La notion de sphère d’influence est apparue pour la première fois dans le Pacte mondial des Nation Unies et représente le périmètre de la responsabilité des entreprises à l’égard des droits de l’homme dans le cadre de leurs activités. La norme ISO 26 000 la définie comme la « portée ou l’ampleur des relations politiques, contractuelles, économiques ou autres à travers lesquelles une organisation a la capacité d’influer sur les décisions ou les activités de personnes ou d’autre organisation », de façon différente selon le secteur, les produits, le processus de production et de commercialisation.

Les entreprises transnationales s’intéressent particulièrement à cette sphère d’influence et plus particulièrement les entreprises pétrolières car elles possèdent toute une quantité considérable de relations politiques, économiques et contractuelles. Cette notion les oblige à contracter avec des sous-traitants respectant les droits de l’Homme mais aussi des standards environnementaux. Cette définition est jugée bien trop large par les entreprises transnationales qui estiment ne pas être capable de contrôler toutes les données « externes ».

En l’an 2000, le secrétaire de l’ONU, Kofi Annan a invité les entreprises à adopter, soutenir et appliquer les principes du Pacte mondial. Ce pacte incite les entreprises à adopter et à respecter volontairement dix principes dans les domaines des droits de l’homme, de l’environnement, de la lutte contre la corruption et des normes du travail.

Selon l’association SHERPA, « la délimitation du périmètre de la sphère d’influence est essentielle car elle contribue à déterminer le degré de responsabilité d’une entreprise». Comme nous venons de l’exposer, le fait pour une entreprise d’avoir recours à des sous-traitants ou des fournisseurs extérieurs lui permet à l’heure actuelle de ne pas voir sa responsabilité juridique engagée.

Initialement, la notion de sphère d’influence a été créée et pensée comme fondement pour une meilleure gestion de la RSE. Aujourd’hui, on se pose la question de savoir si on peut utiliser cette « sphère d’influence » comme fondement de la responsabilité de l’entreprise. Dans son rapport, le représentant spécial pour la question des droits de l’Homme et des entreprises transnationales, John Ruggie, précise que l’entreprise transnationale doit respecter les droits de l’homme pour éviter tout impact négatif.
Il estime que l’entreprise doit être soumise en amont à une obligation de vigilance et de diligence qui se limiterait à sa sphère d’influence déterminée au préalable. En conséquence, la responsabilité de l’entreprise pourrait être engagée si son activité a eu un impact sur la violation des droits de l’homme.

La notion de sphère d’influence permet de pallier le principe de l’autonomie juridique cher au droit des sociétés. En effet la notion de sphère d’influence pousse l’entreprise à avoir une démarche proactive en matière de protection des droits. Dès lors l’entreprise doit s’assurer que tous les acteurs économiques entrant dans son champ d’influence (sous-traitants, fournisseurs) sont respectueux de ses engagements dans le cadre d’une démarche RSE (exemple de l’entreprise Gazprom qui impose sa politique et ses standards environnementaux à ses cocontractants). Par conséquent on peut affirmer que la notion de devoir de vigilance ne peut être appréhendée pertinemment que si elle est incorporée à la notion de sphère d’influence.

La Cour de justice des Communauté européenne a d’ores et déjà instauré un principe de présomption simple en matière de sphère d’influence dès lors qu’une société mère détient la totalité du capital de sa filiale.

Concernant la notion de partie prenantes, la norme professionnelle internationale ISO 26000 la définie comme « un individu ou groupe ayant un intérêt dans les activités ou décisions d’une organisation ». Une partie prenante peut être interne ou externe et leur domaine d’intérêt peut concerner les aspects économiques, environnementaux et sociaux. Les parties prenantes peuvent être divisées en 3 catégories : le groupe, la chaine d’approvisionnement et enfin l’environnement global.

- Le groupe englobe les acteurs au sein de la société comme les dirigeants, les actionnaires, les salariés, les syndicats, les délégués du personnel, le comité d’entreprise, le CHSCT, les investisseurs, etc., ainsi que les sociétés internes au groupe comme la maison mère, les filiales, les agences, les succursales, les établissements, etc.
- La chaine d’approvisionnement : ce sont les sociétés externes au groupe avec par exemple les partenaires commerciaux et économiques, les sous-traitants, les fournisseurs, les propriétaires, tous ses contractants en général.
- L’environnement global : on entend par environnement global les autres acteurs de l’environnement sur lesquels l’entreprise à une influence (quelle qu’elle soit). En France par exemple, on peut citer les clients, les donneurs d’ordre, les consommateurs, les utilisations finaux, les riverains d’installation, l’environnement écologique, les pouvoirs publics, la commune ou l’agglomération, les chambres consulaires (CRCI, CCI), les administrations (CPAM, URSSAF, DIRECCTE, l’inspection du travail, Pole emploi, HALDE, etc). Cela comprend aussi en compte la famille des salariés (preuve supplémentaire du caractère extrêmement vaste de la notion), les médias, les entreprises concurrentes, les associations locales, les ONG, etc.
- L’idée sous-jacente est qu’une entreprise dispose d’un devoir de vigilance et se doit, au regard d’une démarche RSE, d’anticiper et prévenir de potentiels dommages sociétaux dans les relations qu’elle entretient avec ses parties prenantes. En d’autres termes, elle doit identifier les risques au sein de ses filiales mais aussi au cœur de sa chaîne d’approvisionnement. Initialement, la notion de sphère d’influence a été pensée comme fondement pour une meilleure gestion de la RSE. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si on peut utiliser cette « sphère d’influence » comme fondement de la responsabilité de l’entreprise.

La proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a pour but d’utiliser ces les notions de sphère d’influence et de partie prenante comme fondement de la responsabilité sociétale de l’entreprise. Il ne fait guère de doute que les entreprises feront part dans le future de la nécessité d’avoir de plus amples précisions sur ces deux notions.