La définition de la notion d’artificialisation des sols ne fait pas l’objet d’un consensus, mais résulte plutôt d’une appréciation. Cette complexité résulte, notamment du fait, qu’elle repose sur des données chimiques et biologiques. Néanmoins, il est possible de considérer qu’il y a artificialisation des sols dès lors que les activités humaines compromettent la capacité des sols à remplir leurs fonctions écologiques, économiques, sociales et culturelles. L’habitat individuel ainsi que le réseau de transports constituent les causes principales de l’artificialisation des sols. Les conséquences de l’artificialisation des sols sont diverses. Tout d’abord, cela va conduire à une imperméabilisation des sols. Un tel phénomène va favoriser le ruissellement de l’eau au détriment de son infiltration dans le sol. Cela va accroitre le risque d’érosion des sols, des coulées d’eau boueuse et d’inondation. Ensuite, l’artificialisation entraine une fragmentation des habitats naturels et des écosystèmes. L’artificialisation des sols apparait comme particulièrement problématique notamment car il s’agit d’un phénomène irréversible. Il faut donc agir pour encadrer, limiter ou stopper l’artificialisation, afin de protéger les sols en eux-mêmes et éviter les conséquences développées précédemment.
Le droit de l’urbanisme se définit comme « l’ensemble des règles, procédures, techniques et institutions qui contribuent à la réglementation, l’aménagement et au contrôle de l’utilisation du sol et de l’espace, conformément aux exigences de l’intérêt général ». Cette branche du droit appréhende donc le sol comme le support de l’aménagement et des activités qui sont les causes même de l’artificialisation. Dès lors, le droit de l’urbanisme semble être l’outil approprié pour maitriser l’artificialisation des sols. Il convient de voir comment les principes, les règles générales ainsi que les documents et autorisations d’urbanisme peuvent contribuer à cet objectif de maitrise.

I- Les principes du droit de l’urbanisme comme rempart à l’artificialisation des sols
Tout d’abord, le droit de l’urbanisme repose sur un principe d’équilibre entre le droit de propriété et l’intérêt général. De manière générale, bien que les textes semblent davantage protéger le droit de propriété, il apparait que la jurisprudence a une interprétation souple des textes qui permet de créer un équilibre entre ces principes et donc de garantir une maitrise de l’artificialisation.
Ensuite, certains principes du droit de l’urbanisme constituent des outils précieux contre l’artificialisation des sols mais ils ont une faible portée normative. Parmi ces principes, il y a le principe de gestion économe des sols (Article L110-1 du Code de l’urbanisme). Ce dernier impose aux collectivités d’intégrer dans leur politique une gestion économe des sols. Cependant, en raison d’un caractère trop général, il est complexe d’appliquer ce principe et de mesurer son application. Par ailleurs, les documents d’urbanisme doivent respecter le principe d’équilibre entre l’aménagement du territoire et la gestion économe de l’espace (Article L121-1 du Code de l’urbanisme). Ces principes majeurs sont donc à même de garantir une maitrise de l’artificialisation des sols en imposant un équilibre entre des enjeux contradictoires.

Outre les principes prévus par le législateur, d’autres principes apparaissent comme liés à la matière urbanistique, et utile à la maitrise de l’artificialisation des sols. Il s’agit tout d’abord des principes évoqués par la doctrine. Parmi eux, il y a le principe du zonage qui va permettre d’appliquer à certains endroits sensibles des règles plus strictes de lutte contre l’artificialisation. De plus, il y a le principe de la décentralisation. A l’origine, la décentralisation avait pour objectif de mieux organiser le territoire et donc indirectement de limiter les zones artificialisées. Cependant, comme la Cour des comptes a pu le montrer (Rapport du 1er août 2013), la décentralisation a, en réalité, eu pour conséquence d’accroitre l’urbanisation du territoire.
Ensuite, il y a des principes environnementaux qui viennent au soutien de la maitrise de l’artificialisation des sols. En effet, l’article L121-1 du Code de l’urbanisme renvoie à des principes environnementaux tels que le développement durable et l’utilisation économe des espaces. Cette interpénétration entre le droit de l’urbanisme et le droit de l’environnement s’est accentuée avec la constitutionnalisation de la Charte de l’environnement. Dès lors, il est possible de constater que certains principes de la Charte vont intervenir au soutien d’une maitrise de l’artificialisation des sols, il s’agit notamment du principe de prévention, d’information ou de participation du public.

II- Les règles générales du droit de l’urbanisme : Des régulations effectives de l’artificialisation des sols.
Tout d’abord, certaines règles s’appliquent sur l’ensemble du territoire. En effet, la règle de la constructibilité limitée permet, en l’absence de document d’urbanisme, d’interdire la construction en dehors des parties actuellement urbanisées. L’article L122-2 du Code de l’urbanisme énonce que dans les communes non-couvertes par un Schéma de cohérence territorial (SCoT), les parties à urbaniser et naturelles d’un PLU ne peuvent être ouvertes à l’urbanisation. C’est deux règles permettent de lutter contre le mitage des espaces ruraux, de réduire l’urbanisation nouvelle mais également de contraindre les collectivités à adopter des documents d’urbanisme. L’inconvénient de ces règles, en matière de maitrise de l’artificialisation des sols, réside dans le fait que leur champ d’application est trop flou et ne permet donc pas une maitrise suffisante. Face à ces difficultés, la loi ALUR agit en faveur d’une maitrise accrue de l’artificialisation des sols. Le règlement national d’urbanisme constitue l’ensemble des règles applicables en l’absence de documents d’urbanisme, certaines de ces règles sont d’ordre public et s’appliquent malgré l’existence de documents d’urbanisme. Ces règles constituent un encadrement indirect. A titre d’exemple, l’article R111-15 du Code de l’urbanisme énonce qu’un permis de construire doit respecter les préoccupations environnementales ; dès lors, un projet peut être refusé s’il ne respecte pas les règles relatives à l’artificialisation des sols.

Ensuite, les règles de protection de zones spéciales vont permettre une maitrise accrue de l’artificialisation des sols. Les zones agricoles vont faire l’objet d’une protection spécifique à travers l’établissement de périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains ainsi les zones agricoles protégées (ZAP). Les périmètres de protection vont permettre une maitrise stricte. Le classement en ZAP, quant à lui, ne permet qu’une maitrise limitée du fait qu’il n’interdit pas le changement d’affectation ou d’occupation. Les zones de montagne et littorale vont aussi être soumises à des règles spécifiques dont l’objectif va être de limiter l’urbanisation en dehors des zones actuellement urbanisées. Ces deux types de zones sont régis par les lois dites « montage » et « littoral ». Néanmoins, force est de constater, qu’au fil du temps de nombreuses exceptions restreindre l’efficacité des règles de maitrise de l’artificialisation.

III- les documents et autorisations d’urbanisme comme outils majeurs de la maitrise de l’artificialisation des sols.
Tout d’abord, l’objectif des documents d’urbanisme est à la fois de protéger les espaces, mais également de maitriser leur ouverture à l’urbanisation. Les espaces à protéger en priorité sont les espaces agricoles, naturels et forestiers. En parallèle de la protection de ces zones, les documents d’urbanisme doivent maitriser l’ouverture des zones à l’urbanisation. C’est deux objectifs garantissent donc une maitrise de l’artificialisation des sols par les documents d’urbanisme. Le classement par zone dans les documents d’urbanisme va conduire à protéger de manière plus ou moins importante les sols contre l’artificialisation. Par ailleurs, à côté de la nécessité de limiter la consommation des espaces, l’objectif de développement reste malgré tout essentiel dans les documents d’urbanisme. L’idée qui s’impose donc depuis la loi de 2000 de Solidarité et de renouvellement urbains est de densifier les constructions et de réhabiliter certains terrains, afin de lutter contre l’étalement urbain

Ensuite, les autorisations d’urbanisme jouent le rôle de dernier rempart à l’artificialisation des sols. Cependant, certains projets sont dispensés d’autorisation d’urbanisme, ce qui constitue un frein à une maitrise absolue de l’artificialisation des sols, c’est le cas notamment des constructions de très faibles importances. Ces exonérations sont contestables au regard de la maitrise de l’artificialisation des sols car les constructions, peu importe leurs tailles ou leurs natures, artificialisent le sol de manière irréversible. A travers les autorisations d’urbanisme, il est possible d’imposer au porteur du projet des prescriptions spéciales à respecter pour que l’autorisation soit délivrée. Ces prescriptions vont permettre un compromis entre le projet et la maitrise de l’artificialisation des sols.

Bien que le droit de l’urbanisme constitue un rempart contre la maitrise de l’artificialisation des sols, des évolutions restent essentielles afin d’arriver à une maitrise optimale. Parmi les évolutions possibles, l’autorisation unique constitue une réponse à la nécessité d’avoir une vision globale de l’artificialisation des sols et d’éviter les redondances aux divers stades de délivrance de l’autorisation. La seconde évolution envisageable est la taxe d’aménagement. Cette taxe s’applique sur certaines opérations d’urbanisme, son fait générateur est la délivrance même de l’autorisation. L’assiette de la taxe d’aménagement est composée de la valeur de la surface de construction, déterminée forfaitairement par mètre carré et de la valeur des aménagements et installations. Bien que l’objectif premier de cette taxe ne soit pas la lutte contre l’artificialisation des sols, le Comité pour la fiscalité écologique a préconisé d’effectuer certaines modifications afin de rendre cette taxe incitative. En modulant le taux de la taxe de manière suffisamment importante, cela peut dissuader le porteur du projet de trop artificialiser le terrain.