
Etat des lieux de la réglementation en matière d'amiante.
Par Claire TOUFFAIT
juriste
Posté le: 01/04/2010 18:15
La directive 2009/148/CE du 30 novembre 2009 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l’amiante pendant le travail rappelle l’importance de la protection des travailleurs contre les risques pour leur santé dus à l’exposition d’amiante.
Son objectif est de fixer de nouvelles valeurs limites de cette exposition.
L’application de la directive est large en ce sens qu’elle est applicable aux activités dans lesquelles les travailleurs sont exposés ou sont susceptibles d’être exposés pendant leur travail à la poussière provenant de l’amiante ou de matériaux contenant de l’amiante.
La disposition importante de la directive est le fait que « les employeurs veillent à ce qu’aucun travailleur ne soit exposé à une concentration d’amiante en suspension dans l’air supérieur à 0,1 fibre par centimètres cube mesurée par rapport à une moyenne pondérée dans le temps sur huit heures ».
Tous les corps de métiers du bâtiment sont aujourd’hui susceptibles d’être confrontés au risque amiante, c’est pour cela que nous verrons le risque amiante et les objectifs directement visés par la réglementation en la matière (I) et dans un second temps nous nous focaliserons sur la réglementation spécifique pour la protection des travailleurs (II).
I/ Risque amiante et prise de conscience de sa dangerosité
Le terme amiante ou asbeste recouvre une série de fibres minérales naturelles, appartenant aux groupes minéralogiques des serpentines ou des amphiboles.
Ce matériau aux multiples qualités a été massivement utilisé mais s’est révélé hautement toxique. Ses effets sur la santé humaine ont mis en avant la réalité du risque amiante (A).
Une législation progressive s’est donc avérée nécessaire pour pallier les effets de ce matériau (B).
A/ La réalité du risque amiante
1 – L’utilisation intensive de l’amiante
L’amiante a été longtemps utilisé pour ses propriétés intéressantes : résistance au feu, faible conductivité thermique, résistance mécanique, aux agressions chimiques, élasticité…
Il était de plus peu cher et a ainsi été utilisé massivement pendant 130 ans.
Le plus haut niveau d’utilisation de l’amiante en France se situe au milieu des années 70 pour des utilisations industrielles principalement.
Par exemple, l’amiante était utilisé comme isolant thermique en bourrage ou flocage ou encore en isolant thermique d’équipements chauffants.
On peut donc trouver de l’amiante dans les chaufferies, les cuisines, les sols, les plafonds et les murs, sur les canalisations et les charpentes métalliques.
2- La prise de conscience des conséquences de l’utilisation de l’amiante
De premiers soupçons sur la dangerosité de l’amiante ont été émis début du vingtième siècle avec une première réglementation au Royaume Uni pour la protection des travailleurs contre l’exposition à l’amiante en 1931.
La prise en compte de l’asbestose (1) a été prise en compte en France comme maladie professionnelle à partir de 1945 et les premières règles spécifiques de protection des travailleurs date de 1977.
C’est en effet en 1977 que toutes les variétés d’amiante sont classées cancérogènes par le Centre International de recherche sur le Cancer.
Outre l’asbestose, l’inhalation de fibres d’amiante peut provoquer le cancer broncho-pulmonaire, le mésothéliome, tumeur grave de l’enveloppe des poumons ou du péritoine ou encore des atteintes pleurales. De plus il existe un effet synergique entre l’exposition à l’amiante et l’exposition au tabac : le risque de développer un cancer broncho-pulmonaire (d’après Hammon, Selikoff et Seidman) est 10 fois plus élevé qu’une personne uniquement exposé à l’amiante.
Devant l’augmentation nombre de cancers induits par l’amiante, son utilisation a été interdite en 1997 en France.
B/ La nécessité d’une législation : une prévention nécessaire
1- Vers une interdiction de l’amiante
La fabrication, transformation, importation, mise sur le marché et cession, à quelque titre que ce soit, de tout produit contenant de l’amiante ont été interdites depuis le 1 janvier 1997 en France en application du décret du 24 décembre 1996.
Des dérogations ont pu être accordées à titre exceptionnel et temporaire et ont pris fin au premier janvier 2002.
Des réglementations précédentes réduisaient le nombre d’application possibles de l’amiante :
En mars 1978, le flocage des bâtiments à l’amiante a été interdit, en 1988, interdiction est faite des produits à base d’amiante visant la sécurité du grand public, que ce soit les jouets ou encore les articles pour fumeur.
Cette législation était nécessaire mais insuffisante pour protéger le grand public et les travailleurs, d’où l’interdiction de l’usage de l’amiante.
Ce matériau ayant été utilisé à diverses fins pendant une période très longue, il était nécessaire de prendre en compte tous les éléments existants, pour la protection de ce grand public et surtout des travailleurs, notamment dans le domaine du bâtiment, exposés à ce risque dans leur travail quotidien.
2- La réglementation spécifique à la population
Il existe une réglementation spécifique pour les immeubles bâtis en général, notamment par l’intermédiaire du dossier technique amiante, diagnostic obligatoire et autre mesures posées notamment par le décret du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à l’exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis :
Le propriétaire d’un bâtiment doit faire rechercher la présence de flocage de l’amiante dans les immeubles construits avant le 1 janvier 1980 ;
Rechercher la présence de calorifugeages(2) contenant de l’amiante dans les immeubles construits avant le 1 juillet 1997.
L’exposition étant principalement celle des travailleurs, nous étudierons la réglementation spécifique en la matière.
II/ la réglementation spécifique pour la protection des travailleurs exposés au risque amiante
L’employeur est titulaire d’une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés. Il est ainsi soumis au titre de la réglementation française amiante à diverses obligations diverses tendant à la protection des individus (A).
La prévention contre les effets du risque amiante est faite à travers des mesures de protection tant collectives qu’individuelles, non seulement pour les travailleurs mais aussi pour l’environnement même (B).
A / Les obligations des employeurs en matière de risque amiante
1- Les obligations en vue de la prévention
L’Evaluation des risques :
Une des obligations principales de l’employeur dont les travailleurs sont susceptibles d’être exposé à l’amiante est l’évaluation des risques au titre des articles R4412-40 ; RR442-143 ; R4412-144, 146 et R4412- 61 et 61du code du travail.
Cette évaluation doit porter sur le niveau d’exposition à l’amiante, la durée et sa nature.
L’employeur doit effectuer la rédaction de notices d’information, par poste, des risques et des moyens de prévention destinés au salariés au titre des articles R4412-39 et R4412-97 du code du travail.
Un mode opératoire doit être fait, sur la base de l’évaluation des risques, pour toute intervention et précisant le type, la quantité, le lieu concerné, le nombre de travailleurs impliqués et les caractéristiques et la mise en œuvre d’équipements de protection et de décontamination.
Outre la formation que tout employeur doit à ses salariés, ceux-ci doivent être formés tout particulièrement à la prévention et à l’emploi des équipements de protection et ce en liaison avec le médecin du travail au titre de l’arrêté du 25 avril 2005.
Suivi médical des travailleurs exposés à l’amiante renforcé :
Les salariés exposés à l’amiante font l’objet d’une surveillance médicale renforcée au regard de l’arrêté du 13 décembre 1996.
A minima, cette surveillance comprend un examen clinique annuel, une radiographie des poumons et des explorations fonctionnelles respiratoires tous les deux ans.
Cette surveillance permet le commencement des traitements s’ils existent mais également les démarches de reconnaissance des maladies professionnelles.
La surveillance médicale post-professionnelle est possible pour tout salarié quittant une entreprise où il a été exposé à l’amiante par la délivrance d’une attestation d’exposition.
Outre cette surveillance médicale renforcée, en amont une attestation de non contre-indication médicale doit être établie par le médecin du travail et une fiche d’exposition pout tout salarié, fiche précisant la durée des travaux, les procédures de travail ainsi que les protections utilisées et si celui-ci est connu, le niveau d’exposition.
La réglementation édicte également des dispositions particulières à mettre en œuvre en distinguant les types d’activités.
2-La certification des entreprises : le renforcement du contrôle de la prévention en matière d’amiante
La réglementation distingue deux types d’activités :
Les activités de confinement et de retrait de l’amiante et les activités comportant des interventions sur des matériaux ou des appareils susceptibles de libérer des fibres d’amiante.
Outre cette distinction, vient celle des travaux sur amiante friable et non friable en ce qui concerne les travaux de confinement et de retrait d’amiante, travaux sur lesquels nous préciserons notre propos.
Une distinction était faite pour l’amiante friable et l’amiante non friable : les entreprises effectuant des retraits ou confinement d’amiante friable devaient, en tout état de causes, obtenir un certificat de qualification pour pouvoir effectuer ces travaux.
Jusqu’en 2007, les entreprises effectuant des retraits ou confinement d’amiante non friable étaient dispensées de cette certification.
Deux arrêtés du 22 décembre 2007 ont mis fin à cette différence de traitement, entrainant un contrôle plus important sur les entreprises effectuant ce genre de travaux :
Les travaux avec de l’amiante non friable peuvent uniquement être réalisés par une entreprise certifiée pour ce type de chantier sauf travaux de retrait en milieu extérieur.
Cette certification s’obtient auprès de Qualibat ou de l’AFNOR.
Nous n’entrerons pas dans le détail de ce processus mais il faut souligner que celui-ci permet aux organismes certificateurs de vérifier que les entreprises faisant ces travaux risqués a réellement les compétences requises pour ne pas exposer délibérément ses travailleurs au risque sans prévention et protection adéquates.
Il faut voir en pratique les mesures de protection prises.
B / Les mesures de protection collectives et individuelles vis-à vis du risque amiante
1- La protection des travailleurs
La protection des travailleurs est évidemment permise par les mesures obligatoires mises en place par l’employeur mais également par la prise de mesures en matière d’équipements de protection : en pratique, pour les travaux générateurs de grandes quantités de fibres dans l’air, l’utilisation d’appareil de protection respiratoire filtrant à ventilation assisté avec masque complet de classe TM3P est nécessaire.
En cas de travaux sans détérioration conséquente, un demi-masque avec cartouche filtrante anti-poussières classe P3 est à utilises avec une ventilation assistée.
En ce qui concerne les vêtements de travail, ils doivent être étanches de type 5, équipé de capuche, fermés au cou, aux chevilles et aux poignets. Ils doivent être traités comme des déchets d’amiante.
Dans les mesures de protection des travailleurs, il faut noter l’importance de la formation particulière, car elle leur permet en fonction de leur catégorie, de leur exposition et donc de la réalité du risque de se prémunir au maximum contre les effets néfastes de l’amiante.
2 - La protection de l’environnement
La protection de l’environnement de travail au sens stricte du terme est faite grâce à l’isolement de la zone de travail. Le but est d’éviter la dispersion de fibres lors de travaux dans des zones dont la décontamination serait difficile par aspiration.
Une solution pratique simple est l’utilisation d’armatures métalliques télescopiques habillées d’un film plastique.
Cette protection est également assurée par l’aspiration de poussières au plus près de l’émission par des aspirateurs à très haute efficacité ou par la pulvérisation d’un fixateur sur la blessure réalisée sur le revêtement à l’occasion du travail.
La question très importante est celle du traitement des déchets d’amiante : ils sont recueillis par aspiration et conditionnés en double ensachage étiqueté amiante et un conteneur à déchets au siège de l’entreprise est conseillé comme stockage intermédiaire provisoire et d’évacuer en installations de stockage de classe 1, soit déchets dangereux quand la quantité devient compatibles avec les conditions d’acceptation de ces installations.
Les déchets amiantés doivent obligatoirement être accompagnés d’un bordereau de suivi des déchets amiante.
Bien évidemment, au-delà de la prévention et de la protection contre le risque amiante, il existe deux dispositifs réglementaires de réparations spécifiques que sont l’allocation de cessation anticipée d’activité pour les personnes qui ont été exposées à l’amiante dans le cadre de leur activité professionnelle.
Le second dispositif est le Fond d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) chargé de verser une indemnisation du préjudice de toute personne victime des effets de l’amiante.
La surveillance et la prévention restent de mise en la matière et sont primordiales.
(1) techniquement, l’asbestose est une fibrose interstitielle diffuse et progressive qui s’étend des régions péribronchilaires vers les espaces sous-pleuraux. Cette affectation apparait environ 10 à 20 ans après le début de l’exposition à l’amiante. En terme plus communs, il s’agit d’une sclérose du tissu pulmonaire. Le risque de cette affectation et sa gravité dépendent du niveau et de la durée de l’exposition.
(2) Calorifugeages : protection empêchant une déperdition de chaleur
Sources :
Textes réglementaires :
Directive 2009/148/CE du 30 novembre 2009 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à l’amiante pendant le travail
Arrêté du 22 février 2007 définissant les conditions de certification des entreprises réalisant des travaux de retrait ou de confinement de matériaux non friables contenant de l’amiante présentant des risques particuliers en vue de la certification des entreprises chargées de ces travaux
Arrêté du 22 février 2007 définissant les conditions de certification des entreprises réalisant des travaux de retrait ou de confinement de matériaux contenant de l’amiante
Décret du 30 juin 2006 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l’inhalation de poussières d’amiante et modifiant le code du travail transposant la directive du 27 mars 2003 en la matière
Arrêté du 22 décembre 2009 définissant les modalités de formation des travailleurs à la prévention des risques liés à l’amiante
Organismes de recherche et prévention :
INRS :
Fiche sur les entreprises qualifiées pour le retrait et le confinement d’amiante
Guide INRS : amiante : l’essentiel mis à jour du 14/04/2009
Fiche toxicologique FT 145 : Amiante
OPPBTP :
Fiche de prévention de l’OPPBTP 2009, mesures de prévention lors des interventions susceptibles d’émettre des fibres d’amiante