INCONSTITUTTIONNALITE DE LA TAXE CARBONE : analyse d’une décision


INTRODUCTION

La décision du Conseil Constitutionnel du 29 décembre 2009 clôt, temporairement, la séquence « taxe carbone » dont les tribulations, l’ont conduite sur la table des neuf sages. Impôt écologique, inséré dans la loi de finances pour 2010, il était censé orienter les comportements des entreprises et des ménages en matière de consommation d’énergie. Instrument imaginé dans le cadre du Protocole de Kyoto, il est une possibilité, parmi d’autres , offerte aux États, engagés dans la réduction des gaz à effet de serre (GES), afin de contrôler le réchauffement climatique.
La taxe vise à décourager les émissions polluantes en faisant payer les pollueurs au prorata de leurs émissions . Schématiquement, la répercussion de la taxe sur les produits augmente leur prix, proportionnellement aux émissions engendrées par leur production. Naturellement, elle est favorable aux produits ayant émis moins de dioxyde de carbone. Elle devait constituer le point focal, la mesure majeure traduisant le consensus autour de la problématique du réchauffement climatique. Qu’en est-il finalement ?
Il est regrettable, de constater à quel point, le Sommet de Copenhague , et le coup de semonce du Conseil stigmatisent à des degrés divers, l’extraordinaire aporie du politique. La fermeté des engagements contraste singulièrement, avec l’incroyable mollesse des moyens de lutte. Quoi qu’il en soit, la décision du Conseil condamne-t-elle, définitivement le levier fiscal en tant qu’outil, tendant à infléchir les excès anthropiques en matière énergétique ? Une réponse négative s’impose à la lecture de la décision du Conseil, dont il importe d’analyser les fondements juridiques (I.), avant d’envisager les conséquences, qui vont bien au-delà du simple contrôle de constitutionnalité (II.).


I. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA DECISION

Par sa référence au préambule de la constitution, la décision du Conseil constitutionnel rappelle doublement l’importance du bloc de constitutionnalité (A.) et du principe d’égalité devant les charges publiques (B.).

A. Le rappel de l’importance du bloc de constitutionnalité

L’expression « bloc de constitutionalité » est couramment utilisée pour souligner l’étendue du champ des normes constitutionnelles, le Conseil constitutionnel évoquant plutôt, quant à lui, les « normes de constitutionnalité ». En fondant sa décision sur la Charte de l’environnement, le Conseil renforce considérablement la normativité de ce texte (1), qui pourrait devenir un précédent (2).

1) La charte de l’environnement et le bloc de constitutionnalité

Adoptée le 28 février 2005, par le parlement réuni en congrès, la Charte de l’environnement a été annexée à la constitution par la loi du 1er mars 2005. Si la nécessité du texte fut largement partagée, sa normativité en revanche, fit longtemps débat. Du fait notamment de nombreuses références proclamatoires qu’il contient. Toutefois, certaines dispositions au-delà de leur valeur symbolique, constituent un vivier normatif indéniable.
Norme suprême, la constitution s’impose à tous. Le législateur, dans l’exercice de ses compétences doit s’y conformer, sous peine, de sanction de la loi, ou de ses dispositions qui lui seraient contraires. D’autant plus que le Conseil constitutionnel a considérablement élargi le champ des principes et normes auxquels il se réfère dans l’exercice de son contrôle.
Il s’accorde la compétence de vérifier que le législateur respecte non seulement les articles de la constitution du 04 octobre 1958, mais aussi plusieurs principes de valeur constitutionnelle, issus notamment de la Charte de l’environnement. Á cet égard, la violation des dispositions normatives de la Charte a ainsi justifié la sanction de la taxe carbone. Á l’appui de sa décision, le Conseil constitutionnel évoque la méconnaissance par le législateur des articles 2, 3 et 4 de la Charte. Il affirme d’ailleurs, opportunément, qu’il a tranché au nom des principes de « valeur constitutionnelle » de la Charte de l’environnement. Sur le plan juridique, il est incontestable que la décision du 29 décembre renforce considérablement l’autorité de la Charte de l’environnement.

2) La décision constitutionnelle un précédent ?

Á chaque fois, qu’il en a eu l’occasion, le Conseil a toujours fait du respect de la Charte un critère d’appréciation de la constitutionnalité, des textes qui lui sont déférés. Il s’y est référé pour la première fois, par une décision du 28 avril 2005 , relative à la création du registre international français de l’immatriculation des navires. Il a jugé que le législateur n’avait pas méconnu le principe de développement durable énoncé par l’article 6 de la Charte. En revanche, par sa décision du 19 juin 2008 , certaines dispositions de la loi OGM furent sanctionnées sur la base de la charte de l’environnement et conjointement avec l’article 34 de la constitution qui définit le domaine d’intervention du législateur.
Les décisions du Conseil ont une autorité toute particulière, puisqu’elles s’imposent au législateur et à l’administration comme à l’ensemble des juridictions . La normativité de la Charte de l’environnement pourrait alors bénéficier, de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, bien qu’il ne se situe au sommet d’aucune hiérarchie judiciaire, et le système juridique français ne connaissant pas l’autorité du précédent .
Mais il est remarquable de constater que le juge administratif tend à se fonder de plus en plus directement sur les règles constitutionnelles, et à faire expressément référence à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative par exemple, aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République . De manière générale, le Conseil d’État tient compte des réserves d’interprétation faites par le Conseil constitutionnel, qui sont une condition de l’admission de la conformité de la loi à la constitution et s’imposent à toutes les juridictions en vertu de l’article 62 de la constitution .
Ainsi, par un arrêt d’assemblée, en date du 06 octobre 2008 qui, en annulant le décret du 1er août 2006 au motif qu’il violait la Charte de l’environnement, le Conseil d’État consacrait, à son tour, la valeur juridique de ce texte. Toutefois, la position de la Cour de cassation reste attendue à ce sujet. Nul doute qu’elle ne dérogera pas à la tendance ainsi initiée par la jurisprudence constitutionnelle.

B. Le principe d’égalité devant les charges publiques

On ne saurait restreindre le droit fiscal à son seul objet, à savoir l’impôt. Une autre acception commande de l’appréhender plus largement comme l’ensemble des principes et des règles relatifs au droit de lever l’impôt. La lecture de la décision du Conseil constitutionnel relève l’importance de ce dernier aspect. Le principe d’égalité faisant partie de ceux qui ont une portée constitutionnelle (1), dont le non respect est sanctionné par le conseil (2).

1) L’exposé théorique du principe

Au cœur du droit fiscal, il irrigue toute la pensée sur la justice fiscale et donc toutes les théories de l’impôt. Il prend racine dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, précisément en son article 13 . Il se trouve consacré tout à la fois dans le préambule et dans l’article 1er de la constitution. Il est porteur d’une tradition politique ainsi que d’une conception particulière de la fiscalité qui sont liées au projet de société, qui fut celui des penseurs de la Révolution française .
Á l’évidence, force est de reconnaître que l’énoncé de l’article 13 est frappé d’obsolescence. La référence qu’il affiche au rôle de l’impôt est désormais dépassée. Celui-ci s’est rapidement affirmé comme un outil de redistribution des richesses bien plus que comme une simple source de financement de l’appareil administratif. Et la finalité assignée à la taxe carbone démontre, s’il en était besoin, l’impossibilité de corseter l’outil fiscal. Il dépasse les approches traditionnelles, et migre vers des territoires, demeurés jusque-là, en dehors de la discipline fiscale tels que le réchauffement climatique.
En dépit de la différence de contexte qui sépare le monde contemporain de celui de sa consécration, la solidité de ce principe est remarquable. Ce caractère apparemment suranné n’empêche pas que cet article serve de fondement quasi systématique au contrôle de la loi fiscale par le Conseil constitutionnel. Ainsi, le Conseil considère-t-il que les régimes d’exemption prévus par la taxe carbone « créent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».

2) L’application jurisprudentielle du principe

Depuis la décision du Conseil constitutionnel de confronter la loi fiscale au principe d’égalité, celui-ci a pris une place particulière dans le droit positif. Le Conseil s’est d’abord appuyé sur la conception du principe d’égalité forgée par le Conseil d’État en tant que principe général du droit (donc en tant que principe qui s’impose à l’administration et auquel seule la loi peut déroger) et décliné de plusieurs manières . Á ce propos, le juge administratif procède à une double analyse. Il s’assure d’une part, que les personnes placées dans la même situation au regard d’un service public bénéficient d’un même traitement. Si ce n’est pas le cas, il apprécie alors en second lieu si l’intérêt général ou un texte de loi justifie un tel traitement différencié.
Á l’évidence, cette conception administrativiste présente d’incontestables limites. En effet, en matière fiscale, la loi a vocation à tenir compte des différences de situations économique, sociale, familiale, etc., entre catégories de contribuables. Or ces différences sont multiples et le juge ne s’estime pas autorisé à être trop regardant sur le choix, éminemment politique, du législateur de prendre en compte telle différence de situation plutôt que telle autre, afin de justifier une différence de traitement .
Aussi, le Conseil a-t-il développé de nouvelles techniques de contrôle, qui reposent sur la cohérence des dispositifs fiscaux et la proportionnalité de ces discriminations . L’annulation récente de la taxe carbone permet ainsi, de mieux comprendre le fonctionnement de ce mécanisme. La forme la plus courante du contrôle de cohérence mené par le Conseil sur le fondement du principe d’égalité consiste à apprécier le dispositif légal (c’est-à-dire le mécanisme litigieux) au regard des objectifs que lui attache plus au moins explicitement le législateur .
Ainsi, ne sont pas justifiées, d’après le Conseil, les exemptions à l’égard des entreprises les plus polluantes. Dès lors, du fait de cette incohérence entre l’objectif de la loi et le dispositif mis en place, la différence de traitement ne se justifie plus et constitue une atteinte au principe d’égalité. Il arrive également que la mise en œuvre du contrôle d’égalité aboutisse à une sorte de contrôle de proportionnalité de l’étendue de la différence de traitement, donc de l’avantage conféré à certains. Plus difficile à identifier, il sanctionne la violation du principe d’égalité, induite par un mécanisme discriminatoire. Il apparaît en définitive, que la taxe carbone ne répondait pas aux exigences posées, par les techniques de contrôle du Conseil constitutionnel.

II. L’ANALYSE DE LA DECISION PAR-DELÀ LE CONTROLE DE CONSTITUTIONNALITÉ

La décision du Conseil, loin s’en faut, n’aura pas fait l’unanimité. Les critiques qui l’ont accompagnée, se sont néanmoins, rapidement estompées. Le Conseil disposant d’une grande autorité sur l’ensemble des institutions. Toutefois, le caractère « politique » de la décision a été parfois dénoncé. Il n’en sera point fait écho ici. Bien que, par certains aspects, elle permette de reposer la question « politique », au sens étymologique « polis » , de la taxe carbone (A). La lutte contre le réchauffement climatique n’engage-t-elle pas, l’avenir de la « cité » ? Ce questionnement implique immanquablement un linéament nouveau de cet impôt écologique (B).

A. La problématique « politique » de la taxe carbone

La réduction des gaz à effet de serre (GES), moyen de lutte contre le réchauffement climatique est devenue un enjeu « politique » majeur. La confirmation de la thèse du réchauffement climatique, phénomène longtemps minoré, représente désormais, un péril imminent pour nos sociétés.
Dans cette hypothèse, le climat pourrait bien déterminer notre destinée collective. Dès lors, la décision du Conseil, pour en revenir à la « polis », prend une résonnance particulière, en nous replongeant au cœur du débat relatif à l’urgence climatique pour la société (1). L’intervention du Conseil prend tout son sens, avec la critique à peine voilée de l’inefficacité écologique de la taxe carbone (2).

1) L’enjeu écologique de la réduction des gaz à effet de serre (GES)

Une exégèse qui ne rattacherait pas, la décision du 29 décembre à la problématique du réchauffement serait absurde. Le Conseil lui-même s’en fait l’écho en actant de l’objectif de la contribution carbone, qui vise la réduction des gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement de la planète . L’affirmer, ne fait point du Conseil constitutionnel un protagoniste de la vie politique. Mu par la défense et le respect des principes constitutionnels, d’où son contrôle de la taxe carbone, sa décision rappelle au gouvernement l’importance du pacte social, issu du Grenelle de l’environnement.
Dans un premier temps, la réaction du gouvernement conforme à l’esprit du Grenelle posa en préalable à toute mesure, la concertation. La posture adoptée, visait à s’assurer de l’adhésion de la société toute entière à un tel projet. Proposée par la commission Rocard , « l’enjeu de la contribution était de pousser la société vers des pratiques et des comportements moins dispendieux en carbone et s’il est possible de le faire par voie fiscale, en créant une contribution climat-énergie » .
Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, la France s’est engagée à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050, en cohérence avec les scénarios et contraintes étudiés par le GIEC. La contribution était censée traduire cet engagement. Á la lecture du projet de loi de finances , la solution adoptée par le gouvernement n’était pas à la hauteur des engagements pris.
Par ailleurs, les enjeux climatiques ne sauraient être détachés de l’enjeu plus global, de protection de l’environnement. Enjeu promu dans la hiérarchie des normes juridiques, et bénéficiant dorénavant, d’une protection constitutionnelle particulière. La décision du Conseil en est une application concrète, puisqu’elle est fondée sur la Charte de l’environnement . Sur ce fondement, elle étend cette protection aux enjeux climatiques.

2) L’inefficacité écologique de la taxe carbone

Rarement, le Conseil constitutionnel s’est arrogé le droit d’apprécier l’efficacité d’une norme fiscale. Même dans l’extension de son contrôle, qui ne se limite plus à l’examen des seuls objectifs politiques du législateur, mais analyse la cohérence générale du régime dans lequel le nouveau dispositif s’insère , il n’a pas souvent des avis très tranchés.
Pour rappel, il établit le constat selon lequel « … 93% des émissions de dioxyde de carbone d’origine industrielle, hors carburant, seront totalement exonérées de la contribution carbone ; que les activités assujetties à la contribution carbone représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions des gaz à effet de serre, …que, par leur importance les régimes d’exemption totale …sont contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique… » .
Tel un cautère sur une jambe de bois, l’inconsistance de l’assiette de la taxe carbone la prive de toute pertinence, et n’aurait pas permis l’infléchissement attendu des comportements, indispensable à la réussite de la lutte contre le réchauffement climatique. En l’espèce, le jugement apparaît sans appel, soulignant au passage la particulière inefficacité écologique de la contribution carbone. Relativement à la réduction des gaz à effet de serre, et, toutes proportions gardées, il y aura sans doute un avant, et un après 29 décembre 2009. Á n’en point douter, cette décision marque les débuts difficiles d’une réelle fiscalité écologique
Certes, le Conseil se garde de se prononcer sur le montant de la contribution. Mais peut-on, raisonnablement, faire fi du taux retenu, dans une analyse relative à l’efficacité de cette taxe ? Le taux finalement adopté (17 euros) est contraire à celui suggéré par la commission Rocard (32 euros) et, à ceux envisagés dans les différents scénarii de l’ADEME (21, 27 ou 32 euros) . Une taxe à 32 euros est reconnue plus efficace, à condition toutefois d’élargir son assiette, et d’envisager une compensation claire et équitable. On en est loin avec le texte censuré.
Par ailleurs, ce mécanisme fiscal offre une curieuse application du principe pollueur-payeur, censé justifier l’existence même de la contribution carbone. Ce principe impute aux pollueurs les dépenses afférentes aux coûts de prévention et de réparation des atteintes à l’environnement. La multiplication des exonérations gouvernementales le prive de toute effectivité et, accessoirement, la taxe carbone de toute efficacité.

B. La refonte de la taxe carbone

La conséquente immédiate de la décision du Conseil est la révision par le gouvernement de sa copie, sans que l’on sache véritablement, pour l’instant, quel visage prendra la nouvelle taxe carbone (2). En tout cas, les tribulations de cette contribution et les atermoiements du gouvernement révèlent, l’éternel dilemme du politique, le choix cornélien entre l’économie et l’écologie (1), en dépit des propos volontaristes tenus en faveur de cette dernière.

1) La taxe carbone ou le dilemme écologie vs économie

Une fois encore, la décision politique de la création d’une contribution carbone a été subordonnée aux « impératifs » économiques. Sinon, comment expliquer les nombreuses exemptions déjà signalées, et les mécanismes de compensation au demeurant complexes pour les ménages, mais d’une certaine clarté pour des catégories bien ciblées, les agriculteurs , par exemple.
La préoccupation d’assurer la compétitivité des entreprises françaises est apparue comme l’argument massif du gouvernement pour justifier l’assiette de cet impôt, réduite à sa part la plus congrue. Cette vision, en germe dans le rapport Rocard , a été reprise dans le projet de loi. L’attitude gouvernementale s’apparente à un déni, à un refus d’une réalité dérangeante qui est celle des dangers environnementaux des activités économiques et dont les principaux acteurs sont les entreprises.
Finalement, le récent épisode offert par l’actualité de la taxe carbone est révélateur de la vision assez contrariée de la fiscalité écologique, du gouvernement. Celui-ci ne semble pas disposer, à aller jusqu’au bout de la logique financière induite du principe pollueur-payeur. Le refus d’imposer les activités les plus polluantes, pourrait, à juste titre, être interprété comme une marque de défiance à l’égard de l’écofiscalité.
Cette attitude ô combien contradictoire, est compréhensible, dans la perspective économique libérale qui, par principe perçoit la protection de l’environnement (dont la fiscalité) comme une pesanteur économique. D’où l’idée d’une fiscalité neutre, indolore pour les entreprises, pourtant polluantes. C’est la réalité, que dissimule le paravent de la compétitivité économique des entreprises.
En outre, l’argument de la double imposition des entreprises françaises cède devant la réalité juridique et économique du système européen des quotas d’émission des gaz à effet de serre. Institué par la Directive du 13 octobre 2003 , ce système est en vigueur depuis le 1er janvier 2005. Pour la première (2005-2008) et la deuxième (2008-2013) phase, la directive établit un système de quotas gratuit. Sauf à faire preuve d’anticipation pour l’après 2013, le système en vigueur, repose sur la gratuité. Ceci est relevé, à bon droit, par le Conseil constitutionnel qui assimile les exemptions prévues, à des exonérations injustifiées. Si elles le sont dans une logique libérale, elles ne sauraient se justifier dans le contexte post Grenelle.

2) L’avenir de la taxe carbone

La décision du Conseil constitutionnel a ouvert une phase transitoire, et surtout de réflexions pour le gouvernement dont la nouvelle mouture relative à la contribution carbone, demeure toujours attendue. Á ce propos, faudrait-il s’attendre à de bouleversements majeurs, ou à un simple réaménagement du dispositif condamné ? Il se dégage, de la lecture de la décision sus-évoquée que seules certaines disposions de la loi déférée, ont été censurées. Il s’agit de celles relatives aux exemptions et aux conditions d’application de la taxe carbone.
A priori donc, la tâche paraît plus aisée pour le gouvernement. La logique impose de suivre les recommandations du Conseil, en élargissant l’assiette fiscale de la contribution carbone d’une part, et en revoyant les exemptions prévues, d’autre part. Cette analyse fait fi d’un élément important à savoir, la vision idéologique qui a conduit à la mise en place du mécanisme retoqué et, qui n’aura pas, entre-temps, disparue. Le gouvernement ne faisant pas mystère de ces réticences, à assujettir les entreprises à cet impôt écologique. Partant, les corrections attendues ne seront certainement pas révolutionnaires.
Indiscutablement, il s’agit là, d’une occasion manquée d’asseoir une véritable fiscalité écologique, qui aurait pu bénéficier de l’onction constitutionnelle. Par des mesures justes et équitables, le gouvernement aurait dû se servir du consensus dégagé autour de la lutte contre les gaz à effet de serre, pour légitimer une politique, au demeurant indispensable contre le réchauffement climatique. Sur ce point, la taxe carbone est un épiphénomène.
Pourtant, des leviers autres que fiscaux pourraient être privilégiés tels que la recherche et l’innovation technologique. Le gouvernement ne tire pas les conséquences, de sa propre mise à l’index de certaines énergies fossiles, dont les carburants. La cohérence d’une politique de lutte contre les changements climatiques aurait dû conduire, à accorder une place importante et des financements conséquents aux programmes de recherche sur les carburants respectueux de l’environnement , par exemple. Un tel choix qui conduira à terme à l’abandon des carburants traditionnels et, à la disparition de la cagnotte fiscale, ne se fera pas de sitôt. En définitive, la taxe carbone pourrait devenir le symbole d’une politique malheureusement peu ambitieuse en matière environnementale.

BIBLIOGRAHIE SOMMAIRE

I. OUVRAGES (droit constitutionnel, administratif et fiscal)

- FAVOREU (L.), Droit constitutionnel, Dalloz, 2OO9, 1069 pages.
- GERARD (P.), Grands principes constitutionnel : institutions publiques françaises, l’Harmattan, 2009, 288 pages.
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- BETCH (M.), Droit fiscal, 2e Ed. Vuibert, 2009, 426 pages.
- BOUVIER (M.), Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt, 7e Ed. L.G.D.J, 2005, 239 pages.
COLLET (M.), Droit fiscal, PUF, 2007, 453 pages.
II. Rapports

- ROCARD (R.), Rapport de la Conférence des experts et de la table ronde sur la contribution climat énergie, 28 juillet 1989, 84 pages.
- GUINET (A.), « La valeur tutélaire du carbone », Rapport de la Commission, juin 2008, 110 pages.

III. TEXTES JURIDIQUES

- Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement.
- Projet de loi de finances n° 1946 pour 2010 voté le 21 décembre 2009.
- Directive 2003/87/CE du Parlement et du Conseil du 10/10/03 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la communauté et modifiant la directive 96/61/CE.

IV. JURISPRUDENCE

- Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009.
- Décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008.
- Décision n° 2005-514 DC du 28 avril 2005.
- Décision n° 1998-401 DC du 10 juin 1998.
- Décision n° 1973-51 DC du 27 décembre 1973.
- CE, Sect. 9 mars 1951, Société des Concerts du Conservatoire.
- CE, Sect. 4 février 1944, Sieur Guieysse.
- CE, Ass. 1er avril 1938, Société l’Alcool dénaturé de Courbet.
-CE, 30 novembre 1923, Couitéas.