Située dans l’archipel des Svalbard, en Norvège, près du cercle polaire, la réserve mondiale des semences a été récemment menacée par les effets du changement climatique, plus rapides dans cette région du monde. En effet, de manière inattendue, la fonte du permafrost a provoqué un début d’inondation à l’entrée de cette réserve. Plus anecdotique que critique, cet événement permet de mettre en lumière l’accélération des changements climatiques dans la zone polaire ainsi que les fonctions de cette réserve mondiale de biodiversité.

L’accélération des effets du changement climatique dans la zone polaire

Un des arguments scientifiques de lutte contre les changements climatiques résulte des conséquences de la hausse des températures au niveau planétaire. En vertu de la Convention-Cadre des Nations Unies sur le changement climatique et des préconisations du GIEC, il est crucial de limiter le réchauffement à 1,5 degré. Partant, un réchauffement trop important de la planète conduirait notamment à l’augmentation du niveau de la mer en raison de la fonte des glaces polaires.
Un tel évènement entraîne de nombreuses conséquences : perte de biodiversité due à la perte d’habitats pour certaines espèces, augmentation du niveau des mers ayant pour effet de décupler le nombre de réfugiés environnementaux, modification du milieu marin par ajout d’une grande quantité d’eau douce…
D’autres conséquences résultant moins de savoirs communs ont pour cause la fonte du pergélisol (permafrost en anglais) c’est-à-dire de la partie du sol supposée ne jamais fondre. Parmi ces conséquences on trouve la réapparition de maladies disparues comme ce fut le cas en Sibérie à l’été 2016, où un troupeau de rennes (2 300 individus) et un enfant furent décimés par une épidémie d’anthrax. De manière plus générale l’augmentation des températures crée également des conditions propices pour la prolifération de maladies.
En l’espèce, la banque mondiale de graines censée sauvegarder la diversité mondiale des semences, placée à cet endroit stratégique du Svalbard pour être en sécurité notamment par rapport aux changements climatiques, a été récemment touchée par un début d’inondation en raison de la fonte du pergélisol.

Les fonctions du projet lié à la banque mondiale de graines

La réserve a été créée en 2006 pour sauvegarder la diversité biologique des cultures vivrières dans le monde et abriterait plus de 850 000 échantillons de graines provenant de plus de 65 pays. Elle peut contenir jusqu’à 4,5 milliards de graines. Située à 120 mètres de profondeur elle est naturellement protégée par le pergélisol. C’est cependant sa fonte qui a causé une inondation dans le tunnel permettant l’accès à la réserve souterraine, soulevant ainsi des questions de sécurité pour la pérennité du site, pourtant installé ici en raison de la protection naturelle offerte par le climat. A la suite de cette inondation, il a été décidé de réduire encore plus le nombre de personnes ayant accès au site afin de limiter la chaleur corporelle (l’approvisionnement en graines n’intervenant déjà que trois à quatre fois par an), ainsi que de démonter une source lumineuse à l’entrée du tunnel.
L’installation propriété du gouvernement norvégien l’ayant financée à hauteur de neuf millions d’euros, est en effet supposée fonctionner indépendamment des activités et constituer une réserve de graines (une « Arche de Noé végétale ») en cas de guerres, de changement climatique ou de catastrophes naturelles. Les différentes banques génétiques nationales qui déposent leurs graines au sein de ce coffre-fort en demeurent propriétaires et sont libres de les récupérer à leur convenance. Le concours de la réserve a été sollicité pour la première fois en 2015 par la Syrie, en raison de la destruction des réserves du centre international de recherche agricole dans les pays arides. Les graines déposées ont donc été récupérées.
Bien qu’il appartienne au Gouvernement de Norvège, le projet de réserve mondiale de graines est géré par le Crop Trust qui s’inspire des objectifs des Nations Unies sur le développement durable notamment s’agissant de la préservation de la diversité génétique des plantes. Le Crop Trust est doté de la personnalité juridique internationale et agit dans le cadre du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.
Si ce stockage constitue une source importante d’espoir concernant le maintien de l’agriculture dans le monde, certaines questions sont naturellement soulevées par l’existence de ce fonds. La première est celle des financements puisque ceux-ci sont ouverts aux entités publiques comme privées. Ces dernières ont participé au financement de la banque.

Par ailleurs, un des arguments phares du projet réside dans la nécessité de protéger les ressources phytogénétiques afin de subvenir à la demande croissante en alimentation d’ici à 2050. Cet argument « Feed the world » également avancé par les géants de l’agrochimie ne tient pas compte de la dépendance des pays en développement aux organismes génétiquement modifiés. Ces méthodes ont pour effet non pas d’augmenter la biodiversité des cultures mais bien de la réduire au bénéfice de ces grandes multinationales qui s’assurent du monopole sur une semence. Le stockage de Svalbard ne tient en effet pas compte du caractère génétiquement modifié ou non des graines stockées.

De surcroît les pays en développement ont-ils les moyens de stocker les graines de leurs cultures vivrières peu rentables internationalement menacées par les semences de masse ?