Invisibles, les minerais du conflit sont présents dans nos smartphones, tablettes, télévisions et ordinateurs portables. Ils proviennent notamment de la République démocratique du Congo et de la région des Grands Lacs, où ils sont produits sous le contrôle de groupes armés, dans des conditions violant les droits humains. En 2015, 27 conflits en Afrique étaient ainsi connus pour être liés aux ressources minières.
Au début des années 2000, plusieurs rapports réalisés par les Nations Unies sur le lien étroit entre l’exploitation d’un certain nombre de minerais et les zones de conflit ont fait grand bruit. Ils alertaient sur le fait que beaucoup de produits informatiques contenaient ces « minerais du sang » rendant ainsi l’Europe complice de ces conflits
En 2014, la Commission européenne s’était saisie de la question et avait fait une proposition, assez timide : en proposant une traçabilité des minerais extraits sur la base du volontariat pour ne pas entraver la compétitivité des entreprises.
En juin dernier, le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil européen ont trouvé un accord politique pour règlementer le commerce des "minerais du conflit". Les importateurs européens d'étain, de tantale, de tungstène et d'or devront aujourd’hui s’assurer que ces minerais et métaux ne sont pas extraits de façon illicite dans des zones de conflit.
L’UE s’engage ainsi à empêcher que le commerce international des minerais ne finance les seigneurs de guerre, les criminels et ceux qui violent les droits de l’Homme, comme l’a déclaré Lilianne Ploumen, ministre du Commerce Extérieur des Pays-Bas, dont le pays assurait la présidence tournante de l’Union européenne au 1er semestre 2016.
Cette avancée constitue un premier pas important vers une responsabilisation des entreprises européennes et de toute la chaîne de production.
Un premier pas qui va au-delà de ce que proposait la Commission européenne dans sa version originale, qui défendait un principe de volontariat.
Néanmoins ce premier pas dévoile déjà ses limites, en effet cette obligation ne s’applique qu’aux entreprises importatrices, situées en début de chaîne. Pour les entreprises en fin de chaîne, qui utilisent les minéraux comme composants dans les produits qu’elles fabriquent, c’est bien le volontariat qui prime.
La Commission européenne s'est toutefois engagée à créer un registre dans lequel les entreprises situées en fin de chaîne pourront s'inscrire sur une base volontaire. Elles garantiront ainsi l'utilisation de "matériaux propres" dans leurs activités. Au bout de deux ans, la Commission devra dresser un bilan et pourra proposer une législation contraignante pour ces sociétés qui n’importent pas, dans le cas où leurs initiatives volontaires s'avéreraient insuffisantes.
Les zones actuellement concernées sont la République démocratique du Congo et la région des Grands Lacs. Toutefois, le texte ne mentionne pas de régions en particulier mais définit les "zones affectées par les conflits ou à haut risque" comme celles qui sont en situation de conflit armé, avec une violence généralisée, un effondrement des infrastructures civiles, des zones fragiles à l'issue d'un conflit ainsi que des zones où la gouvernance et la sécurité sont déficientes ou inexistantes, caractérisées par des "violations courantes et systématiques des droits de l'homme".
Sur ce point, l’accord européen est bien plus positif que la loi Dodd Frank de juillet 2010, instauré par les Etats-Unis. En effet cette loi exige que les sociétés cotées en bourse aux États-Unis déterminent si leurs produits contiennent un ou plusieurs des quatre minerais (l’étain, le tantale, le tungstène et l’or) provenant de la République Démocratique du Congo ou de l’un de ses neuf pays limitrophes.
La loi américaine s’était donc autolimitée géographiquement ce qui a eu pour conséquence de minimiser son impact au demeurant louable. L’Europe n’a pas fait cette erreur.