Le 16 mai 2017, la Commission Européenne a publié une communication faisant état de la nécessaire interdiction du commerce de l’ivoire d’éléphant. Si ce document n’a que valeur de Soft Law, il demeure important en ce qu’il fixe les orientations européennes en la matière, et témoigne de la prise de conscience de l’ampleur du braconnage, et de la participation éventuelle du marché européen à l’alimentation du marché illégal de produits dérivés d’espèces protégées.

Les instruments internationaux de règlementation du commerce d’espèces protégées

Sur le plan international, c’est la Convention signée à Washington en 1973 dite CITES (Convention on International Trade of Endangered Species) qui constitue la pierre angulaire de la règlementation du commerce international d’espèces protégées. Cette Convention Internationale entrée en vigueur en 1975 a pour objet de règlementer l’importation, l’exportation, la réexportation ou l’introduction d’espèces de faune et de flore sauvages de manière plus ou moins stricte selon que ces taxons se trouvent référencés dans l’une des trois Annexes.
Ainsi, à l’Annexe I figurent les espèces menacées d’extinction dont le commerce est interdit en principe sous réserve de dérogations strictes. Les espèces qui figurent à l’Annexe II ne sont pas menacées d’extinction de manière critique mais elles seraient susceptibles de l’être si leur commerce n’était pas règlementé.
L’annexe III concerne les espèces protégées d’un pays pour lesquelles celui-ci demande le concours des autres pays afin de contrôler le commerce de ces espèces.
Toutes les espèces, indépendamment de l’Annexe à laquelle elles sont inscrites doivent en cas de commerce international, faire l’objet d’un certificat ou d’un permis d’exportation et d’une preuve concernant l’origine licite de l’espèce. Selon le degré d’extinction de l’espèce, un permis d’importation peut être également nécessaire.
Les espèces doivent par ailleurs être transportées dans des conditions qui ne génèrent pas de blessures ou de maladies.
L’union Européenne a repris les dispositions de cette Convention par un Règlement du 3 décembre 1982 modifié par le règlement n°338/97 du 9 décembre 1996.

Les voies d’amélioration envisagées par la Commission en matière de commerce d’ivoire

Dans sa communication du 16 mai 2017 la Commission annonce qu’elle envisage d’appliquer des mesures plus strictes à compter de juillet 2017 comme prévu dans le plan d’action de l’Union Européenne contre le trafic d’espèces sauvages. La Commission recommande aux Etats Membres dans son document d’orientation de ne plus délivrer les certificats d’exportation d’ivoire brut, rendus nécessaires par la CITES puisque les éléphants sont placés sur la liste de l’Annexe I depuis 1975 pour l’éléphant d’Asie et 1990 pour l’éléphant d’Afrique. Dans la législation européenne, les pièces d’ivoire antérieures à 1990 disposaient donc d’une dérogation sur l’interdiction de ce commerce.
Les exportations d’ivoire brut entre 2013 et 2016 depuis l’Union Européenne vers l’Asie se sont élevées à 1900 défenses d’ivoire anciennes, un chiffre en constante augmentation qui a poussé la Commission à la rédaction de ce document d’orientation.
En effet, les exportations d’ivoire à destination de l’Asie se sont intensifiées ces dernières années et la Commission redoute que des flux illicites puissent venir s’ajouter parmi les exportations légales d’ivoire.
Les exportations d’ivoire travaillé depuis l’UE (quelques milliers d’articles par an) ne seront que strictement permises, à condition de prouver que ces pièces ont été acquises avant 1976 (la charge de la preuve incombant au propriétaire).
A ces restrictions supplémentaires s’ajoute un versement de 2.25 millions d’euros versés par l’UE au Secrétariat de la CITES afin de renforcer la lutte contre le braconnage d’éléphants qui représente entre 20 000 et 30 000 spécimens tués en Afrique chaque année. Le trafic d’espèces protégées constitue une activité très lucrative et s’est inscrite parmi les activités de criminalité organisée.
A l’instar de la corne de rhinocéros, la demande croissante d’ivoire provient majoritairement d’Asie. La répression des activités criminelles en matière de braconnage nécessite donc le concours d’Interpol, d’Europol et fait l’objet d’aides dans les pays concernés par l’intermédiaire de l’ONU (ONUDC, PNUE). 2.5 tonnes d’ivoire ont été saisies dans les Etats membres de l’UE en 2016.
Un moyen de limiter les flux illégaux est par exemple de brûler les stocks d’ivoire saisis ; c’est par exemple ce qu’a décidé le Kenya en 2016 (KWS) afin d’éviter que les quantités saisies ne puissent de nouveau envahir les marchés (vol, corruption) envoyant ainsi un signal fort aux trafiquants.

Les lignes bougent en matière de protection des espèces contre le braconnage et le commerce de produits dérivés. La France a en effet précisé les conditions d’interdiction sur le territoire national du commerce d’ivoire d’éléphant et de corne de rhinocéros par un arrêté du 4 mai 2017, modifiant l’arrêté du 16 août 2016. Quant aux principaux marchés de débouchés (Etats-Unis et Chine) pour ce commerce d’ivoire illégal, la Chine a annoncé une interdiction totale sur son territoire d’ici fin 2017.

Les ONG militent cependant pour une interdiction totale du commerce de l’ivoire et non le maintien d’une dérogation pour l’ivoire travaillé. En effet, si les dérogations pour le commerce d’objets contenant de l’ivoire, subsistent, même si l’ivoire a été récupérée avant une certaine date, il n’en reste pas moins que le maintien d’une vente légale ne saurait dissuader le braconnage d’espèces protégées.