Le Conseil d’État a rejeté une demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité prévue par l’article 61-1 de la Constitution de 1958.
Le préfet des Bouches-du-Rhône avait saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande de condamnation solidaire d’une société à responsabilité limitée et de son gérant, au paiement d'une amende pour contravention de grande voirie, et à la remise en état du domaine public maritime par la suppression d'installations implantées sur l'emprise du port de Cassis. Les défendeurs ont soulevé une question portant sur la conformité de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction antérieure à loi n° 2015-991 du 7 août 2015, aux droits et libertés garantis par la Constitution. Il résulte de l’article L774-2 du code de justice administrative que sauf si la loi en dispose autrement, le préfet, représentant de l'Etat dans le département, est seul compétent pour déférer au tribunal administratif une contravention de grande voirie. Les requérants soutiennent que ces dispositions porteraient atteinte à la libre administration des collectivités territoriales prévue par l'article 72 de la Constitution. Le préfet pourrait intervenir, sans que cela soit justifié, dans la gestion par les collectivités territoriales de leur domaine public, et les collectivités seraient privées d'attributions effectives pour la gestion et la conservation de leur domaine. Ils soutiennent également que cette règle porterait atteinte au droit de propriété des collectivités territoriales garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Le Conseil d’État rappelle qu’en application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, le Conseil constitutionnel est saisi d’une question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par une précédente décision du Conseil constitutionnel (sauf changement des circonstances) et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

Le Conseil d’État rappelle qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la mise en oeuvre d'une procédure pour contravention de grande voirie ne fait pas obstacle à ce que l'autorité propriétaire ou gestionnaire d'une dépendance du domaine public saisisse le juge administratif en vue de faire cesser les atteintes qui pourraient y être portées.
Les collectivités territoriales sont donc en mesure de saisir le juge administratif, y compris s'il y a lieu selon une procédure d'urgence, afin que soit assurée la préservation du domaine public dont elles peuvent être propriétaires ou gestionnaires. Le Conseil d’État en déduit que le fait que dans le cadre de la procédure pour contravention de grande voirie, la saisine du juge administratif soit réservée au préfet, ne porte pas atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, ni à leur droit à un recours juridictionnel effectif. Le Conseil d’État conclut que la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux.
Le droit à un recours juridictionnel effectif permet aux collectivités territoriales de s’assurer de toute atteinte leur libre administration. Il en résulte que l’article L774-2 du code de justice administrative dans son ancienne version en vigueur, ne porte pas atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Le Conseil d’État rappelle que le droit à un recours effectif permet d’assurer le respect des libertés fondamentales et notamment celle de la libre administration des collectivités territoriales.
Le nouvel article L774-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 prévoit désormais que le directeur général des voies navigables de France (article L4313-3 du code des transports) est compétent en lieu et place du préfet pour saisir le tribunal administratif compétent d’une contravention de grande voirie sur le domaine navigable fluvial de France, et le directeur général du port autonome de Paris (article L4322-13 du code des transports) est compétent en lieu et place du préfet pour saisir le tribunal administratif compétent d’une contravention de grande voirie sur le domaine navigable en Ile-de-France.