Il convient de rappeler que si en vertu du principe d’indépendance des législations, les ICPE ne sont normalement pas concernées par les règles d’urbanisme, l’article L. 152-1 du code de l’urbanisme prévoit que l’ouverture d’installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan doit être à la fois conforme au règlement et aux documents graphiques du PLU et compatible avec ses orientations d’aménagement et de programmation
La loi sur la transition énergétique du 17 août 2015 a par ailleurs précisé que l’évolution défavorable du PLU ne peut être opposée à l’exploitant, puisque la conformité de l’installation aux règles du document d’urbanisme doit désormais être appréciée à la date de l’autorisation, de l’enregistrement ou de la déclaration.

La décision commentée vient compléter ces récentes évolutions en étendant le principe aux ISDI, qui n’étaient pas soumises à la réglementation ICPE avant le décret n° 2014-1501 du 12 décembre 2014, et qui ne sont pas expressément visées par l’article L. 152-1 du code de l’urbanisme.
En l’espèce, le Préfet de la Manche avait autorisé l’exploitation d’une installation de stockage de déchets inertes située dans le secteur NC d’un PLU. Son arrêté avait été contesté devant la juridiction administrative, et il était notamment soutenu que l’article N2 du règlement ne permettait pas l’implantation d’une telle installation.
Le Conseil d’Etat devait, dès lors, trancher sur l’opposabilité du PLU à cette installation et sur l’interprétation de l’article N2 du règlement, que « l’exploitation de carrières ayant fait l’objet d’une autorisation préfectorale ».

Concernant l’opposabilité le Conseil d’Etat à rappeler qu’aux terme de l’article L152-1 du Code de l’Urbanisme : « le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols […] », estime donc que le PLU est opposable au seul motif que la réalisation du projet nécessitait de remblayer le site d’une ancienne carrière de grès, et donc d’exhausser les sols.
L’arrêt rappelle qu’il importe peu que la réglementation environnementale spécifique (ici l’article R. 541-70 du code de l’environnement) ne prévoie pas que la méconnaissance du règlement du PLU puisse justifier un refus d’autorisation d’exploiter.

Concernant en second lieu de l’interprétation de l’article N2 du règlement, le Conseil d’Etat censure l’analyse de la Cour administrative d’appel de Nantes, selon laquelle le PLU ne permettait pas l’implantation d’une exploitation de stockage de déchets dans le secteur NC.
Le juge de cassation, qui estime au contraire que des usages des sols non expressément interdits peuvent être autorisés :
Le Conseil d’Etat considère en effet qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’installation de stockage de déchets inertes litigieuse devait notamment permettre, en vue de la remise en état des lieux rendue nécessaire par la fermeture de la carrière jusqu’alors exploitée sur le site en application d’une autorisation préfectorale, le remblaiement des terrains ; que la cour a estimé que cette installation avait pour effet d’entraîner un exhaussement des sols et en a déduit à bon droit qu’elle était soumise aux prescriptions du plan local d’urbanisme en application de l’article L. 152-1; que, toutefois, en jugeant que les dispositions citées ci-dessus de l’article N2 du règlement du plan local d’urbanisme interdisaient toute exploitation d’une installation de stockage de déchets inertes au seul motif qu’elles ne mentionnaient pas expressément une telle exploitation, alors même qu’elle avait relevé que, dans les circonstances de l’espèce qui lui était soumise, l’installation litigieuse visait à remblayer une carrière de grès dont la société requérante achevait l’exploitation, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

L’affaire ayant été renvoyée devant la Cour administrative d’appel de Nantes, c’est cette juridiction qui devra déterminer si l’installation de stockage de déchets litigieuse présente un lien suffisant avec la carrière pour être considérée comme conforme au PLU.
Ces jurisprudences démontrent la grande vigilance dont les exploitants ICPE et ISDI en particulier doivent faire preuve lors de la vérification de la compatibilité de leur projet avec le document d’urbanisme.