Par un arrêt du 17 mai 2017, le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté la demande de deux associations de protection de l’environnement : l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) et One Voice. Cette demande tendait à la suspension de l’exécution de l’arrêté ministériel du 10 avril 2017 autorisant en substance l’augmentation du nombre de spécimens de loups pouvant être détruits pour la période 2016-2017. Malgré un nombre importants d’arguments avancés par les requérantes, le Conseil d’Etat ne relève pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision.

I. Le cadre général du recours

Les associations requérantes ont utilisé le fondement de l’article L.521-1 du Code de Justice Administrative, plus connu sous le nom de référé suspension, qui permet de suspendre les effets d’une décision administrative. D’une part cette suspension est subordonnée à la nécessité de faire état d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision. D’autre part, l’urgence doit justifier la suspension des effets de cette décision. Ajoutons que l’exercice d’un recours en référé est également subordonné à l’exercice en parallèle d’un recours au fond (soit en droit administratif un recours de plein contentieux ou un recours en excès de pouvoir).
Un arrêté du 5 juillet 2016 fixait à 36 le nombre de loups pouvant être détruits jusqu’au 30 juin 2017 en se fondant sur l’arrêté du 30 juin 2016 fixant les conditions dans lesquelles les dérogations à l’interdiction de destruction des loups pouvaient être édictées. L’arrêté litigieux vient augmenter ce nombre maximum de deux.

Rappelons toutefois que le loup fait partie des espèces protégées, tant au niveau international (notamment la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe de 1979), qu’européen (Directive Habitats du 21 mai 1992) dont les dispositions sont reprises au livre IV du Code de l’Environnement.

Les dispositions du Code de l’Environnement (art. L.411-1 et s.) en matière d’espèces protégées interdisent la destruction d’espèces animales non domestiques et de leurs habitats, notamment lorsque ces espèces nécessitent une préservation ou une conservation particulières. C’est le cas du loup.
Néanmoins, en dépit du statut d’espèce protégée du Canis Lupus, le droit français admet des dérogations à l’interdiction de principe de la destruction d’espèces protégées lorsque cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Parmi les motifs des dérogations se trouvent notamment la prévention des dommages importants causés aux cultures, à l’élevage et à d’autres formes de propriété.
Ces dispositions constituent le cœur des enjeux liés aux dérogations en matière d’espèces protégées. La protection des espèces n’est que relative puisqu’elle cède devant les intérêts agricoles et plus particulièrement pour le loup, les activités pastorales.

II. Les moyens avancés

Les associations justifient ainsi l’urgence par l’atteinte grave et immédiate à la viabilité de l’espèce que cet arrêté fait peser sur cette espèce d’intérêt supranational en plus de constituer un péril au regard de l’état de conservation favorable de l’espèce prévu par la directive « Habitats ». Elles invoquent également une atteinte aux objectifs constitutionnels de développement durable et de préservation de l’environnement.
Enfin, les associations relèvent un vice de procédure et insistent sur l’absence de preuve entre les méthodes létales utilisées sur les loups et la protection des troupeaux d’élevage. En effet, des méthodes non létales peuvent être utilisées pour éloigner les loups, sans qu’il soit besoin de les détruire.
Afin d’étayer leur raisonnement et ainsi d’établir un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ministériel, les associations s’appuient sur l’expertise scientifique collective sur le devenir de la population des loups en France, en date du 7 mars 2017. Cette expertise relève qu’au motif de la survie de l’espèce, les tirs de prélèvements ne peuvent pas dépasser plus de 10% de la population totale. Or, les chiffres de destruction autorisés par le Ministre de l’Environnement reviennent à rendre légale la destruction de près de 13% de la population totale de l’espèce.
Le Conseil d’Etat, saisi en premier et dernier ressort de ce référé (en raison de son caractère d’acte règlementaire de portée nationale puisqu’il s’agit d’un arrêté ministériel) rejette pourtant en bloc l’argumentation avancée par les requérantes, sans même statuer sur l’urgence à suspendre les effets de l’acte administratif litigieux.
En effet, le Conseil d’Etat estime que les requérantes n’avancent pas de moyen propre à établir un doute sérieux sur la légalité de l’acte attaqué. Les juges relèvent que l’expertise dont se prévalent les associations ne constitue pas une limite impérieuse en matière de dérogations admissibles qu’il convient de respecter strictement mais qu’il s’agit plutôt d’un document d’orientation destiné à adapter la politique de gestion des loups en France dans le temps, pour les autorités françaises.
Le fait d’augmenter les dérogations espèces protégées à l’encontre des loups alors que l’expertise scientifique enjoindrait de ne pas y procéder ne constitue pas pour le Conseil d’Etat un doute sérieux sur la légalité d’une décision administrative.

Si le Conseil d’Etat retient que la protection des troupeaux est un motif destiné à justifier la dérogation, conformément au Code de l’Environnement, il ne statue pas sur une disposition qui apparaît pourtant plus fondamentale en matière de dérogation, à savoir l’absence d’autre solution satisfaisante.

L’objectif de ne plus perdre en biodiversité, surtout pour une espèce qui avait presque disparue du fait de la pression anthropique cède donc encore lorsque d’autres intérêts, notamment l’élevage sont en cause. Gageons que l’intérêt de conserver des espèces protégées pèsera à l’avenir davantage en cas de théorie du « bilan » dans la balance du juge, et que des solutions pérennes seront développées pour faire cohabiter la présence des loups avec les activités pastorales sans recourir à leur destruction systématique reconduite annuellement.