Depuis le souhait émis par Jacques Chirac lors de ses vœux à la Nation pour 2006, le projet d’instaurer des « class actions à la française », ou action de groupe, ne cesse d’être évoqué, débattu, puis laissé de côté.

Il a été recommandé récemment par le rapport Attali, ainsi que par la commission Coulon sur la dépénalisation du droit des affaires. Mercredi 21 mai 2008 encore, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale avait adopté un amendement dit Charié lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, énonçant : « L’action de groupe a pour objet la réparation forfaitaire des préjudices matériels subis par des consommateurs, personnes physiques, soit du fait de la violation par un professionnel de ses obligations contractuelles ou légales, soit du fait de l’exercice d’une pratique anticoncurrentielle ».

Mais il a finalement été rejeté mercredi 4 juin 2008. Luc Châtel, secrétaire d’Etat à la consommation et favorable à la création d’une action de groupe, a déclaré que l’introduction serait, une fois de plus, repoussée à septembre, pour être (peut-être ?) insérée dans le futur projet de loi de dépénalisation du droit des affaires.

Pourtant cette fois, le rapport de la Commission Coulon sur la dépénalisation du droit des affaires remis en janvier 2008 évoquait non seulement une action en droit de la consommation et en droit de la concurrence, mais aussi en droit de l’environnement. Cela laisse espérer une évolution positive, notamment au regard de la conception du préjudice écologique pur* par le juge français, ainsi que celle du préjudice de masse.

Certains pensent que l’introduction d’une action de groupe est inéluctable** notamment en raison des pressions au niveau communautaire, et qu’il faut cesser de lutter , pour plutôt réfléchir au meilleur système possible pour la France.

Il existe une véritable nécessité de créer une action de groupe, car actuellement les consommateurs victimes sont dissuadés d’agir, quand souvent le préjudice individuel est inférieur au coût d’un procès. Bien sûr, il existe une l’action en représentation conjointe, mais… elle a été utilisée 5 fois en 16 ans !

Cependant, beaucoup redoutent l’instauration de cette procédure, notamment car ils craignent que cela conduise à imiter les Etats-Unis.

En effet, le système américain ne présente pour ainsi dire pas ou peu de garde-fous contre les actions inconsidérées des consommateurs menées par des avocats souvent cupides et peu scrupuleux, allant jusqu’à prendre 70% des gains d’une action, ne laissant au final qu’une somme risible aux victimes, ôtant ainsi l’intérêt même de l’action. On est souvent loin d’Erin Brokovitch !

Le système est tel que, selon les Etats, on ne trouve aucune dissuasion à l’action (celui qui intente une action mais n’obtient pas satisfaction n’a pas pour autant l’obligation de payer les frais de l’adversaire - pas d’équivalent à notre article 700 CPC notamment). Et le lobby des avocats, le plus puissants des lobbies américains, veille à ce que la situation ne change pas.

L’on peut considérer que les risques de dérives à l’instar des Etats-Unis sont faibles en raison des grandes divergences de nos systèmes respectifs. En plus de ce qui a déjà été énoncé, on rappellera qu’en France « Nul ne plaide par Procureur » et que les articles 56 et suivants du Code de Procédure Civile interdisent l’anonymat du mandant, ce qui oblige à adopter la procédure de l’opt in (avec autorisation expresse). Par ailleurs, il n’existe pas de punitive damages, (dommages-intérêts punitifs décidés par le jury, qui commencent d’ailleurs à être limités par certains Etats américains) ni de pacte de quota litis pour apâter l’éventuel lucre des avocats.

En tous les cas, les précédents projets donnaient l’exclusivité de ces actions aux associations agréées, excluant les avocats.

Le système français et le système américain sont donc bien différents, et il existe aussi d’autres modèles, plus proches de nous comme au Portugal, où cela fonctionne. Vivement la rentrée…