Pour rappel, le médicament Distilbène ou « médicament anti fausses couches » a été largement prescrit aux femmes enceintes entre les années 1940 et 1970. Cependant, celui ci s’est finalement révélé être, non seulement inefficace, mais également dangereux pour la santé de l’enfant et de la mère.

En l’espèce, une femme présentant des troubles de la fertilité a été exposée au Distilbène. Ce traitement a abouti à deux fausses couches, puis un accouchement prématuré de jumeaux, décédés peu après leur naissance, puis, au terme d'une grossesse alitée, à la naissance d'une petite fille.
Elle a alors assigné les deux laboratoires qui ont mis sur le marché ce produit en réparation du préjudice ainsi subi.

Pour fixer la contribution à la dette, le tribunal a retenu que, si les fautes commises par les laboratoires sont d'une nature identique, leur degré de gravité doit être apprécié en tenant compte de l'importante disparité de présence sur le marché de chacune des spécialités, l’un des deux laboratoires étant en situation de quasi-monopole. Il en a déduit que l'obligation de vigilance et de surveillance de ce dernier était renforcée, en sorte que la gravité de son manquement l'était également. En outre, la probabilité que la victime ait été exposée à l'une ou à l'autre des spécialités est nécessairement proportionnelle aux parts de marché respectives des deux médicaments.
Il en a tiré la conséquence que la répartition de la charge du dommage devait s'opérer proportionnellement au risque pour chacun des laboratoires de l'avoir causé, qui ne pouvait s'évaluer qu'au regard de leurs parts de marché respectives.
L’un des laboratoires a alors été tenu à hauteur de 95% tandis que l’autre devait y contribuer seulement à hauteur de 5%.
La Cour de cassation avait décidé dans une décision relative à la même question « qu'en cas d'exposition de la victime à la molécule litigieuse, c'est à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit qui la contient qu'il incombe de prouver que celui-ci n'est pas à l'origine du dommage » (Cass. 1re civ., 24 sept. 2009). Elle avait alors remis en cause les règles pourtant fixées depuis longtemps par la jurisprudence et énonçant que lorsque deux coauteurs ont commis une faute de gravité équivalente ou lorsqu’ils sont tous tenus au titre d’une responsabilité sans faute, la réparation doit se faire par parts égales.

A ce titre, la Cour d’appel de Paris avait déjà pu jugé, dans un arrêt du 26 octobre 2012, qu’il appartenait à la femme victime d’apporter la preuve de son exposition in utero au Distilbène en précisant que cette preuve pouvait être établie par tout moyen et, notamment pouvait résulter de présomptions graves, précises et concordantes.
Une telle preuve était rapportée en l'espèce, l'expertise judiciaire ayant attribué avec certitude le lien entre la pathologie et l'exposition au Distilbène. La Cour d’appel a jugé que le laboratoire ne pouvait prétendre s'exonérer de sa responsabilité en invoquant l'incertitude du lien de causalité entre la pathologie et la molécule Stilbestrol Borne au motif que le terme Distilbène avait été utilisé comme terme générique par la communauté médicale française de sorte qu'il ne serait pas certain que la femme ait été exposée à son produit, la seconde en invoquant la faible part de marché (2,3 %) occupé par le produit qu'elle commercialise, alors même que l'exposition de la requérante au produit litigieux était établie. Par conséquent, le fabricant et le laboratoire distributeur avaient été condamnés solidairement, chacun à hauteur de 50%, à réparer les préjudices subis par la femme victime directe ainsi qu’aux victimes par ricochet.

L’avenir nous dira si la Cour de cassation sera saisie de la question par l'effet d'un pourvoi formé contre cet arrêt, et se trouvera alors confrontée à une jurisprudence divisée des juges du fond et à des positions doctrinales diamétralement opposées. En effet pour les uns il n'y a pas lieu de déroger à l'application des règles classiques en matière de répartitions de la dette de réparation entre coauteurs d'un dommage alors que pour les autres une contribution fondée sur l'importance des parts de marché détenues par chacun des laboratoires au moment où la victime s'est trouvée exposée au Distilbène serait plus pertinente.