La Cour pénale internationale située à La Haye au Pays-Bas constitue une juridiction pénale universelle permanente compétente pour juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crimes de guerre.

La Cour est conçue pour compléter les systèmes judiciaires nationaux. Elle ne peut exercer sa compétence que lorsque les juridictions nationales n’ont pas la volonté ou la compétence pour juger de tels crimes. L’initiative en matière d’enquêtes et de jugement est donc laissée aux Etats.

La Procureure de la Cour pénale internationale a publié, le jeudi 15 septembre 2016 le document de politique générale de la juridiction pénale internationale relatif à la sélection et à la hiérarchisation des affaires envers lesquelles elle entend intenter des poursuites. Dans ce document, la procureure indique qu’elle se saisirait davantage et en priorité des questions relatives à l’environnement. A ce titre, les affaires concernées porteraient sur la destruction et l’accaparement de l’environnement. Ce qui est qualifié de crimes écologiques.

Le Bureau de la Procureure insiste sur le fait que l’impact des crimes peut s’apprécier en fonction de la vulnérabilité et de la fragilité des victimes, de la terreur répandue parmi la population ou des ravages qu’ils causent sur le plan social, économique et écologique. Ainsi, la Cour pénale internationale précise qu’elle s’intéressera tout particulièrement aux crimes impliquant des ravages écologiques, de l’exploitation illicite de ressources naturelles ou encore de l’expropriation illicite de terrain.

Cette décision et cette affirmation de la compétence accrue de la juridiction pénale internationale en matière de crimes écologiques renforce l’idée selon laquelle l’environnement est de plus en plus perçu comme un « être » à part entière qui doit être protégé et défendu en cas d’atteintes graves causées à son encontre. La Cour montre ainsi sa volonté de s’adapter aux enjeux du 21ème siècle.

Il est important de préciser que cette annonce n'élargit pas le champ de compétence de la Cour. Le Statut de Rome, traité international adopté en 1998 qui régit cette juridiction, affirme sa compétence à l'égard des crimes de guerre. Parmi ceux-ci figure déjà "le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu'elle causera incidemment (…) des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l'ensemble de l'avantage militaire concret et direct attendu". Cependant, aujourd’hui, la Cour pénale internationale revendique clairement sa compétence en la matière.

De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) ont salué cette avancée et ce positionnement de la Cour. De même que des écologistes ou encore des militants des droits de l’Homme. Selon ces différents acteurs, cela pourrait constituer « un important moyen de dissuasion pour les milieux d’affaires concernés et les politiques corrompus »
Grâce à cette avancée, des dirigeants d’entreprises par exemple pourront être tenus pénalement responsables en vertu du droit international pour des crimes liés à l’accaparement des terres et à la destruction de l’environnement.

Forts de cette annonce, des avocats ont déjà envoyés un dossier à la procureure lui demandant d’ouvrir une enquête au Cambodge où selon les organisations de militants des droits de la terre, la spoliation des terres aux communautés rurales est monnaie courante.

Notons enfin que, certes, la revendication de la compétence de la Cour sur ceux de ces crimes qui impliquent des ravages écologiques vise à adresser un message dissuasif aux potentiels justiciables. Cependant, la création d'une Cour pénale internationale de l'environnement qui serait spécialisée et préconisée par de nombreux juristes internationaux, reste d'actualité. Une telle juridiction spéciale, à l’image des tribunaux verts existants déjà dans certains pays serait alors compétente pour juger des crimes environnementaux ne relevant pas de la compétence de la Cour pénale internationale. Ainsi, cette juridiction spécialement créée pourrait connaitre des trafics d'espèces, de la pêche illicite, des trafics de bois illégaux, des trafics de déchets et produits toxiques ou encore des marées noires.