Ces dernières années, les normes en faveur de la protection de l’environnement se sont multipliées. Cependant, il convient de douter de l’efficacité de ces mesures, lesquelles peuvent peser lourdement sur la population française, et notamment accroitre les inégalités déjà existantes. Ainsi, se pose le problème de l’acceptabilité sociale des nouvelles normes environnementales. En effet, les pouvoirs publics ont tendance à dissocier les actions environnementales et les actions sociales, ce qui tend à diminuer leur efficacité.

Le gouvernement semble avoir enfin pris conscience de la complémentarité de ces deux politiques, et de la nécessité de tenir compte de l’impact social des nouvelles normes environnementales. Jean-Louis Borloo et Valérie Létard ont présenté le 17 février 2010 le pacte national de solidarité lors du forum « solidarité écologie ». Il s’agit du pilier social du Grenelle de l’environnement, lequel vise à travers dix objectifs à obtenir l’adhésion des français au projet « d’une nouvelle société à responsabilité sociale et environnementale ». Ce pacte doit permettre aux populations les plus défavorisées de ne pas rester en marge des mutations écologiques que le Grenelle met en œuvre.
En réalité, la politique sociale est indissociable de la politique environnementale (I), c’est pourquoi il est nécessaire d’intégrer aux nouvelles normes environnementales un aspect social, comme le prévoit le pacte national de solidarité (II).

I/ La complémentarité des politiques environnementales et sociales :

A/ Les enjeux de cette complémentarité :

La politique environnementale et la politique sociale apparaissent comme complémentaires l’une de l’autre. En effet, le législateur doit tenir compte de l’impact des nouvelles normes environnementales sur la population, afin que celles-ci ne s’avèrent pas être un échec.

La politique environnementale peut être créatrice d’inégalités sociales, et accroitre le fossé déjà existant entre les différentes couches de la population pour plusieurs raisons, la principale étant le coût élevé des mesures environnementales pour les citoyens. Bien souvent ces mesures mettent à contribution l’ensemble de la population française, alors que les principaux responsables de la pollution sont les industriels. A ce titre, il convient de citer le projet du gouvernement d’instaurer une contribution carbone, laquelle pèserait sur l’ensemble des ménages, et qui aurait pour conséquence de réduire le pouvoir d’achat des français les plus modestes déjà fragilisés par la crise. Le Premier projet a d’ailleurs fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2009-599 du 29 décembre 2009 au motif que le dispositif créait une rupture d’égalité devant les charges publiques en exemptant un grand nombre d’industriels de cette taxe. Une telle mesure est largement impopulaire auprès de la population puisqu’elle revient à faire peser sur elle le coût de la pollution générée principalement par les industriels, et risque de faire fortement gonfler le prix du carburant, ainsi que les factures de chauffage. En l’absence de correctif, l’instauration de la contribution risquerait de fragiliser les populations les plus modestes, et plus particulièrement la population rurale, laquelle a un accès très limité aux transports en commun.

Ainsi, afin de limiter les effets néfastes de la taxe carbone sur le pouvoir d’achat, le gouvernement envisage de compenser son coût par la distribution de « chèque vert » aux ménages. Cette compensation viserait d’une part à gommer les disparités que la taxe pourrait engendrer entre les différentes couches de la population, et d’autre part à inciter les ménages à se tourner vers des énergies plus propres. Ce dispositif témoigne de la complémentarité de la politique environnementale et de la politique sociale.
De même, l’édiction de nouvelles normes environnementales dans le domaine du bâtiment, en vue de la réduction de la consommation d’énergie, a également de graves conséquences sur les foyers à faible revenu. En effet, ces nouvelles exigences environnementales ont une répercussion sur les prix des loyers, ce qui bien souvent rend les logements à haute performance énergétique inaccessibles à ces populations. Ainsi, l’environnement ne serait accessible qu’à une certaine partie de la population. Le coût élevé des nouvelles normes environnementales peut s’avérer être un facteur d’exclusion en l’absence de correctif social.

Or, les mesures visant à protéger l’environnement qui ne prendraient pas en compte ces considérations risqueraient d’échouer. Les citoyens étant les premiers acteurs de la politique environnementale, il est nécessaire d’obtenir leur adhésion afin de rendre celle-ci efficace. A ce titre, il est essentiel de se préoccuper de l’impact social de ces mesures et de corriger en amont les inégalités qu’elles sont susceptibles de créer.

B/ Développement durable et politique sociale

A travers le pacte national de solidarité, le gouvernement souhaite revenir aux bases du développement durable, tel qu’il était défini dans le rapport Brutland de 1983, rédigé à la demande de l’ONU. Celui-ci prévoit que le développement durable est celui qui doit « concilier le développement économique, la protection de l’environnement et l’équité sociale afin de répondre aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Ainsi, la politique environnementale et la politique sociale sont au cœur de la notion de développement durable telle qu’elle a été conçue dans le rapport Brutland.

Le développement durable comporte donc plusieurs aspects, dont un aspect social qui n’est pas à négliger, celui-ci passant par la satisfaction des besoins élémentaires de tous, lesquels consiste à : se nourrir, se loger, se vêtir, à travailler, à avoir accès à l’eau et à l’énergie. Les mesures prises en faveur du développement durable nécessitent la prise en compte de tous, et ne doivent pas être créatrices d’inégalités. Or, jusqu’à présent, les deux politiques ont été menées de manière cloisonnée ; les normes environnementales ont été édictées sans considération de leur impact social, ne rendant pas ainsi pleinement efficace les mesures en faveur du développement durable.

Le pacte national de solidarité permettrait de revenir aux sources du développement durable, et de mener des actions intégrées et globales en vue d’un développement équilibré et de lutter contre l’exclusion. Il s’agit donc de créer un mouvement de solidarité afin que le développement durable profite à tous. En effet, au-delà des coûts qu’il peut générer dans un premier temps, celui-ci peut s’avérer bénéfique socialement, par la création de nouveaux marchés et donc de nombreux emplois.
Par conséquent, la politique environnementale doit intégrer l’aspect sociale afin d’œuvrer en faveur du développement durable.

II/ L’intégration de la politique sociale à la politique environnementale :

A/ Développement durable et réduction des inégalités sociales :

Le développement durable ne doit pas être perçu comme une contrainte mais comme un atout de croissance économique. Il doit permettre l’ouverture de nouveaux marchés, la création de nouveaux emplois. Effectivement, le gouvernement estime que 600 000 emplois devraient être créés ou transformés d’ici 2020. Il s’agit donc d’un levier du développement économique et social. Cependant, pour que le développement durable soit équitable et profite à tous, il ne convient de pas séparer le domaine environnemental du domaine social.
Les rapports remis à Valérie Létard le 3 février 2010, nommés « mobilisation citoyenne et sociale », et « Amélioration de la qualité de vie dans les territoires » en vue de la préparation du « forum solidarité écologie» préconisent un certain nombre de mesures en vue de rendre acceptable socialement les nouvelles normes environnementales. Il est envisagé dans ces rapports de mener une politique environnementale préventive, et de privilégier l’évaluation préalable de l’impact des nouvelles normes sur la population.

De même, il semblerait préférable de mener des actions en faveur de l’environnement au plus près des citoyens, notamment en se fondant sur l’exemple de l’agenda 21, lequel présente de bons résultats en la matière. Il s’agit d’un programme politique mis en place suite au Sommet de la Terre de Rio en 1992, attribuant un rôle prépondérant aux autorités locales en matière de développement durable. Son succès repose sur l’implication des populations locales et des entreprises lors de l’élaboration de projets, ainsi que sur la mise en œuvre d’initiatives très concrètes.
La réduction des inégalités économiques et l’édiction de mesures à portée écologique doivent être prises en compte dans une perspective globale de développement durable. A cette fin, il est essentiel d’impliquer les différents acteurs lors de la construction de programmes, et d’allier aux mécanismes de protection des inégalités écologiques, des actions à portée sociale en vue dans un premier temps de limiter la création d’inégalités sociales, puis dans un second temps d’influer sur la croissance.

B/ Développement durable et démarche citoyenne

L’acceptabilité sociale des nouvelles normes environnementales ne suppose pas uniquement la mise en place de correctifs sociaux, elle doit passer également par l’adhésion des citoyens. A ce titre, le pacte national de solidarité vise à placer la citoyenneté au centre de la société à responsabilité sociale et environnementale. En effet, la mutation écologique ne peut avoir lieu que si les enjeux sont compris et partager par tous. La politique environnementale ne peut être mise en œuvre, et produire ses effets que si chaque individu prend conscience son rôle en la matière.

Le rapport sur « l’amélioration de la qualité de vie dans les territoires » rappelle la nécessité de faciliter l’accès à l’information et de développer une éducation au développement durable. Il propose d’assurer un plus large accès aux données administratives par le recours aux nouvelles technologies, et d’améliorer la couverture des zones rurales de ces technologies.

L’adhésion des citoyens aux nouvelles normes environnementales passe également par le développement de démarches participatives. L’implication des parties prenantes aux processus d’élaboration de programme d’action permettrait ainsi d’évaluer l’impact des décisions sur la population. De même, par une telle démarche les acteurs locaux se sentiraient probablement plus concernés par l’environnement, ce qui se traduirait par une plus grande efficacité des mesures environnementales.


Il apparait donc essentiel dans une démarche de développement durable de tenir compte de l’impact des normes sur la population, et d’intégrer les citoyens au processus décisionnel afin d’obtenir leur adhésion aux nouvelles normes environnementales.