Le 22 mars 2016, la Cour de cassation a rendu un arrêt (n° 13-87.650) relatif au préjudice écologique qui révèle notamment la difficulté d’évaluer son montant afin de procéder à une réparation effective.
En l’espèce, une rupture de tuyauterie de la raffinerie de Donges exploitée par la société Total raffinage marketing avait provoqué un déversement de fuel dans l’estuaire de la Loire le 16 mars 2008. La société avait été reconnue coupable de rejet en mer ou eau salée de substances entrainant des effets nuisibles sur la santé et des dommages à la faune et à la flore. La société a été condamnée à indemniser les collectivités territoriales et les associations des préjudices subis.
L’association Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) qui s’était constituée partie civile, a interjeté appel.
La Cour d’appel de Rennes le 27 septembre 2013, statuant sur les intérêts civils, reconnait l’existence d’un préjudice écologique mais déboute l’association de sa demande d’indemnisation. La Cour d’appel retient que la demande d’indemnisation a été chiffrée sur la base d’une estimation du nombre d’oiseaux, représentants de chaque espèce détruits alors que la preuve de la destruction n’était pas rapportée. Par ailleurs les juges reprochent à l’association d’avoir confondu son préjudice personnel avec le préjudice écologique en évaluant son préjudice sur la base du budget annuel octroyé à la gestion du milieu environnant (la baie de l’Aiguillon).

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt. L’insuffisance ou l’inadaptation du mode d’évaluation du préjudice écologique proposé par l’association, ne suffit pas à écarter l’indemnisation du préjudice écologique, sur le fondement de l’article L. 162-9 du Code de l’environnement.

La Cour de cassation rappelle que préjudice écologique est reconnu traditionnellement comme « l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction ». La société ayant été reconnue pénalement responsable du préjudice écologique, la remise en état prévue par l’article L. 162-9 du Code de l’environnement n’exclut pas une indemnisation pécuniaire que peuvent solliciter les associations conformément à l’article L. 142-2 du Code de l’environnement.

Il appartient aux juges du fond, en recourant à une expertise si cela est nécessaire, de chiffrer le montant du préjudice écologique.
Le préjudice écologique avait été identifié comme « l’altération notable de l’avifaune et de son habitat pendant une période de deux ans du fait de la pollution de l’estuaire de la Loire ». La Cour de cassation renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Rennes autrement composée, afin qu’il soit statué sur le montant exact du préjudice écologique donnant lieu à réparation.