Le 5 décembre 2016 s’est tenue à Paris la seconde journée nationale de prévention des conduites addictives en milieu professionnel. Le même jour le Conseil d’Etat a rendu un arrêt qui pose le principe que l’employeur peut réaliser des tests salivaires de détection de stupéfiants sur ses salariés occupant des postes « hypersensibles ».

La loi du 31 décembre 1970 est le cadre juridique en matière de drogue, ce texte réprime sévèrement tout trafic et usage des stupéfiants.

Il est important de rappeler que l’employeur est tenu en vertu de l’article L4121-1 du Code du travail à une obligation de sécurité de résultat. Or se conformer à cette obligation devient particulièrement difficile pour l’employeur en raison de l’augmentation des conduites addictives en entreprise, certains spécialistes appellent ce phénomène le « dopage professionnel ».

Les chiffres sont alarmants, plus de 20 millions de salariés sont concernés. La dernière enquête menée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies met fin à certains clichés en démontrant que tous les métiers et secteurs sont touchés sans aucune distinction sur la nature du contrat. Actuellement 11% des entreprises sont confrontées à des problèmes liés au cannabis.

Il serait particulièrement intéressant de se demander pourquoi ces pratiques addictives s’invitent désormais sur le lieu de travail ?

Pour cause l’environnement et le travail peuvent avoir une influence déterminante. La pénibilité, la monotonie ou la surcharge du travail sont les facteurs qui poussent à la consommation qui est alors perçue comme un moyen de lutte contre le stress et un moyen d’adaptation continue par le salarié afin d’améliorer ses performances au travail.

Cela semble particulièrement flagrant en raison de la démarche RSE dans laquelle s’engagent les entreprises. Ce paradoxe met en évidence que la recherche du bien être en entreprise doit désormais adopter d’autres solutions.
En outre, les conduites addictives ne sont pas neutres financièrement, une démotivation et une baisse de vigilance représentent un risque d’accident de travail particulièrement élevé.

Face à ce constat le gouvernement lance un plan de prévention majeur contre les conduites addictives en milieu professionnel. De nombreuses missions sont menées, les médecins du travail sont formés, et un site internet d’information a été créé.

Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 5 décembre 2016 (n°394178) se prononce pour la première fois sur le sujet. Tout en suivant la logique de prévention, il autorise l’employeur à réaliser des tests de détection de façon aléatoire sur les salariés. Pour recourir à ces tests, l’employeur doit néanmoins respecter certaines conditions.

1) Le recours au test de dépistage de stupéfiants doit être prévu dans le règlement intérieur, ou dans une note de service pour les entreprises de moins de 20 salariés.

2) Le Conseil d’Etat valide la pratique des contrôles aléatoires mais à condition que les postes soient classés « hypersensibles » ou soient des postes à « hauts risques ». Pour le Conseil d’Etat, ce sont des postes pour lesquels l’emprise de la drogue constitue un danger particulièrement élevé pour le salarié et pour les tiers. Exemple : conducteur de véhicule, manipulation de produits dangereux.

Selon les dispositions de l’article L 1121-1 du code du travail, la mise en place d’un tel dispositif de contrôle doit cependant être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

3) Le risque d’erreur est pris en compte par le Conseil d’Etat. Il est tout à fait possible de demander une contre-expertise médicale à la charge de l’employeur qui doit l’effectuer dans les plus brefs délais. Ce dernier est tenu au secret professionnel.

4) Le recours à de telles pratiques suivi d’un licenciement au cas ou le test s’avère être positif ne constitue pas une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles et collectives.

5) L’accord du salarié est nécessaire, en cas de refus ce dernier pourra être sanctionné, une sanction qui peut aller jusqu’au licenciement.

6) Le test de détection de stupéfiant peut être réalisé par l’employeur ou un supérieur hiérarchique ou par une personne désignée par ce dernier. N’entrant pas dans le champ d’un examen de biologie médicale ce test n’a pas besoin d’être réalisé par un spécialiste médicale L. 6211-1.

Cet arrêt du conseil d’Etat permet aussi de faire le lien avec la pratique des pots en entreprise qui n’est pas interdite, néanmoins il demeure à la charge de l’employeur une obligation de sécurité. En matière d’alcool au travail, la législation interdit l’introduction ou la distribution des boissons alcoolisées à l’exception du vin, bière, cidre et le poiré (Code du travail R. 4228-20). La législation interdit également de laisser entrer ou séjourner des personnes en état d’ivresse dans l’entreprise.

Dans un arrêt du 31 mars 2015 (n° 13-25.436) la Cour de cassation a validé la pratique des contrôles hors entreprise car ces derniers ne constituaient pas une atteinte aux libertés fondamentales, à condition que le recours au test d’alcoolémie et la procédure soient inscrits dans le règlement intérieur et motivés par des impératifs de santé et de sécurité.

Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 12 novembre 2012 (n°349365) a rappelé que le règlement intérieur ne peut interdire de manière générale et absolue la consommation d’alcool dans l’entreprise, une telle interdiction devra nécessairement être justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché.

Par ailleurs le fait de travailler en état d’ébriété constitue une faute professionnelle passible d’une sanction disciplinaire. Pour autant le licenciement pour faute n’est pas systématique. En effet, la jurisprudence est bienveillante à l’égard du salarié, et rappelle que la sanction doit être proportionnée à la gravité de la faute commise. Elle exige une certaine marge d’appréciation qui varie au cas par cas. Ainsi, en l’absence d’une situation dangereuse, la faute grave peut être écartée par les juges en tenant compte de l’ancienneté du salarié, de sa qualité de travail qui n’a pas affecté le bon fonctionnement de l’entreprise, ou encore le caractère isolé de l’incident. De ce fait, la faute grave ne se présume pas.

Sur le plan prévention, il faut s’assurer qu’après consommation rien ne mette en péril la santé et la sécurité des salariés. En effet, si en état d’ivresse suite à un pot un accident porte préjudice au salarié ou à un tiers, alors la responsabilité civile de l’employeur pourra être engagée sur le fondement du non-respect de l’obligation de sécurité. L’employeur peut aussi être poursuivi pénalement pour homicide involontaire ou encore non-assistance à la personne en danger.

Pour faire face à ce problème majeur, certains DRH font appel à des préventeurs, des psychologues et des assistantes sociales afin d’aider les salariés.