Par un arrêt du 17 janvier 2017, le Conseil constitutionnel se prononce sur la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l’obligation de reprise par les distributeurs des matériaux de construction, posée par la Confédération française du commerce de gros et du commerce international et transmise par le Conseil d’Etat par un arrêt du 17 octobre 2016 (CE n° 399713, 17 octobre 2016), à l’occasion de l’examen de la légalité du décret d’application n° 2016-288 du 10 mars 2016.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique a en effet inséré au code de l’environnement l’article L. 541-10-9, imposant aux distributeurs de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels la reprise des déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements. Cette obligation s’applique depuis le 1er janvier 2017.

Les articles D. 543-288 à D. 543-290 du même code, crées par le décret du 10 mars 2016 précité, précisent la notion de tels matériaux, produits et équipements de construction, ainsi que la notion de distributeur et de déchets issus de ces matériaux, produits et équipements, et le champ d’application de l’obligation de reprise pesant sur les distributeurs.

Le requérant avançait que les dispositions de l’article L. 541-10-9 du code de l’environnement portait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution : plus précisément, le législateur aurait méconnu la liberté d’entreprendre et le principe d’égalité devant la loi, ainsi que le principe réservant au législateur la détermination des crimes et délits.

Le Conseil constitutionnel a considéré que l’article contesté était conforme à la Constitution, et a ainsi rejeté l’ensemble des griefs qui lui étaient présentés.

En premier lieu, concernant la liberté d’entreprendre, le requérant estimait que le législateur avait manqué de précision notamment dans sa définition des débiteurs de l’obligation de reprise, et quant à la portée de cette obligation, particulièrement sur le volume de déchets à rependre.

Rappelant qu’il pouvait être apporté à la liberté d’entreprendre des limitations justifiées par des exigences constitutionnelles ou par un motif d’intérêt général, dès lors que l’atteinte n’est pas disproportionnée à l’objectif poursuivi (C. const. N° 2000-439 DC, 16 janvier 2001), le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur avait « poursuivi un objectif d’intérêt général » en « favorisant un maillage de points de collecte au plus près des chantiers de construction », afin de « limiter le coût de transport des déchets et éviter leur abandon » dans des décharges sauvages. Les travaux parlementaires ont en effet pointé que l’insuffisance d’installations de collecte de déchets de construction et le coût élevé du transport de ces déchets entrainaient une multiplication des dépôts sauvages.
Les distributeurs concernés par l’obligation de reprise sont ceux s’adressant principalement aux professionnels du bâtiment et de la construction, dès lors qu’ils sont les « principaux pourvoyeurs des produits, matériaux et équipements de construction dont sont issus ces déchets », a jugé le Conseil constitutionnel.

Le Conseil a également décidé que l’obligation de reprise était délimitée quant à la liberté d’entreprendre.
Ainsi, il a considéré que la nature des déchets remis par les professionnels soumis à l’obligation de reprise était suffisamment définie : ces déchets sont issus de matériaux que le distributeur a vendus et des matériaux de même type que ceux vendus par un autre fournisseur.

De même, il a estimé que le législateur avait laissé le distributeur « libre de décider des modalités notamment financières, selon lesquelles il accomplira l’obligation de reprise qui lui incombe » en prévoyant qu’il « s’organise en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités compétentes ». Les distributeurs peuvent donc prendre en charge ces déchets, ou sous-traiter leur gestion ; ils peuvent également la facturer.

En outre, concernant le volume de l’obligation de reprise, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur avait limité l’obligation de reprise « dans une mesure telle qu’il n’en résulte pas une dénaturation de l’activité principale du distributeur, en faisant dépendre cette obligation de l’activité principale du distributeur.

En second lieu, le Conseil a examiné la conformité du texte attaqué au principe d’égalité devant la loi, considérant que celui-ci n’avait pas été méconnu par le législateur, la différence de traitement instituée reposant sur une différence de situation. Il juge ainsi que les distributeurs de matériaux s’adressant principalement aux professionnels ne sont pas placés dans la même situation que les distributeurs s’adressant à titre accessoire à ces mêmes professionnels.

Le Conseil constitutionnel en conclut que l’article L. 541-10-9 du code de l’environnement ne méconnait pas de droit ou liberté que la Constitution garantit. Reste au Conseil d’Etat de se prononcer sur la légalité du décret du 10 mars 2016 attaqué par le requérant.

Est ainsi reconnu un régime de responsabilité élargie du distributeur, à côté de ceux, déjà établis, de responsabilité élargie du producteur et du détenteur des déchets.