Clé de voûte du droit de la santé et de la sécurité au travail, l’obligation de sécurité ressort à la fois du droit de la sécurité sociale que du droit du travail. Depuis les arrêts « Amiante » du 28 février 2002, l’obligation de sécurité de résultat irrigue fortement cette thématique jurisprudentielle, en considérant que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ». Cependant, la chambre sociale de la Cour de cassation modifie sensiblement sa tendance en offrant une ouverture la discussion sur la portée de ce dernier.

I- L’obligation de sécurité de résultat incombant à l’employeur

À titre liminaire, il est important de rappeler que le socle fondamental dont découle la majeure partie des obligations de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail est le contrat de travail liant ce dernier à ses salariés.
Cependant, il faut garder en mémoire que la reconnaissance d’une telle obligation de sécurité résulte du fait que la santé et la sécurité des salariés sont un droit fondamental que l’on retrouve dans les nombreux engagements internationaux et européens de la France :
Initialement, c’est l’article 23 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), du 10 décembre 1948, qui est venu accréditer pour la première fois au niveau international, cette obligation de sécurité, disposant que « Toute personne a droit [...] à des conditions équitables et satisfaisantes de travail » ;
Par la suite, en 1966, l’article 12 du PIDESC a réaffirmé que « Les Etats parties au présent acte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre. Les mesures prises par les Etats en vue d’assurer le plein exercice de droit comprendront [...] les mesures nécessaires à l’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle » .
Plus récemment, l’article 31§1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, du 7 décembre 2000, a consolidé au niveau européen l’obligation principale de sécurité, en disposant que « Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité ».

Parallèlement, l’obligation patronale de sécurité est également consacrée en droit interne. Originellement posée par la loi de 1892 en ces termes, « les employeurs doivent présenter toutes les conditions de sécurité et salubrité nécessaires à la santé du personnel », l’obligation de sécurité de ces derniers a été réaffirmée dans le bloc de constitutionnalité, par l’article 8 du Préambule de la Constitution de 1946, ayant valeur constitutionnelle et en disposant que « tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ».

Puis, elle a été définitivement scellée par l’article L 4121-1 du Code du travail qui dispose en son alinéa 1er que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Il s’agit là du fondement légal de l’obligation de sécurité de l’employeur en droit interne. Force est de constater, qu’au delà de la simple sécurité physique des travailleurs, autrement dit de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, cet article fait également écho à la sécurité mentale de ces derniers. En effet, les risques psychosociaux apparaissent de plus en plus dans le domaine de la sécurité au travail.
Corrélativement, cette obligation institue un « principe de prévention ».Elles doivent se baser sur les neuf grands principes généraux de l’article L 4121-2 du Code du travail.

Par la suite, par les arrêts dits « Amiante » du 28 février 2002, la Cour de Cassation énonce dans un attendu de principe qu’ « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat ». En effet, en droit du travail ce principe général de sécurité mis à la charge de l'employeur  crée une obligation de résultat beaucoup plus contraignante que l'obligation renforcée de moyens, utilisée dans le cadre du droit de la sécurité sociale. Redécouverte par ces jurisprudences, cette obligation prétorienne est instrumentalisé par les juges à deux fins, la première réparation, la seconde évocatoire.

En raison de sa finalité réparatoire, elle visait à assouplir la définition de la faute inexcusable de l'employeur, à faciliter la reconnaissance de celle des industriels de l'amiante et partant à améliorer la réparation allouée aux victimes du risque professionnel.Son inscription devait, par ailleurs, frapper les esprits : c'est là sa vocation évocatoire.

Quid des effet d’une telle obligation de résultat ? l’employeur est tenu de tout mettre en oeuvre pour éviter les accidents du travail et maladies professionnelles. En effet, l’obligation de sécurité de résultat n’impose pas seulement à l’employeur d’agir en vue de diminuer le risque, mais d’agir rapidement pour en empêcher sa survenance, ou à défaut, de le faire cesser. Cette obligation permet également de limiter le pouvoir de direction de ce dernier.

II- L’arrêt « Air France » : Vers une nouvelle tendance jurisprudentielle ?

En l’espèce, un chef de cabine sur vol long-courrier Air France en transit à New York assiste aux événements tragiques du 11 septembre 2001. Le 24 avril 2006, alors qu'il part rejoindre son bord, il est pris d'une crise de panique qui donne lieu à un arrêt de travail. Le 19 décembre 2008, il demande à la juridiction prud'homale réparation du préjudice né du manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat.
La Cour de cassation estime que la cour d’appel de Paris a légalement justifiée sa décision en retenant l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, qui, en appréciant les éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, a fait ressortir que l’entreprise avait décliné les bonnes mesures dans le respect des principes généraux de prévention des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. En effet, par cet arrêt Air France, la Cour de cassation soumet l’employeur, non plus à une obligation de sécurité de résultat, mais à une obligation de moyens renforcée. Cela signifie que l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en justifiant qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés. L'édifice jurisprudentiel avait commencé à vaciller, avec des décisions comme l’arrêt « AREVA » estimant que 'employeur est toujours tenu par une obligation de résultat mais le résultat à atteindre est désormais constitué par les mesures nécessaires de l'article L. 4121-1. Au chef d'entreprise d'établir « une politique de prévention structurée et finalisée » et, en cas de litige, de justifier des mesures prises.