L’association de victimes de l’antiépileptique Dépakine a annoncé mercredi 21 septembre 2016 avoir déposé une plainte avec constitution de partie civile. L’épilepsie touche environ une personne sur trois en France. Le médicament ne pourrait pas être substitué dans un certain nombre de cas.
La molécule présente dans le médicament pouvant causer des malformations et des retards de développement au foetus est le valproate de sodium. Cette molécule est indispensable à certains patients atteints d’épilepsie. Il est commercialisé par le laboratoire Sanofi depuis 1967, sous la marque Dépakine, et aussi sous des marques génériques. Il est également prescrit aux personnes souffrant de troubles bipolaires sous les noms de Dépamine et Dépakote. Selon les informations présentes dans les bases de données de l’assurance-maladie, les prescriptions de Dépakine ont été faites le plus souvent (57 %) dans un contexte d’épilepsie et, dans 43 % des cas, pour un trouble bipolaire. Cependant lorsqu’une femme enceinte prend ce médicament, son enfant présente un risque élevé – de l’ordre de 10 % – de malformations congénitales mais également un risque accru d’autisme et de retards intellectuels et/ou de la marche, pouvant atteindre jusqu’à 40 % des enfants exposés.
Depuis seize mois, plusieurs plaintes de familles ont été déposées, mais aucune date n’a été donnée pour une éventuelle information judiciaire, selon l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac) dans un communiqué. L’ouverture d’une enquête permettrait de comprendre comment la déracine et ses dérivés ont continué d’etre majoritairement prescrits chez des femmes enceintes, en dépit des risques connus pour le foetus.

Entre 12 000 et 15 000 enfants en France pourraient souffrir de ces séquelles, selon l’épidémiologiste Catherine Hill, qui a établi une estimation à partir des ventes du médicament et du nombre de femmes enceintes traitées. Selon les estimations données par l’Apesac, qui met en garde depuis 2011 sur les dangers du valproate de sodium, ce chiffre pourrait s’élever à environ 50 000 enfants, morts ou handicapés.
En février, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a rendu un rapport qui critique la faible réactivité de Sanofi et de l’agence du médicament ANSM, qui n’ont pas suffisamment informé à propos des risques connus pour les patientes enceintes. Fin août, le ministère de la santé a reconnu que plus de 14 000 femmes enceintes avaient été exposées à la molécule entre 2007 et 2014 et annoncé la mise en place d’un dispositif d’indemnisation des victimes.

L’affaire peut être rapprochée de celle du Médiator , médicament destiné aux personnes diabétiques, puis prescrit aux personnes souffrant d’obésité. Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre dans une décision du 22 octobre 2015 avait reconnu la responsabilité civile du laboratoire Servier, en raison de la défectuosité du médicament sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil (12/07723). Dans l’établissement de la responsabilité sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil, il fallait rapporter la preuve de la défectuosité, du dommage causé par cette défectuosité et du lien de causalité. Le Tribunal a admis le lien de causalité par des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes à conditions que « le fait invoqué puisse au regard des données acquises de la science être matériellement une cause génératrice du dommage, d'autre part qu'il soit hautement probable que ce facteur a été à l'origine du dommage et enfin, que les autres causes possibles du dommage aient pu être circonscrites et exclues ».
Le montant des dommages-intérêts alloués avait été estimé restrictif en comparaison avec les demandes des victimes. Par exemple, dans la première affaire, le demandeur réclamait 800 000 euros, et il a été indemnisé à hauteur de moins de 30 000.
La loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé, a étendu la procédure de l’action de groupe en matière de produits de santé. Le régime de l’action de groupe est fixé aux articles L1143-1 et suivants du code de la santé publique. L’action de groupe à vocation à réparer les préjudices subis par les victimes à l’échelle nationale. L’action permet d’obtenir la réparation de préjudices individuels résultant de dommages corporels subis par des usagers du système de santé « placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un producteur ou d'un fournisseur de l'un des produits mentionnés au II de l'article L. 5311-1 ou d'un prestataire utilisant l'un de ces produits à leurs obligations légales ou contractuelles » (art. L. 1143-1 CSP). Les associations d’usagers du système de santé ont qualité pour introduire des actions de groupe en matière de produits de santé. Dès lors un grand nombre de victimes d’un médicament défectueux mis sur le marché, qui sont dans une situation similaire ou identique , pourra par l’intermédiaire des associations d’usagers du système de santé obtenir réparation de leurs préjudices individuels.