de construire ne peut être exécuté avant la clôture de l’enquête publique. La même disposition découle de l’article L425-10 du code de l’urbanisme qui précise que lorsque le projet porte sur une installation classée soumise à autorisation, les travaux ne peuvent être exécutés avant la clôture de l’enquête publique.
Enfin, il est possible de faire une enquête conjointe pour les demandes de permis de construire et d’autorisation d’exploiter dans le cas où le permis de construire est lui-même soumis à enquête publique conformément à l’article L 123-1 du code de l’environnement.

B. Les différentes interférences entre la législation ICPE et le droit de l’urbanisme
On peut relever certaines interactions entre ICPE et le droit de l’urbanisme. D’une part, les documents d’urbanisme sont pris en compte dans la législation ICPE. Les communes peuvent en effet, par le biais du PLU exclure ou restreindre le développement et l’implantation des ICPE, l’article L123-1 du code de l’urbanisme dispose que le PLU peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être fait ou la nature des activités qui peuvent y être exercées. C’est ainsi qu’un permis de construire peut être refusé au motif que l’installation fait courir des risques à la sécurité et à la salubrité publique.
Les prescriptions en matière d’urbanisme mettent le préfet dans une situation de compétence liée puisqu’il est tenu de refuser d’autorisation d’une installation qui est incompatible avec le PLU. Cet impact du PLU dans la législation ICPE va encore plus loin dans la mesure où le PLU adopté alors qu’une installation fonctionne déjà, peut être opposé à l’exploitant s’il prévoit un zonage et une réglementation plus stricte. Il suffit pour cela que le délai du recours contentieux soit toujours ouvert aux tiers c'est-à-dire que l’installation ait été autorisée depuis moins de quatre ans. Il convient de noter qu’en cas de litige, le juge tient compte des règles en vigueur au jour du jugement et par conséquent du PLU actuel.
D’ailleurs, certaines dispositions des codes de l’environnement et de l’urbanisme prévoient que des mesures d’éloignement de l’installation soient imposées dans le cas où le lieu d’implantation est occupé par un tiers. Le but est d’éloigner la construction du site des populations et de réduire les risques en cas de survenance d’un accident industriel. Des prescriptions seront faites dans le permis de construire afin d’imposer des mesures particulières de construction rendues nécessaires du fait de l’existence de l’installation.
D’autre part, la localisation des ICPE influence les documents d’urbanisme puisque la réalisation des études de dangers peut servir de référence pour le zonage en matière d’urbanisme .Selon les scénarii d’accidents susceptibles d’être générés par la future installation, des ZPR(zone de protection rapprochée) et des ZPE(zones de protection éloignée) seront déterminées. Ces zones figurent dans les documents d’urbanisme et seront pris en considération dans le cadre des autorisations des constructions. L’urbanisme peut donc s’inspirer et utiliser la législation des ICPE.