L’année 2016 marquera pour les États Unis le pic d’une crise de santé publique sans précédent. Le pays est touché par une augmentation spectaculaire du nombre de décès ayant pour cause des overdoses, 19%, par rapport aux chiffres de 2015.

Dans un rapport publié par le New York Times la courbe des décès causés par overdose a atteint un niveau sans précédent : entre 59 000 et 65 000 décès. Ces chiffres placent l’overdose à la première place des causes de mortalité aux États Unis, devant les armes à feu et les accidents de la route. Ils s’expliquent notamment par la surconsommation d’opiacer dans le pays mais le plus marquant est que ces opiacés proviennent bien entendu de drogues illégales (héroïnes) mais également de médicaments légalement prescrits pour la douleur (Codéine, Vicodine, OxyContin). Cette surconsommation d’antidouleurs serait la cause de 60% des morts par overdose.

Cette répartition de la toxicomanie n’est pas répartie de manière uniforme sur le territoire. « Les zones économiquement déprimées avec de hauts taux de pauvreté et de chômage sont devenues des lieux favorisant cette pratique ». En effet les travailleurs qui souffrent de blessures ou de douleurs physiques du fait de leurs activités professionnelles et dont leurs situations ne leurs permettent pas d’avoir une assurance maladie suffisante se passent des prescriptions médicales et se tournent vers des versions moins couteuses qu’il est assez facile de se procurer dans les rues.

Longtemps réservés aux cas les plus désespérés, les opiacés ont évolués depuis les années 1991 sous la coupe des compagnies pharmaceutiques qui ont compris rapidement que cinq fois plus d’Américains souffraient de douleurs physiques que de cancers. Les compagnies pharmaceutiques ont alors joué un rôle décisif en favorisant « l’épidémie d’opioïde ». Les prescriptions ont alors explosé passant de 76 millions en 1991 à près de 230 millions en 2016. « Suffisamment pour fournir à chaque adulte américain une bouteille de pilules et un peu plus » comme s’est exprimé le directeur des services en santé publique américaine Vivek Murthy.

Les compagnies pharmaceutiques ont multiplié les campagnes marketing pour cibler différentes clientèles et sensibiliser les médecins à toutes les formes de douleur, des maux de tête au mal de dents en passant par le mal de dos ou autres maladies professionnelles. Les médecins se sont laissés convaincre que la prescription d’opioïdes était le meilleur recours contre la douleur. Ces campagnes marketing sont tellement efficaces que la Californie a du adopter une loi exemptant de poursuite judiciaire les médecins en cas de prescriptions abusives. De plus les compagnies d’assurances ont décidé d’emboiter le pas aux médecins en améliorant le remboursement des opioïdes réduisant ainsi l’intérêt des traitements alternatifs tels que la kinésithérapie.

Devant cette négligence les autorités de contrôle ont tenté d’apporter des solutions en sensibilisant les médecins et en durcissant les conditions de prescription.
L’État d’Hawaï a également décidé de poursuivre cinq compagnies pharmaceutiques les accusant d’encourager l’épidémie d’opioïdes en vain puisqu’aucune sanction sérieuse n’a été retenue.

En 2007 des dirigeants de la compagnie pharmaceutique Purdue Pharma ont été accusé d’avoir manqué à leur obligation d’information par un mauvais étiquetage et d’avoir massivement banaliser la possibilité de dépendance au médicament. Ils ont été reconnus coupable mais la compagnie a transigée avec le gouvernement américain pour une amende totale de 653 millions de dollars. Une sanction assez faible quand on sait que le médicament en question avait rapporté plus de 30 milliards de vente depuis sa mise sur le marché.

Plus récemment le 8 juin 2017 la Food and Drug Administration (FDA) a demandé, pour la première fois, au groupe pharmaceutique END de retirer du marché l’un de ses produits (l’Opana ER) à cause de son utilisation dérivé. Le conseil consultatif avait conclu en mars dernier que les dangers posés par cet antalgique dépassaient ses avantages en tant que médicament. Ce médicament est notamment connu pour être broyé et injecté. Il est également associé à la hausse d’hépatites C et de Sida dans certains États d’Amérique.
La FDA menace de retirer son autorisation de mise sur le marché en cas de refus de la compagnie. "Nous faisons face à une épidémie liée à la consommation d'opioïde - une crise de santé publique - et nous devons prendre les mesures nécessaires pour réduire les possibilités d'abus et de mauvais usage de ces substances", a déclaré Scott Gottlieb, membre de la FDA.

Malgré les actions des régulateurs le problème reste majeur aux États Unis dans la mesure où les Américains cherchent à se fournir dans la rue. La situation est telle que les pratiques policières se trouvent changer lors de leurs interventions. Les agents sont équipés d’un traitement anti-overdose « Avant, on demandait aux gens s'ils avaient un pistolet sur eux. Maintenant, on vérifie qu'ils n'ont pas de seringue. On porte toujours des gants de peur de se faire piquer », confie Jim Johnson, du programme antidrogue d'Huntington.
La seule solution viable serait que la FDA demande aux groupes pharmaceutiques de retirer du marché l’ensemble des opiacés dont les dangers de dépendances sont supérieurs aux avantages.