Alors que l'affaire des banc grillagés à la période de Noël à Angoulème reste encore présente dans nos esprits, on remarque de moins en moins le fait que le processus d'urbanisation anti-sdf dans les grandes villes de France ne cesse de grandir.
Rappelons le principe: le mobilier urbain anti-sdf vise à empêcher les personnes d'occuper un espace public pour une durée prolongée (visant notamment les sans-abri). A cet effet, les bancs seront munis d'accoudoirs pour éviter que l'on s'y couche, les assises individualisées, certaines vitrines seront assorties de plots... Le principal inconvénient étant que cet inconfort pèse sur toute la population par la suite (notamment aux femmes enceintes, aux personnes agées). On pourrait penser au premier abord que cette initiative est expliquée politiquement alors qu'en 2013 les places en centres d'accueil étaient réduites. Philippe Gargov, fondateur d'un cabinet de conseil en prospective urbaine, estime que "Ce n'est pas lié à un clivage gauche-droite. Les mesures les plus explicites, les plus choquantes viennent de droite. Mais les mairies de gauche font la même chose, de manière plus discrète et moins assumée. La mairie de Paris se targue par exemple d'aider les sans-abri mais dans la rue on peut voir des dizaines de mesures prises par des particuliers contre les plus démunis: piques, galets contondants collés à même le ciment, etc". Ces initiatives privées se développent énormément (commerces, banques, copropriétés,) et ont été le sujet d'une étude photographique les listant par le collectif SurvivalGroup appelée "anti-sites". A côté de ces installations de mobilier urbain anti-sdf, de nombreuses autres actions sont prises par les villes pour éviter l'installation de sans-abri et la fixation de marginaux: arrêtés anti-mendicité dans de nombreuses villes (au nombre de trois sur Paris en 2011 dans les secteurs des Grands magasins, Champs-Elysées et du Louvre), répulsifs nauséabonds (affaire "Malodore" à Argenteuil en 2007 dans laquelle le Maire a voulu utiliser un répulsif dans le centre-ville) ou encore le fichage de sdf (Nantes en 2006).
La France est loin d'être la seule a agir dans ce sens: au Royaume-Uni, le maire de Londres a demandé a faire retirer des pointes de métal installées devant un immeuble, aux Etats-Unis où à Orlando, les distributions de nourriture sont interdites, à Santa Cruz où il est interdit de dormir dans la rue... Tandis qu'au Canada, l'association RainCity Housing a pris la direction contraire en créant des bancs transformables en abris le soir. Alors que le nombre de sans-abri augmente de façon constante depuis 2001 (avec une hausse de 50% de celui-ci de 2001 à 2012), le gouvernement y a apporté une réponse avec 1,3 milliards alloués à cet effet en 2015. Pourtant, 2 personnes sur 3 resteraient sans réponse en cas de demande aux centres sociaux. Actuellement, le seul régime spécifique au mobilier urbain est un arrêté d'Octobre 2012 précisant les normes s'appliquant aux obstacles installés pour rendre la voirie plus accessible aux personnes malvoyantes, peut-être serait-il opportun de s'attacher au long terme par la réinsertion des sans-abri plutôt que d'essayer se prémunir de leurs externalités comme l'a bien exprimé Katharine Sacks-Jones, la responsable de campagnes pour l'ONG britannique Crisis.