Dans la 1re espèce, le propriétaire d'un immeuble avait confié à la société Socotec la mission de rechercher la présence d'amiante. Au cours des travaux de démolition de cet immeuble engagés par un sous-acquéreur une présence d'amiante supplémentaire non signalée par la société Socotec a été révélée et conduit ce sous-acquéreur à assigner la société Socotec en paiement du surcoût de désamiantage.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence par arrêt du 6 novembre 2014 avait débouté les acquéreurs de cette demande au motif que la société Socotec n'est pas responsable de la présence d'amiante mais uniquement des manquements fautifs dans sa détection et que le préjudice de la SCI ne peut donc correspondre au coût de désamiantage qui est supporté par le propriétaire.
Cette décision est censurée par la Cour de cassation : « en statuant ainsi, alors que l'état mentionné au premier alinéa de l'article 1334-7 précité, dans sa rédaction applicable dans la cause, garantit l'acquéreur contre le risque d'amiante et après avoir retenu que l'imprécision des rapports de la société Socotec entraîne une responsabilité en conception et en réalisation de cette société, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations quant à la certitude du préjudice subi par la SCI du fait de son coût de désamiantage, a violé les textes susvisés ».

Dans la seconde espèce, les faits étaient similaires : une présence d'amiante avait été détectée au cours de travaux réalisés par l'acquéreur de l'immeuble alors que le diagnostic remis lors de la vente ne mentionnait pas la présence de ce matériau.
La cour d'appel de Versailles par arrêt du 9 octobre 2014 n'a pas fait droit à l'intégralité de la réclamation de l'acquéreur considérant que le préjudice imputable au diagnostiqueur ne pouvait s'analyser que comme une perte de chance pour l'acquéreur de négocier une réduction du prix de vente.

Dans le prolongement d'importantes décisions rendues par la 3e chambre civile de la Cour de cassation et par la chambre mixte ces deux dernières années, la 3e chambre civile confirme ici le principe de responsabilité du diagnostiqueur vis-à-vis de l'acquéreur ainsi que l'étendue des préjudices réparables consistant en la prise en charge de l'intégralité des travaux de désamiantage.

À l'occasion de la vente d'un immeuble, le diagnostiqueur intervient sur demande du vendeur afin d'établir les constats et diagnostics à remettre en application des dispositions de l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation. Le diagnostic porte notamment sur la présence de plomb, d'amiante mais peut porter également sur la présence d'insectes xylophages.
En cas d'erreur commise par le diagnostiqueur qui n'aurait pas détecté ou mal apprécié l'étendue de l'infestation de l'immeuble, sa responsabilité peut se trouver engagée tant vis-à-vis du vendeur sur un fondement contractuel, que vis-à-vis de l'acquéreur sur un fondement contractuel (l'acquéreur se voit transmettre les actions attachées à la chose) ou quasi-délictuel.
Que l'action soit engagée par le vendeur ou l'acquéreur, la faute du diagnostiqueur est appréciée par rapport à la mission légale qui incombe au diagnostiqueur en application des textes applicables et en fonction de missions supplémentaires qui pourraient lui être confiées.
Il y a ainsi faute du diagnostiqueur s'il accomplit sa mission de manière imparfaite ou incomplète au regard des obligations qui lui sont imparties par les textes légaux et réglementaires (Cass. 3e civ., 19 mai 2015), ces obligations étant généralement consignées dans un protocole établi par arrêté ministériel.

Les obligations du diagnostiqueur peuvent être renforcées par des stipulations contractuelles.
Même en dehors de cette hypothèse, certaines décisions considèrent que le diagnostiqueur doit en vertu de son obligation de conseil aller au-delà des investigations que lui impose la réglementation.
À propos de la détection de l'amiante, il est ainsi considéré que l'expert doit procéder à une recherche systématique de l'ensemble des matériaux susceptibles de contenir de l'amiante et ne peut limiter son intervention à un simple contrôle visuel ou à certaines parties de l'immeuble
A été considéré comme manquant à ses obligations le diagnostiqueur qui se limitait à effectuer un repérage sur les matériaux et produits accessibles, sans sondages sonores suffisants à lui faire suspecter la présence d'amiante.

Il ressort des différentes décisions que désormais la Cour de cassation fonde la responsabilité de manière constante sur les dispositions de l'article L. 271-4 considérant (de manière extensive) que les sondages et rapports à fournir en application de l'article L. 271-4 permettent d'engager un recours en garantie vis-à-vis du diagnostiqueur sans qu'il y ait lieu de démontrer plus avant sa faute.
S'agissant de l'étendue de la réparation pouvant être accordée à l'acquéreur, il y a eu divergence jurisprudentielle entre d'une part les première et deuxième chambres civiles de la Cour de cassation et d'autre part la troisième chambre civile.

De manière majoritaire, les première et deuxième chambres civiles de la Cour de cassation s'appuyaient sur la notion de perte de chance pour considérer qu'en l'absence de certitude de ce qu'aurait été la situation de l'acheteur s'il avait été correctement informé, celui-ci avait perdu une occasion de ne pas conclure le contrat ou de mieux négocier le prix d'achat de l'immeuble.

Cette position est encore adoptée par un certain nombre de Juges du fond, notamment à propos de la présence d'amiante non décelée.
La troisième chambre civile retenait une position plus extensive du préjudice réparable considérant que le manquement commis dans l'établissement de l'un des diagnostics techniques cause à l'acheteur d'immeuble un préjudice certain lui permettant d'être indemnisé à hauteur du coût des réparations rendues nécessaires.
Mettant un terme à cette divergence, la chambre mixte de la Cour de cassation a rendu un arrêt important, ayant fait l'objet d'une publicité renforcée le 8 juillet 2015
Cette décision a été rendue à propos d'une infestation parasitaire de l'immeuble mais sa portée est élargie compte tenu des attendus de ces décisions qui sont ici rappelés :
« Il résulte de l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un immeuble garantit l'acquéreur contre le risque mentionné à ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque ce diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art.

Ayant relevé que les investigations insuffisantes de la société HDI n'avaient pas permis que les acquéreurs soient informés de l'état véritable d'infestation parasitaire de l'immeuble, il est retenu que ceux-ci avaient été contraints de réaliser des travaux pour y remédier, la cour d'appel a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels et de jouissance subis par Mme X. du fait de son diagnostic erroné avait un caractère certain ».
Les deux arrêts rendus les 19 mai 2016 et 30 juin 2016 par la 3e chambre civile de la Cour de cassation s'inscrivent bien dans le prolongement de cet arrêt mais également de la décision précitée rendue le 21 mai 2014 par la même chambre qui consacre donc le principe d'une indemnisation intégrale du coût des travaux de désamiantage pour l'acquéreur de l'immeuble du fait des simples erreurs ou omissions figurant dans le diagnostic.