A l’heure où la vision de la filière nucléaire de la part du nouveau Gouvernement français n’est toujours pas connue, les citoyens de Suisse, ce 21 mai 2017, ont voté en faveur de la loi sur l’énergie qui prévoit notamment la sortie progressive du nucléaire et fixe d’autres dispositions en faveur du développement des énergies renouvelables. La loi avait été approuvée par le Conseil Fédéral qui recommandait que les citoyens l’acceptent, entérinant ainsi le premier paquet législatif de la Stratégie Energétique suisse pour 2050. La loi ainsi que les ordonnances qui vont suivre, entreront en vigueur début 2018.

I. Des dispositions sur la sortie du nucléaire en Suisse

Malgré une faible participation (aux alentours de 42%), les Suisses ont approuvé à plus de 58% la loi sur l’énergie, ouvrant ainsi la voie à une sortie progressive du nucléaire. Suite à la catastrophe de Fukushima, le pays envisageait en effet d’en sortir.
Cette sortie passe en réalité par une modification de la loi de 2003 sur l’énergie nucléaire en interdisant dorénavant l’autorisation de l’implantation de nouvelles centrales nucléaires. A l’instar du régime administratif des installations nucléaires de base en France (INB), les centrales suisses pour être exploitées devaient être autorisées. Ce gel des autorisations pour l’avenir constitue donc un frein à l’énergie issue de la fission des atomes.
L’octroi d’autorisations modificatives pour les centrales existantes est également prohibé.
Pour autant, le vote de dimanche n’équivaut pas à démanteler les centrales existantes dans les prochaines années, puisqu’en novembre 2016, les citoyens s’étaient déjà prononcés sur la question de la sortie accélérée du nucléaire, à laquelle ils avaient répondu par la négative. Il s’agissait d’un référendum d’initiative populaire présenté par le parti écologiste qui prévoyait une sortie complète du nucléaire d’ici 2029 en fermant trois réacteurs avant 2020, sur les cinq que compte la Confédération Helvétique.
Rappelons que dans ce pays où la démocratie directe occupe une place importante dans la vie politique du pays, 100 000 citoyens peuvent soumettre un projet à la votation populaire de la Confédération.
Ainsi, en vertu du droit commun, les centrales existantes pouvaient rester en service, à la condition qu’elles présentent les impératifs de sûreté nécessaires.
Nombreux sont les enjeux en matière de place de l’énergie nucléaire en Suisse puisque le mix énergétique y est sensiblement différent de celui de la France dont l’énergie nucléaire contribue largement à la volonté d’indépendance énergétique (puisque l’électricité française provient environ à 75% de source nucléaire). La Suisse en effet, importe les trois quarts de son énergie. Le nucléaire représente en outre un tiers de l’énergie électrique suisse.
Par conséquent, en plus d’organiser la transition vers des sources renouvelables d’approvisionnement à l’échelle nationale, la Suisse doit d’autant plus que les autres pays réduire drastiquement sa consommation. Si la transition énergétique repose en tous les cas sur une réduction de la consommation d’énergie, les efforts suisses devront ainsi être plus importants si le pays souhaite s’ouvrir la voie d’une plus grande indépendance énergétique.

II. D’autres dispositions en faveur de la transition énergétique

En vue d’adapter la consommation d’énergie en Suisse à la transition vers des énergies renouvelables indigènes, la loi fixe des valeurs indicatives de réduction de la consommation à atteindre. Ainsi, l’article 3 de la loi prévoit une réduction de 16% de la consommation d’énergie moyenne par personne d’ici à 2020 et de 43% d’ici à 2035, par rapport à la consommation mesurée en 2000.
Quant à la consommation d’électricité, la loi prévoit d’atteindre une réduction de 3% pour 2020 et de 13% pour 2035.
La loi sur l’énergie proclame par ailleurs que l’utilisation des énergies renouvelables est d’intérêt national. Bien que l’hydroélectricité constitue 60% du mix électrique suisse, la loi cherche à renforcer sa place davantage par la planification des ressources en eau au niveau cantonal.
Des mesures de soutien aux énergies renouvelables sont par ailleurs prévues notamment en ce qui concerne l’hydroélectricité, la biomasse et le photovoltaïque. Le texte encourage par ailleurs l’autoconsommation par des mesures incitatives.
Si la Suisse ne dispose dans son mix électrique que de 4,3% d’énergies renouvelables (2831 GWh), hors hydroélectricité, la loi prévoit un objectif de 4400 GWh dès 2020 pour ces énergies et de 11 400 GWh d’ici avant 2035.
Afin de contribuer à la réduction de la consommation énergétique, la loi sur l’énergie votée le 21 mai 2017 prévoit de reconduire le plan « Bâtiments » qui devait expirer en 2019. Ce plan prévoit des aides pour les propriétaires à la conversion de leurs installations de chauffage conventionnelles vers des systèmes renouvelables ainsi qu’une aide relative à l’isolation thermique des bâtiments. Ce secteur représente en effet 40% de la consommation énergétique.
A noter enfin qu’à compter de 2021, la valeur moyenne des émissions de dioxyde de carbone du parc de voitures particulières neuves ne pourra dépasser les 95g par kilomètre (contre 130 aujourd’hui).