Le 24 février 2012 lors d’un vol de reconnaissance un aéronef de la Marine Nationale remarque une pollution d’hydrocarbure de 42 km de long pour 50m de large, représentant des dizaines de tonnes d’hydrocarbures au large de la pointe Bretonne.
Le vraquier fautif est le Thisseas dont le commandant est ukrainien, les officiers sont russes et le propriétaire grec.

Alerté, le procureur de la République a décidé de dérouter le navire vers le port de Brest afin d’enquêter sur les causes de ce rejet d’hydrocarbures. Une caution de 500 000€ dont 50 000€ affecté à la garantie des parties civiles a été fixée aux fins de libération du navire. Ce dernier a pu quitter le port de Brest quelques jours plus tard pour se rendre en Chine afin d’achever sa mission de transport.

Lors des investigations les enquêteurs n’avaient constaté aucune avarie ni même aucun dysfonctionnement pouvant expliquer la perte d’hydrocarbures. Les membres d’équipages interrogés ont déclaré aux enquêteurs ne rien avoir remarqué d’anormal.
Cependant les autorités se trouvent face à des éléments les laissant à penser qu’il s’agit d’un déballastage volontaire compte tenu de la longueur de la nappe, de sa localisation (à la limite de la Zone Economique Exclusive de la France) et du fait que le rejet ait cessé juste après le passage de l’aéronef de la Marine Nationale.

Le capitaine du navire, l’armateur et la société grecque se sont vus remettre une convocation devant le Tribunal Correctionnel de Brest.

Le 6 avril 2016, le Libéria en tant qu’Etat du pavillon du navire a contacté les autorités françaises pour leur signaler la disparition du capitaine en mer et indiquer l’ouverture d’une enquête et d’une procédure judiciaire contre les armateurs et opérateurs du navire demandant ainsi à la France de suspendre ses poursuites en vertu de l’article 228 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.

Le 2 novembre 2016 le Premier ministre français maintient sa position et la compétence de la juridiction française au motif que le Libéria « ne fournit pas d’élément précis permettant d’envisager des poursuites effectives » contre les armateurs et les opérateurs.

Le Tribunal Correctionnel de Brest maintient les poursuites contre le capitaine du navire dans la mesure où aucun jugement de disparition ne lui a été communiqué par les autorités Ukrainiennes. Ce dernier étant condamné à une amende de 30 000€ en tant que représentant de la personne morale.

Le tribunal a également condamné l’armateur à une amende de 1 000 000€ au titre d’un dommage grave (par son ampleur) à l’environnement. Selon le tribunal « la société se présente comme une activité de management maritime, d’entrainement à la sécurité à bord, sans être en charge du transport, et sans être propriétaire du navire ». Or selon le tribunal « la mission de la société est la gestion effective et directe du transport à travers le capitaine et l’équipage ». De plus la vanne du séparateur d’hydrocarbure n’avait pas été utilisée ce qui témoigne d’un rejet volontaire au sein de la Zone Economique Exclusive Française d’une nappe d’hydrocarbures dense contenant des résidus épais et fortement polluants.

De nombreuses associations de protection de l’environnement agréées par le Ministère de l’Environnement se sont constituées parties civiles et ont obtenu des dommages et intérêts tel que La Ligue pour la protection des Oiseaux ou encore l’Association Truite, Ombre et Saumon.

Loin d’apparaitre comme une exception, ce jugement apparait dans la continuité de la jurisprudence adoptée par le Tribunal de Brest en matière de rejet illicite d’hydrocarbures en mer. En effet le 1er juillet 2009 le Tribunal Correctionnel de Brest avait déjà prononcé à l’encontre des capitaines des navires du Al Esraa et du Valentia des amendes record de 1 et 2 millions d’euros.

Sous l’ancienne loi, les plus fortes peines d’amende pouvaient atteindre le million mais aucune peine supérieure à 800 000€ n’avait été prononcée. Aujourd’hui le maximum est poussé à 15 millions d’euros. Or le montant de l’amende à l’armateur d’un million d’euro reste important pour un armement de plusieurs navires gérés avec une grande négligence. Toutefois la disparition du capitaine risque de rester non résolue.