Monsanto, entreprise américaine connue pour ses nombreux scandales sanitaires et son produit phare le « Round up », incarne l’exemple type d’une société agroalimentaire basée sur l’agriculture intensive et destructrice de l’environnement.

Depuis sa création en 1901 à Saint Louis, dans le Missouri (Etats-Unis), la société Monsanto, spécialisée dans la chimie puis reconvertie dans la biogénétique, a mis sur le marché de nombreux produits controversés. Des produits hautement toxiques qui, en plus d’avoir contaminés de manière durable l’environnement, ont également rendu malade et causé la mort de milliers de personnes dans le monde.
Ces produits, comme le PCB (polychlorobiphényle), le 2,4,5-T (un des composants de l’agent orange utilisé lors de la guerre du Vietnam), le Lasso (un herbicide aujourd’hui interdit en Europe) ou encore le Round up (le pesticide le plus utilisé au Monde), affectent de manière très préoccupante la santé humaine et la préservation de l’environnement. Pourtant, par sa force auprès du gouvernement Américain, la firme résiste et continue de commercialiser de nombreux produits.

Toutefois la justice évolue.

Le 13 février 2012, le Tribunal de Grande Instance de Lyon donne droit à M. Pierre François, un agriculteur charentais, ayant agit en responsabilité civile contre Monsanto. Cet agriculteur, après avoir inhalé de manière accidentelle des vapeurs du Lasso en 2004, a vu son rythme de travail bouleversé. Souffrant dorénavant de fatigue chronique et de maux de tête tenaces, les médecins estiment que son système nerveux central a été touché.
Autant d’effets nocifs du Lasso que Monsanto ne pouvait objectivement ignorer. Sa dangerosité fut établie dès les années 80, ce qui a justifié son interdiction au Canada, en Angleterre et en Belgique. En France, l’interdiction fut proclamée dès 2007.

Face à ce jugement, Monsanto a interjeté appel. Le 10 septembre dernier, la Cour d’Appel de Lyon a rendu son arrêt et donne définitivement raison à M. François. Monsanto est donc de nouveau condamné. Comme l’énonce Maitre Lafforgue, avocat de M. Pierre François « Pour la première fois, un fabricant de pesticides est condamné à indemniser un agriculteur pour l’avoir intoxiqué. {Une décision} qui ouvre une brèche dans la responsabilité des fabricants ».

Cet arrêt de la Cour d’Appel de Lyon est historique et permet de sensibiliser de manière plus importante la population sur la dangerosité des pesticides, herbicides ou tout autre produit chimique utilisé au sein de l’agriculture. De plus, c’est également la première fois que l’entreprise Monsanto est condamnée en France, un arrêt qui ouvre la voie aux autres agriculteurs touchés par les produits de la firme Américaine.

Cette condamnation fait partie d’un mouvement plus global en pleine expansion, celui d’une véritable justice climatique, une justice qui n’est plus exclusivement symbolique.

Le 24 juin 2015 aux Pays-Bas, 900 citoyens rassemblés au sein de l’association Urgenda sont parvenus à faire condamner l’Etat pour sa lenteur à agir contre le changement climatique, le tribunal estimant que le gouvernement « a le devoir de veiller à la protection et l’amélioration de l’environnement ».
Puis, à Lahore au Pakistan, la Haute Cour de Justice a ordonné mi-septembre 2015 la création d’un « conseil climatique » pour forcer l’Etat à agir et surtout à tenir ses engagements en matière d’environnement.
Enfin, aux Etats Unis, le 19 novembre 2015, neufs enfants de l’Etat de Washington sont parvenus à faire condamner, par la Cour supérieure de King County, le ministère local de l’environnement pour l’insuffisance de ces lois en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.



C’est dans cet élan que s’inscrit le projet d’un « TRIBUNAL MONSANTO », une initiative portée par un groupe de juristes et d’Organismes non gouvernementaux venus du monde entier.

Ces derniers ont pour but la mise en place d’un tribunal qui se devra de juger, du 12 au 16 octobre 2016 à la Haye, ville où se situe également la Cour Pénale Internationale, la société Monsanto pour crime contre l’environnement, soit pour écocide, une notion juridique non encore reconnue par de nombreuses législations.

L’initiative de ce projet « Tribunal Monsanto » est de mettre en place « un vrai tribunal avec de vrais juges, des vrais avocats et de vrais témoins » comme l’énonce Marie-Monique Robin, journaliste d’investigation très engagée dans ce combat de justice contre la société Monsanto.
L’Objectif du collectif est alors de définir le plus précisément possible les fautes de la société Monsanto et d’en informer le grand public. L’idée est également de donner la possibilité à des victimes de venir s’exprimer devant un tribunal.
Parmi les charges retenues, on trouve la commercialisation de produits qui « ont rendu des milliers de personnes malades » ou le déni de la dangerosité de ces produits comme le glyphosate, principe actif du Round Up.
Enfin, l’entomologiste suisse Hans Rudolf rappelle l’impact du modèle agricole promu par Monsanto sur l’environnement et par conséquent sur le climat. Un impact désastreux.
Au surplus, selon le collectif, le modèle agro-industriel promu par Monsanto est à l’origine d’au moins un tiers des émissions de gaz à effets de serre mondiale dus à l’activité humaine. Un modèle également largement responsable de l’épuisement des sols et des ressources en eau ou de l’extinction de la biodiversité. Il est ainsi mis en cause l’expansion de l’élevage intensif et des monocultures, synonyme de déforestation, de sols nus ou d’utilisation massive de pesticides et d’engrais d’origine pétrochimique.
Olivier de Schutter, ancien rapporteur des Nations Unis sur le droit à l’alimentation, énonce que « le tribunal prendra appui sur les principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’Homme, adoptés par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU en juin 2011 »

Toutefois, pour qu’une telle condamnation puisse voir le jour, il faudrait que la Cour Pénale Internationale reconnaisse officiellement un cinquième crime pour lequel elle serait compétente : l’infraction d’écocide.
C’est en ce sens que se bat le mouvement « End Ecocide on Earth » auquel appartient Valérie Cabanes, juriste en droit international. Selon elle, « le crime d’écocide permettrait de faire le lien entre les droits de l’homme, ceux de la nature et ceux des générations futures ».
Un combat juridique de niveau international, mais également porté par des universitaires au niveau national. M. Laurent Neyret, professeur au sein de l’université de Versailles et spécialiste en droit de l’Environnement énonce dans son ouvrage intitulé « des écocrimes à l’écocide, le droit pénal au secours de l’environnement », les lacunes du droit en vigueur en matière environnemental et propose, avec une équipe de juristes internationaux, des remèdes adéquates à ces failles.
Car comme le rappelle également Marie-Monique Robin « Pour l’heure, aucun outil juridique ne permet de poursuivre au pénal une entreprise ni ses dirigeants qui sont responsables d’un crime contre l’intégrité de l’environnement ».
D’où l’intérêt de réformer le droit pénal pour que soit reconnu le crime d’écocide.

En conclusion, il est donc temps que le droit évolue concrètement. L’initiative du Tribunal Monsanto se bat en ce sens et est porteur d’espoir car il porte en lui la volonté que légalement, l’environnement, qui est « le patrimoine commun des êtres humains » selon notre Constitution, se voit protéger de manière efficace.