Le tribunal administratif fédéral de Vienne a estimé que "l’intérêt public lié à la protection contre les effets négatifs du changement climatique, dû en particulier aux émissions de CO2, est supérieur aux intérêts publics positifs attendus de la réalisation du projet ».
La justice autrichienne a donc estimé que la construction d’une troisième piste au sein de l’aéroport de Vienne constituait un impact trop néfaste sur le climat et les terres agricoles. Cette décision possède une portée plus que symbolique, puisque les affaires dans lesquelles la protection de l’environnement et plus précisément, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, a primé sur les profits économiques se comptent sur les doigts de la main.

Pour fonder leur décision, les juges ont fait mener des expertises, révélant une hausse de 2% des émissions de gaz à effet de serre imputable à la création de cette troisième piste. Dès lors, les juges en ont tiré la conclusion que les objectifs fixés en Autriche concernant la lutte contre le réchauffement climatique étaient inatteignables en cas de réalisation du projet.

Dans un second temps, la juridiction a pris en compte l’avenir des terres cultivables, en ce que la construction menaçait de détruire près de 760 hectares de terres. Les juges ont notamment fondé cet argument sur le principe de développement durable, en déclarant que “La préservation de riches terres arables pour l’alimentation des générations futures est également une urgence qui s’impose”.

Le fait pour une juridiction de rejeter un projet de construction susceptible de rapporter d’importants bénéfices, au profit d’arguments environnementaux, constitue une décision unique. En l’espèce, les juges ont protégé l’environnement pour lui-même, sans passer par le biais de la santé humaine, comme cela est généralement fait.

La décision a globalement été accueillie de manière positive par la société civile. On peut par exemple citer Herbert Jänschka, maire d’une commune voisine au lieu où se situe l’aéroport, qui a qualifié la décision comme une “décision d’avenir qui va dans le sens de notre environnement et de notre santé”. Dans le même sens, les membres du collectif à l’origine de l’action en justice ont salué la décision qui “a trouvé le courage d’arrêter le projet malgré l’énorme pression politique”.

Il existe cependant une ombre au tableau. En effet, la volonté de construction de cette troisième piste était née du constat d’engorgement actuel mais surtout futur de l’aéroport viennois, considéré comme une « plaque tournante du trafic aérien en Europe centrale et du sud », accueillant en 2016 pas moins de 23,4 millions de voyageurs, avec un hausse estimée à plus de 87% du nombre d’usagers d’ici 2025.
L’avocat de l’aéroport considère que ce jugement met à mal la croissance économique autrichienne, et notamment le secteur touristique. Il a en ce sens déclaré que « Les avions ne voleront pas moins, ils atterriront juste ailleurs ».
Le directeur de l’aéroport quant à lui parle de « non-sens », et considère que si l’on suivait la logique de cette décision, « plus aucune maison, aucune rue et surtout aucune usine ne pourront alors être construites, parce que tous les projets de ce type provoquent une augmentation des rejets de CO2 et une détérioration des sols ».

Un parallèle français peut rapidement être opéré ici, avec l’affaire concernant le projet de construction d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Certains membres du collectif CEDPA considère cette décision autrichienne comme les prémisses du changement des points de vues des juridictions, concernant la protection de l’environnement.

Ce jugement nous force toutefois à constater que la France est loin d’être un Etat précurseur en matière de protection de l’environnement