La loi n° 2009-179 du 17 février 2009, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, a vocation à réformer le droit des installations classées. Elle donne compétence au gouvernement pour créer un régime d’autorisation simplifié en matière d’installations classées.
L’article 27 de la loi dispose que « le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de quatre mois à compter de la publication de la présente loi, toutes mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour créer un régime d'autorisation simplifiée applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement ».
L’ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009, relative à l’enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l’environnement, met en œuvre cette loi et organise un nouveau mécanisme, dit de l’enregistrement.
L’objet de la réforme est de créer un régime intermédiaire entre l’actuelle déclaration et l’autorisation.
Cette réforme est motivée par un besoin de simplification des procédures. Ce besoin, voir cette nécessité, s’explique par deux raisons principalement.
Tout d’abord la simplification du système a vocation à faciliter l’implantation des ICPE. En effet plus la loi amenuise les contraintes de création des installations classées, plus elle leur est favorable. C’est une manière d’inciter les entrepreneurs à exploiter ce type d’installations. D’ailleurs cette réforme est intervenue dans le cadre du plan de relance de l’économie.
D’autre part, face à l’écart qui se creuse entre le manque d’effectif d’inspecteurs des installations classées et le nombre de ces installations, cette réforme apporte une solution des plus bienvenues. Elle permet, pour l’avenir, aux inspecteurs de se concentrer sur un nombre plus restreint d’installations, dites les plus à risque, de classe A. Les installations soumises à déclaration et enregistrement, présentant moins de danger, ne sont pas pour autant laissées hors du système d’inspection. Leur contrôle est moins poussé (a priori) mais le préfet peut ordonner des prescriptions supplémentaires et les inspecteurs procèdent à des contrôles comme pour toutes installations en fonctionnement. La réforme doit permettre de réduire les différences de régimes trop importantes entre celui de la déclaration et de l’autorisation, diminuer les délais d’instruction et désengorger les services administratifs.
Selon la secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, Chantal Jouanno « le nouveau régime concernera environ un quart des installations actuellement soumises à autorisation préfectorale ». D’ores et déjà sont concernés : les entrepôts couverts (rubrique 1510), dépôts de bois carton papier (rubrique 1530), stockages de pneumatiques (rubrique 2663).

I. Un deux trois régimes
Jusqu’à présent (en France) les installations classées n’étaient soumises qu’à deux types de régimes.
Celui de la déclaration (ou classe « D ») qui s’applique aux installations ne présentant pas de graves dangers ou d’inconvénients pour l’homme et l’environnement. Leur exploitation est soumise à très peu de formalités, peu contraignantes. Un dossier est remis au préfet et l’installation doit respecter les prescriptions générales de ce dernier.
Celui de l’autorisation (ou classe « A ») concerne les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour l’environnement et repose sur une procédure très complète. La production d’un dossier conséquent (étude d’impact et des dangers, notice hygiène et sécurité) soumis à une enquête publique, aux avis des services de l’Etat et à un passage devant le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST).
Désormais il faudra compter avec la procédure d’enregistrement, dit de classe « E ». Sont soumises à enregistrement les installations qui présentent des dangers et inconvénients graves pouvant être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. A ce titre sont concernées les activités dans des secteurs présentant des enjeux environnementaux, dont les risques sont bien connus et qui ne sont pas soumises à une directive communautaire (D. 2008/1/CE du 15 janvier 2008, D. 85/337/CEE du 27 juin 1985).
La procédure devrait concerner 20% des établissements présentant les risques les plus limités, parmi ceux qui sont aujourd’hui soumis au régime de l’autorisation. Cela devrait permettre de créer plus rapidement ces établissements et plus facilement. Seront essentiellement visés, les secteurs de transformation de matériaux, de logistique, le travail mécanique des métaux, bois, plastique ainsi que les éco-entreprises.
L’entrée d’un nouveau secteur dans le régime de l’enregistrement nécessite un décret pris en Conseil d’Etat après avis du Conseil supérieur des installations classées (CSIC). Le champ d’application de cette réforme se fera progressivement, secteur par secteur, après concertation de l’ensemble des parties prenantes.
1) Une procédure d’enregistrement allégée
L’atout majeur de cette réforme consiste dans l’allégement de la procédure applicable à la création d’ICPE. La procédure d’enregistrement se veut plus complète que celle de la déclaration et moins que celle de l’autorisation. Le demandeur doit remettre un dossier de demande d’enregistrement au préfet du département dans lequel l’installation doit être implantée, avant toute mise en service de l’exploitation (article L.512-7 C. env.). Le dossier doit contenir les documents attestant de la conformité de l’installation aux prescriptions générales applicables (information sur le pétitionnaire, emplacement de l’ICPE, nature et volume des activités…) et du respect des documents de planification (plan local d’urbanisme et autres). En résumer, il doit recenser l’activité de l’installation. Enfin il doit présenter les capacités techniques et financières de l’exploitant, lesquelles doivent être suffisantes pour assurer l’exploitation et la remise en état du site en prévision du jour où son arrêt définitif sera décidé.
La constitution du dossier est simplifiée puisque ni étude d’impact ou de danger, ni consultations des divers services instructeurs ne sont exigées. La Direction régionale de l’industrie de la recherche et de l’environnement (DRIRE) qui reçoit le dossier, doit par conséquent plus ou moins deviner ce qui devrait être vu dans ces documents, avant de formuler ses observations. Les membres du CODERST sont informés de l’enregistrement qui n’est soumis qu’à l’avis des conseils municipaux intéressés (article L.512-7-3 C. env.). Alors que la procédure d’autorisation (en théorie) peut prendre 1 an, l’enregistrement ne prend que 5 mois.
Les mots d’ordre sont « simplicité » et « rapidité ». Cette réforme semble satisfaire les intérêts de tous. Aussi bien les services de l’Etat, qui y gagnent du temps et peuvent se concentrer sur des affaires plus importantes, que les entreprises car leur implantation est plus facile et moins coûteuse (étant considéré qu’elles n’ont plus à payer d’étude d’impact et autres formalités).
Toutefois il reste une formalité à accomplir : l’obligation d’information. Une information doit systématiquement être faite auprès du public, lequel doit pouvoir formuler des observations (article L.512-7-1 C. env.). Les modalités de cette obligation d’information restent à définir. Il est probable qu’il s’agisse simplement de laisser le dossier en mairie. En outre, l’information se double d’une publicité qui doit la précéder et dont les modalités ne sont une fois encore pas définies par le texte (article L.512-7-1 al 2 C env.). Il pourra s’agir d’affichages dans les mairies de la commune d’implantation de l’installation et des communes proches. Aucune autre formalité n’est envisagée par les textes. L’importance de cette information n’est pas des moindres puisque de nombreuses actions en justice sont intentées par des associations de protection de l’environnement et particuliers qui sont informés via ces affichages en mairie notamment. Si l’Etat se désengage du contrôle des ICPE en créant le régime « E » suscitant de l’insécurité, il peut compter sur les associations et particuliers pour pallier ses carences.
2) La simplification de l’instruction
La procédure d’enregistrement est certes plus soupe que celle de l’autorisation, mais moins que celle de la déclaration. En effet elle nécessite une instruction préalable de la demande d’enregistrement après remise du dossier de demande d’enregistrement. Au terme de cette première période, soit un arrêté d’enregistrement est pris par le préfet après avis des conseils municipaux intéressés, soit l’enregistrement est refusé ou soumis à des prescriptions renforcées ou assouplies.
En principe le ministre de l’écologie fixe les prescriptions générales applicables aux Installations classées soumises à enregistrement (article L.512-7-III C. env.). A savoir, il y a une détermination a priori des règles applicables à chaque type d’installation. C’est uniquement s’il y a un arrêté particulier pour un type d’installation déterminé, que celle-ci pourra basculer du régime de l’autorisation à celui de l’enregistrement. Dans l’esprit de la réforme le préfet n’a alors plus qu’à enregistrer la demande.
Exceptionnellement il peut la refuser ou prononcer des prescriptions complémentaires, contrairement au régime de la déclaration (article L.512-7-3 C. env.). Il renforce les prescriptions ministérielles lorsque cela a vocation à assurer la protection de l’environnement et du voisinage. A l’inverse il les assoupli lorsque les circonstances locales le justifient. Dans ce cas il informe l'exploitant préalablement à la clôture de l'instruction de la demande et consulte la commission départementale consultative compétente (CODERST). Enfin il peut s’opposer à la demande d’enregistrement si l’exploitant présente des faiblesses techniques ou financières qui pourraient l’empêcher d’assurer l’exploitation ou la remise en état du site en fin de l’exploitation ou si l’exploitation ne répond pas aux prescriptions générales et/ou particulières.
Le régime de l’enregistrement n’est pas uniforme. Il apparaît sous la forme de différentes procédures. Lorsque l’enregistrement ne soulève aucunes difficultés, il s’apparente au régime de la déclaration (enregistrement par l’administration de la demande après avis du Conseil municipal et information – consultation du public). En revanche lorsque les circonstances imposent que la demande soit examinée plus sérieusement, avec évaluation des risques, consultation administrative, enquête publique, la procédure d’enregistrement penche vers le régime de l’autorisation.
Le mérite de la réforme est bien d’être plus rapide, plus simple, et de désengorger les services administratifs. Mais finalement c’est bien plus le pétitionnaire qui prend l’engagement que l’Etat qui ne fait qu’enregistrer. Le pétitionnaire présente une justification de conformité à la règlementation à sa charge et sous sa responsabilité. Ce qui est vivement critiquable car cela risque de nuire au droit de l’environnement. Le pétitionnaire peut exploiter une installation qui nuit à l’homme ainsi qu’à l’environnement et n’être démasqué que lors d’un premier contrôle des inspecteurs des installations classée.
Faut-il y voir une forme de désengagement de l’Etat ? Si le gouvernement et ses entités s’empressent de répondre à cette critique par la négative, les détracteurs de la réforme y voient un moyen déguisé de se désintéresser de l’environnement en faisant des économies.
Actuellement la réforme ne rencontre qu’un faible succès auprès des professionnels qui préfèrent avoir recours à des procédés plus contraignants certes mais qu’ils connaissent mieux.
3) Atténuation – Contrôle étatique
Le préfet peut décider (article L. 512-7-2 C env.) de ne pas suivre la procédure de l’enregistrement et de revenir à la procédure d’autorisation dans trois hypothèses :
• Lorsqu’en raison de « la localisation du projet, la sensibilisation environnementale du milieu le justifie »
• Lorsque « le cumul des incidences du projet avec celles d’autres projets d’installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ».
• Lorsque l’exploitant demande un « aménagement des prescriptions générales » en principe applicable à son projet qui le justifie.
Par déduction la procédure d’enregistrement n’est envisageable que dans des lieux non sensibles. Sans cela il y a risque de requalification en procédure d’autorisation par le préfet qui motive sa décision au demandeur et l’invite à déposer un dossier de demande d’autorisation. Cette décision est rendue publique. Elle peut conduire à une explosion du délai d’instruction qui peut ainsi durer plus d’un an (accumulation des délais d’enregistrement et d’autorisation).
Les deux premières hypothèses visées attirent précisément l’attention. Classiquement en matière d’installation classée les règles et le régime sont fixés in abstracto, peut importe les circonstances locales. Chaque installation est examinée en elle-même, individuellement. Ce n’est pas un site en lui-même qui est pris en compte dans sa globalité. Les autorités qui donnent leur aval pour l’exploitation d’une installation classée ne regardent pas l’ensemble des Installations classées présentent sur un site, ni ne font l’addition des risques et nuisances générées par ces dernières. La procédure d’enregistrement renverse cette logique.
II. Le passage au régime d’enregistrement pour les ICPE déjà existantes
Les installations nouvellement soumises à l’enregistrement doivent régulariser leur situation. Au regard de l’article L. 514-2 C. env., le préfet met en demeure l’exploitant de régulariser sa situation dans un délai déterminé, en déposant une demande d’enregistrement. Il peut décider de suspendre l’exploitation jusqu’à la prise de l’arrêté d’enregistrement. Si l’exploitant refuse l’enregistrement ou ne répond pas au préfet, ce dernier peut ordonner la fermeture ou la suppression de l’installation, faire apposer un scellé ou autre.
Les installations existantes peuvent continuer à fonctionner au bénéfice des droits acquis, au regard de l’article L. 513-1 C. env. L’arrêté d’autorisation précédemment applicable pour une installation le reste sous la double condition que l’installation ait été régulièrement autorisée et mise en service, et que la demande de bénéfice des droits acquis ait été formulée dans l’année suivant la modification de la nomenclature. Dans ces conditions, il n’y a régularisation de l’installation que dans deux hypothèses. Premièrement en cas d’abstentionnisme de l’exploitant, qui ne réclame pas le bénéfice des droits acquis. Comportement auquel il faut s’attendre, car un exploitant insuffisamment informé risque de penser en toute bonne foi qu’ayant déjà fait une demande d’autorisation, il n’a pas à nouveau à remplir une autre formalité. Deuxièmement, en cas de modification notable affectant l’installation (une extension par exemple).
III. Critiques du 3ème régime ICPE
La procédure d’enregistrement suscite les débats et comme toute réforme elle attire les partisans et détracteurs. Il faut lui reconnaître quelques mérites pourtant remis en cause.
1) Des économies de temps et d’argent
Le dossier de demande d’enregistrement est plus rapide à réaliser que celui de la demande d’autorisation étant considéré la disparition les études d’impact et des dangers, et de l’enquête publique. Il est par là même, moins coûteux pour les entrepreneurs. Plus rapide à analyser, les délais d’instruction sont plus courts (moins de 5 mois en principe). Et une exploitation soumise à enregistrement postérieurement à la mise en service régulière de son installation nécessite une simple déclaration en préfecture (théorie des droits acquis).
2) Une sécurité juridique accrue
Les recours de plein contentieux sont limités à certains actes (article. L. 512-7-3 à L. 512-7-5 C. env.) dont l’arrêté d’enregistrement. De plus un dispositif répressif semblable à celui de l’autorisation a été étendu à cette procédure au regard des articles L. 514-9 et suivants C. env. (jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 75 000 Euros d’amende).
3) Rapprochement du droit français au droit européen et ses directives
S’il existe un peu plus de 50 000 installations classées soumises à autorisation en France, seulement 15 000 d’entre elles relèvent d’une règlementation européenne rendant obligatoire une autorisation ou une étude d’impact. En créant un régime d’autorisation simplifiée, la France se rapproche du système européen (moins sévère en matière d’ICPE) et d’autres Etats tel l’Allemagne (Etat modèle en matière d’environnement qui a déjà mis en place un régime intermédiaire).
4) Un régime décrié
Malgré ces indéniables avantages, le 3ème régime ICPE est vivement critiqué, notamment par les ONG et associations de protection de l’environnement.
Ces derniers redoutent une moindre protection de l’environnement, du fait de l’assouplissement des conditions de création et de la baisse des contrôles des ICPE « E ». Elle se traduit plus particulièrement par une moins bonne évaluation environnementale et sanitaire du fait de la suppression des études d’impact et des dangers. Ce qui peut provoquer des difficultés d’application de la procédure et risque de conduire à des reclassements par les préfets d’installations classées « E » en « A », allongeant les délais de procédure.
Ils déplorent une moindre concertation avec les collectivités publiques et le public du fait de la disparition de l’enquête publique et de la consultation du CODERST.
Egalement la suppression des arrêtés types remplacés par des prescriptions nationales (champ d’application de la procédure d’enregistrement s’élargit secteur par secteur après décret pris en Conseil d’Etat) sans tenir compte des particularités locales.
Sont encore critiqués, les imprécisions de certaines notions de la loi. Cette fois aux ONG et associations se joint le Medef.
Le plus grand risque est celui du développement du contentieux. En effet quantité de litiges risquent d’apparaître en raison de la suppression de l’étude d’impact, et des arrêtés préfectoraux qui décideront de faire basculer le régime d’enregistrement à celui de l’autorisation.
Tous ces effets semblent en opposition avec les objectifs premiers de la réforme.
Finalement il s’agit essentiellement d’une réforme efficace économiquement et administrativement. Il n’y a pas réellement simplification du droit. La procédure est plus simple, plus lisible, plus rapide, elle s’appuie sur des mécanismes réglementaires déjà connus et des consultations du public simplifiées. Reste à observer comment concrètement les préfets et exploitants manieront ce nouveau mécanisme.


Sources :
• Loi n°2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement public et privé
• Ordonnance n°2009-663 du 11 juin 2009 relative à l’enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l’environnement
• Articles L. 512-7 à L. 512-7-7, L. 214-7 et R. 512-1 à R. 512-10 C. env.
• Hermon Carole, La réforme du droit des installations classées, septembre 2003, BDEI n° 23, p.33-40
• Lamy – Installations classées, Partie 2 Création
• http://www.environnement.ccip.fr
• http://installationsclassees.ecologie.gouv.fr/
• http://www.arnaudgossement.com/