Dans un arrêt rendu par le tribunal administratif de Nancy le mardi 28 février, la cession du bois Lejuc à l’Agence nationale des déchets radioactifs (ANDRA) à été invalidée. Le tribunal a en effet annulé la délibération du Conseil municipal entérinant la cession de la forêt à l’Agence, cette dernière prévoyant d’installer son centre d’enfouissement de déchets nucléaires dans le sous-sol argileux de ce bois.

L’affaire débute au cours de l’année 2013, lorsque l’ANDRA propose à la commune de Mandre-en-Barrois la cession de ce bois en échange d’autres parcelles, ainsi que des promesses d’emplois pour les habitants de la commune. A la suite de cette proposition a lieu une consultation, à l’issue de laquelle 50 habitants sur 86 refusent la cession. L’un d’entre eux, Michel Labat, parle au nom de ces habitants, en affirmant qu’ils sont « attachés à ce bois communal, qui fait partie de [leur]histoire depuis le XVIIIe siècle ». Il ajoute : « Nous allons nous y promener, chasser, faire nos affouages. Il n’est pas question d’en faire une poubelle nucléaire ».

Malgré ce refus vont se tenir en juillet 2015 plusieurs réunions qui se dérouleront en huis clos et durant lesquelles le Conseil municipal sera amené à voter à bulletin secret l’échange du bois de Lejuc contres d’autres parcelles se situant à proximité. Ainsi, sept conseilleurs sur onze vont voter la cession durant en vote que certains qualifieront « sous haute tension », en raison notamment de la présence des agents de l’ANDRA. Toutefois, l’Agence ferra valoir que : « Ce vote à bulletin secret est une manière de garantir l’indépendance des votes sachant que les opposants étaient présents dans la salle du conseil pour faire pression sur les élus ».

Un mois plus tard, Michel Labat et 30 autres habitants de la commune, considérant ce vote comme frauduleux, vont ainsi contester la légalité de la délibération par le biais d’une demande de recours gracieux. Toutefois, face à l’absence de réponse après près de 4 mois, Michel Labat et trois de de ses voisins finiront par déposer un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Nancy. Ils vont arguer de l’illégalité de la transaction en faisant falloir dans un premier temps qu’il s’agit ici d’une cession à vil prix, en ce que les parcelles cédées en échange de la foret seraient de moindre valeur. Dans un second temps, les requérants vont soulever le fait que certains élus présents lors du vote étaient en situation de conflits d’intérêts en ce qu’ils comptaient des membres de leurs familles employés au sein de l’Agence nationale des déchets radioactifs ou d’entreprises sous traitantes. Par ailleurs, certains s’étaient même vu accorder par l’entité, des baux agricoles précaires ainsi que des baux concernant la chasse dans le bosquet.

Ainsi, le 31 janvier 2017, la rapporteuse publique a demandé l’annulation du vote pour vice de procédure, demande qui sera suivie par le juge administratif qui reprendra les conclusions, et estimera : « que le vice de procédure, qui a permis de déroger à la règle générale selon laquelle le vote a un caractère public, a privé le public de la garantie de connaître le sens du vote des membres du conseil municipal ». La décision se fondera principalement sur le règle selon laquelle, le vote à bulletin secret ne pouvait être mis en oeuvre uniquement dans le cas où il aurait fait l’objet d’une demande par au moins au tiers des conseillers municipaux, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce puisque cette modalité avait été proposée par le maire.

Cette décision semblait aller dans le sens de la société civile, puisque la forêt s’était vue assaillir pendant pas moins de 6 mois d’opposants au projet de cession, empêchant ainsi l’ANDRA de débuter ses travaux de déboisement.

Désormais, le Conseil municipal doit régulariser la situation dans les 4 mois à venir, en procédant à de nouvelles délibérations et à un nouveau vote. Cependant, et comme le souligne l’un des avocats des requérants Maître Samuel Delalande, rien ne semble jouer . En effet, cette décision n’est ni synonyme de blocage, ni d’annulation du projet d’enfouissement. L’Agence estime d’ailleurs que cette décision porte « uniquement sur une question de forme : le conseil municipal a voté cette délibération à bulletin secret, or pour cela il aurait fallu qu’un tiers au moins des conseillers en fasse la demande formelle ».

Toutefois, selon maître Delalande, « Aujourd’hui, l’Andra n’a plus aucune légitimité pour poursuivre les travaux au bois Lejuc ni pour expulser les militants. Car si l’Agence est juridiquement toujours propriétaire, cette propriété est de plus en plus fictive ».