Le régime de responsabilité civile nucléaire se caractérise par son élaboration et sa vocation internationale. En effet, le contexte historique et économique très particulier de l’élaboration de la RCN a inévitablement influencé ses caractéristiques.

L’INFLUENCE INTERNATIONALE DE LA RESPONSABILITE CIVILE NUCLEAIRE

Développé avant la seconde guerre mondiale, le nucléaire n’avait pas à l’origine une application militaire. Cependant, durant la seconde guerre mondiale, la course à l’armement et la recherche d’une technologie susceptible de donner à son possesseur un avantage militaire certain a conduit les Etats à accentuer les efforts dans ce domaine afin de concevoir l’arme atomique.
C’est ainsi que le « projet manhattan » a permis aux américains de créer la première bombe atomique.
Les premières utilisations de cette arme auront lieu à l’initiative des Etats-Unis lors sur les villes d’Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945. Ces bombardements vont causer la mort immédiate d’environ 70 000 personnes à Hiroshima et 40 000 à Nagasaki. A ceux-ci s’ajoutent les décès causés ultérieurement suite à l’exposition radioactive.
L’arme nucléaire est depuis lors une arme de dissuasion et a pour rôle de garantir la paix.
L’URSS va donc disposer de sa propre bombe dès 1949, et la Grande-Bretagne en 1957.
En France, le général de Gaulle, alors président du gouvernement provisoire, crée le
Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) afin de lancer les recherches et de travailler sur le
nucléaire militaire et civil. C’est ainsi que la France se dotera de l’arme nucléaire en 1960.

Le nucléaire a également des applications civiles. Il permet en effet la production d’électricité.
La construction de centrales nucléaires de production d’électricité a donc connu le même essor que le nucléaire militaire et entre les années 1956 et 1970, dix réacteurs nucléaires seront construits sur le sol français par le CEA et Electricité de France (EDF).
Le développement du nucléaire dans différents pays, le retour d’expérience des évènements d’Hiroshima et Negasaki ont mis en exergue la nécessité d’encadrer les activités nucléaires au niveau international.

Les Etats utilisant l’énergie nucléaire ont donc envisagé la construction d’un régime spécial de responsabilité civile pour uniformiser la réparation des dommages causés par un accident nucléaire et favoriser l’indemnisation des victimes.

La naissance de la responsabilité civile nucléaire

L’Organisation européenne de coopération économique (OECE) devenue L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1961 a engagé l’élaboration d’un régime international de responsabilité civile du fait des accidents nucléaires dès les années 1950.

En effet, la difficulté de trouver un débiteur solvable ainsi que le risque de dégâts transfrontières implique la mise en place de régimes internationaux de RCN.
Les travaux préparatoires de la Convention de Paris de 1960 se sont donc attachés à réparer ces conséquences en soulevant notamment la problématique de l’assurance de ces dommages et celle des dommages transfrontières.

C’est ainsi qu’un projet de convention internationale, inspiré de la législation des Etats-Unis en raison du retour d’expérience dont disposaient déjà les américains, a été proposé en 1958. L’Atomic Energy Act de 1946 puis de 1954 constituaient les premiers efforts d’encadrement législatifdes activités nucléaires civiles. Cependant, les mécanismes d’indemnisation des dommages causésdu fait d’un accident nucléaire n’y étaient pas abordés. Il convenait en effet trouver une solution de nature à permettre la conciliation de deux intérêts opposés : la nécessité d’indemniser équitablement les préjudices découlant d’un accident considérable, tout en incitant
les industriels à s’engager dans cette activité.
Cette conciliation sera opérée par le biais du Price-Anderson Act de 1957 venant modifier l’Atomic Energy Act relatif à la responsabilité civile des risques atomiques et à la couverture financière des dommages.

Reprenant les fondements édifiés par les Etats-Unis, le régime actuel de la responsabilité civile
nucléaire (RCN) a été mis en place par la Convention sur la responsabilité civile dans le domaine
de l'énergie nucléaire, signée à Paris le 29 juillet 1960, dite Convention de Paris


La Convention de Paris de 1960
L’esprit de cette Convention transparait clairement à travers la lettre de l’alinéa 3 du préambule de la Convention:
« Désireux d'assurer une réparation adéquate et équitable aux personnes victimes de dommages causés par desaccidents nucléaires, tout en prenant les mesures nécessaires pour éviter d'entraver le développement de la production et des utilisations de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques ».

La Convention de Paris fait peser la charge de l’indemnisation des dommages causés par un accident nucléaire sur la personne de l’exploitant. Ce dernier doit attester de sa solvabilité par l’obtention d’une garantie financière. En contrepartie, la tranche de responsabilité de l’exploitant est limitée dans son montant et dans sa durée.
En outre, cette Convention consacre le principe d’unicité de juridiction et d’égalité de traitement des victimes de la RCN, lequel favorise la simplification de son application internationale par la désignation d’un seul tribunal compétent par Etat en cas d’accident nucléaire.

En France, c’est la loi n° 68-943 du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire qui désigne le tribunal de grande instance de Paris pour mettre en œuvre la RCN en cas de survenance d’un accident sur le territoire.

Le plafonnement retenu par la Convention de Paris s’étant révélé insuffisant, elle a été amendée par la Convention de Bruxelles le 31 janvier 1963. Cette convention est venue ajouter deux « tranches d’indemnisation » supplémentaires en raison de l’insuffisance du montant de l’indemnisation à la charge de l’exploitant. Dès lors, une deuxième tranche d’indemnisation sera supportée par l’Etat, et une troisième tranche par l’ensemble des parties cocontractantes.

Au regard du faible nombre d’Etats signataires de la Convention de Paris, et afin d’éviter toute incertitude concernant l’indemnisation des dommages transfrontières est-ouest, L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a proposé l’élaboration d’une autre convention internationale sur la responsabilité civile nucléaire. La volonté de mettre en place un régime de responsabilité civile nucléaire applicable à la totalité des pays producteurs d’électricité nucléaire a donc conduit les signataires de la Convention de Paris à ratifier le Protocole du 28 janvier 1964 venant modifier la convention de Paris pour permettre un rapprochement avec la Convention de Vienne.

En effet, les chocs pétroliers de 1973 et de 1979 vont conforter le choix du nucléaire dans un certain nombre de pays comme la France. Les économies développées qui avaient basé leur développement d’après-guerre sur les hydrocarbures et leurs dérivés (pétrole, goudron, plastique etc.), si bien qu’elles ont été qualifiées « d’économies pétrolières », ont ainsi vu dans l’énergie nucléaire une opportunité de gagner en indépendance énergétique. La convergence des régimes issus des Conventions de Paris et de Vienne s’est donc posée comme une nécessité incontournable.

La convergence des régimes de RCN
Le 26 avril 1986 survient un autre accident, l’accident de Tchernobyl, qui lui va causer des dommages considérables aux personnes, aux biens et à l’environnement. La fusion du réacteur a causé la mort d’un nombre incertain de personnes. En effet, si on avance le chiffre de 47 morts du fait d’irradiations massives, le bilan total pourrait être beaucoup plus élevé si l’on tient compte des maladies déclarées postérieurement, si bien que l’OMS évalue le nombre de victime à environ 4000. L’importance des dommages corporels, mais aussi des dommages aux biens et à l’environnement est telle qu’ils sont encore ressentis : l’Ukraine et la Biélorussie travaillent en ce moment sur la réhabilitation des terres agricoles contaminées mais les efforts devront être maintenus pendant encore quelques années avant de pouvoir exploiter ces terres dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Cet épisode a convaincu les Etats producteurs d’électricité nucléaire de la nécessité de veiller à l’amélioration constante des politiques de prévention, mais également de celle du système de responsabilité civile nucléaire.
Consécutivement à cet accident, l’AIEA a décidé de donner une impulsion pour procéder à une révision de la Convention de Vienne, qui n’avait pas subi de modification depuis 1963. Le résultat de ce travail est l’adoption du Protocole d’amendement de la Convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommage nucléaire du 12 septembre 1997, qui est entré en vigueur le 4 octobre 2003. Ce dernier contient des mesures venant amender la Convention de Vienne mais ne la remplace pas. Toutefois, une difficulté subsiste : cette convention ne prévoit pas de tranche d’indemnisation incombant aux parties cocontractantes.
En ce même temps, les Etats-Unis voulaient adhérer à une convention internationale de responsabilité civile nucléaire mais n’acceptait pas d’adhérer à la Convention de Vienne du fait d’une incompatibilité du texte avec leur Constitution. La solution a donc été d’élaborer la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires du 12 septembre 1997 (pas encore en vigueur), dite « CRC ».

Le Protocole du 28 janvier 1964 avait amorcé un mouvement d’harmonisation de la convention de Paris et de la convention de Vienne, mais les deux conventions demeuraient indépendantes.
Un nouveau protocole commun ayant pour but de lier ces deux régimes a donc été élaboré sous l’égide de l’AIEA et de l’Agence pour l'énergie nucléaire (AEN). Ce travail a abouti à l’adoption du protocole commun à la convention de Paris et à la convention de Vienne le 21septembre 1988, créant une passerelle entre ces deux textes.

Le Protocole du 12 février 2004 modifiant la Convention de Paris et de Bruxelles.
Le Protocole portant modification de la Convention du 31 janvier 1963 complémentaire à la Convention de Paris du 29 juillet sur la responsabilité dans le domaine de l’énergie nucléaire, amendée par le Protocole additionnel du 28 janvier 1964 et par le protocole du 16 novembre 1982 a été signé le 12 février 2004. Ce protocole vient notamment relever le plafonnement de l’indemnisation et indemniser les dommages nucléaires découlant notamment de certaines atteintes à l’environnement. Ce régime n’est pour l’instant pas encore entré en vigueur, le nombre de ratifications nécessaire n’ayant pour l’instant pas encore été atteint. En effet, une décision du Conseil de l’Europe du 8 mars 2004 autorisant la ratification du Protocole de 2004 a prévu le dépôt simultané des instruments de ratification des Etats-membres de l’UE. Le retard de certains pays européens dans la ratification du protocole empêche ainsi l’ensemble des Etats membres de l’UE de le ratifier.


LES CARACTERISTIQUES DE LA RESPONSABILITE CIVILE NUCLEAIRE

En France, le régime de RCN est régi par la Convention de Paris entrée en vigueur le 1er avril 1968.
Les diverses conséquences des derniers accidents nucléaires ont permis à la communauté internationale de se rendre compte non seulement de l’ampleur de dégâts causés, mais également de la particularité desdits dommages. Les retombées sanitaires et environnementales de l’exposition des Hommes et son milieu à la radioactivité sont en effet très complexes à appréhender en raison du temps que prennent les dommages à se manifester. Certains cancers, à l’instar de celui de la thyroïde peuvent ainsi se déclarer des années après l’exposition. En outre, certains dommages indemnisés peuvent se révéler être important que ce qui a été évalué ce qui soulève la question de la possibilité d’une indemnisation complémentaire après l’aggravation de l’état de la victime. On peut également mentionner le risque de lenteur excessive de l’indemnisation du fait du nombre potentiellement considérable des actions en réparation qui seraient mises en œuvre en cas d’accident.
L’élaboration d’un régime de responsabilité civile nucléaire a donc été guidée par les cinq préoccupations suivantes :

- l’indemnisation rapide et facile des victimes sur le territoire d’un État sur lequel surviendrait un accident nucléaire provoquant des dommages ;
- l’indemnisation clarifiée des dommages transfrontaliers subis sur le territoire d’un État tiers dès lors qu’un accident survient sur le territoire d’un État partie à la Convention de Paris ou de Vienne ;
- la responsabilité accrue dans l’encadrement du secteur électronucléaire, en complément de la mise en œuvre de conditions de sûreté et de sécurité constamment améliorées ;
-l’accompagnement des opérateurs nucléaires, en leurs accordant le bénéfice de la sécurité juridique par la limitation de la responsabilité des exploitants, s’agissant du périmètre du dommage, du montant dont ils seraient redevables et de la durée de leur responsabilité, tout en garantissant la disponibilité des fonds par l’obligation de souscrire une assurance ou toute autre garantie financière à hauteur de leur responsabilité ;
- la protection des industriels non exploitants intervenant dans la construction des installations nucléaires, dont la responsabilité en cas d’accident se trouve encadrée aux termes des conventions.

Un régime de responsabilité objective établi sur la personne de l’exploitant

Une responsabilité sans faute
La nécessité de concilier l’objectif de réparation adéquate et équitable des préjudices nés d’un accident nucléaire avec la volonté d’accompagnement du secteur nucléaire a conduit les rédacteurs de la Convention de Paris à opter pour un régime de responsabilité exorbitant de droit commun : le régime de responsabilité objective. L’article 3 de la Convention de Paris met en œuvre un régime de responsabilité sans faute, si bien que la responsabilité de l’exploitant est engagée du seul fait de la survenance d’un dommage.
« L'exploitant d'une installation nucléaire est responsable conformément à la présente Convention :
i. de tout dommage aux personnes ; et
ii. de tout dommage aux biens, […] s'il est établi que ce dommage (appelé ci-après le « dommage ») est causé par un accident nucléaire survenu dans cette installation, ou mettant en jeu des substances nucléaires provenant de cette installation, sous réserve des dispositions de l'article 4. »

Les conditions d’applications de l’article 3 ont trait à la qualité d’exploitant d’une installation nucléaire, et à la qualification de dommage nucléaire.
La qualité d’exploitant d’une installation nucléaire est définie aux termes de l’article 1er de la Convention de Paris comme « la personne désignée ou reconnue par l'autorité publique compétente comme l'exploitant de cette installation nucléaire ».
La qualification du dommage nucléaire est plus difficile puisque la définition donnée par la Convention de Paris en vigueur actuellement affirme seulement que le dommage nucléaire correspond aux dommages aux personnes et aux dommages aux biens causés par un accident nucléaire. La notion d’accident nucléaire est aussi définie à l’article 1, a) comme « tout fait ou succession de faits de même origine ayant causé des dommages, dès lors que ce fait ou ces faits ou certains des dommages causés proviennent ou résultent soit des propriétés radioactives, ou à la fois des propriétés radioactives et des propriétés toxiques, explosives ou autres propriétés dangereuses des combustibles nucléaires ou produits ou déchets radioactifs, soit de rayonnements ionisants émis par une autre source quelconque de rayonnements se trouvant dans une installation nucléaire » .

Ce régime spécial se distingue de la responsabilité civile de droit commun fondée sur l’article 1382 du Code civil, qui dispose qu’un dommage est indemnisé s’il est établi que la victime a justifié d’un dommage en lien de causalité avec une faute. Dans le cadre du régime de responsabilité délictuelle la victime, pour obtenir réparation, doit établir l'existence d’une faut et d’un lien de causalité entre cette faute et le dommage subi. Or, ces conditions sont inadaptées à organiser la réparation dans le cas d’un accident nucléaire. En effet, dans la mesure où l’objectif fixé est d’indemniser rapidement et facilement les victimes, la nécessité de prouver une faute ne convient pas à un accident nucléaire constituerait un véritable obstacle à cette volonté. Les difficultés scientifiques pour déterminer le responsable de l’accident et la longueur de la procédure si l’on faisait reposer la charge de la preuve sur la victime justifient le choix d’un régime de responsabilité objective.
Il est toutefois à noter que ce régime de responsabilité objective nécessite tout de même que les victimes d’accident nucléaire justifient d’un préjudice en lien avec l’accident. Ce lien de causalité n’est pas défini par les conventions, ce qui laisse une large marge de manoeuvre aux juges chargés d’appliquer la RCN.

L’exploitant
Tout régime de responsabilité objective se heurte à la nécessité de désigner un responsable de principe. En effet, la charge de la responsabilité étant dans ce régime détachée de l’idée de faute, un individu doit supporter les conséquences d’un tel accident. Les régimes de responsabilité civile nucléaire issus des Conventions de Paris et Bruxelles, et de la Convention de Vienne prévoient que ce responsable est l’exploitant d’une installation nucléaire reconnu par l’Etat où se trouve l’installation. De ce fait, en cas d’accident nucléaire, ce sera nécessairement l’exploitant de l’INB accidentée qui devra indemniser les victimes, à l’exclusion de toute autre personne (fournisseurs, designers…). De la même façon, si un accident survient dans le cadre du transport de matières radioactives, c’est la responsabilité de l’exploitant de l’INB dont proviennent ces matières qui sera recherchée.
L’exposé des motifs de la Convention de Paris révisée par le Protocole du 16 novembre 1982 apporte des éclaircissements sur les raisons de ce choix:
« Deux motifs principaux ont conduit à concentrer toute la responsabilité de l’exploitant, à la différence de ce que prévoit le droit commun de la responsabilité. D’abord, il est souhaitable d’éviter les difficultés et délais qui résulteraient dans chaque cas de la possibilité d’actions en responsabilité multiples. Ensuite, cela permet d’éviter un cumul des assurances qui, sinon, devraient être souscrites par tous ceux susceptibles d’être associés à la construction ou à l’exploitation d’une installation nucléaire, autres que l’exploitant lui-même, et de regrouper ainsi les capacités d’assurance disponibles. »

Une présomption de responsabilité pèse donc sur la personne de l’exploitant.

L’admission limitée des causes d’exonérations de responsabilité.
Cette volonté de faire peser la responsabilité sur l’exploitant est complétée par l’admission limitée des recours dont il dispose.
L’article 6 de la convention de Paris de 1960 dispose en effet que :
« f) L'exploitant n'a un droit de recours que :
i) si le dommage résulte d'un acte ou d'une omission procédant de l'intention de causer un dommage, contre la personne physique auteur de l'acte ou de l'omission intentionnelle ;
ii) si et dans la mesure où le recours est prévu expressément par contrat.

Ainsi, pour que l’exploitant puisse exercer une action récursoire, il faut qu’il prouve la négligence
grave d’un collaborateur et son intention de nuire, ou que le contrat liant l’exploitant à son collaborateur prévoit la possibilité d’une telle action.
Dans le premier cas, la possibilité d’action récursoire est restreinte puisque la preuve d’une action ou d’une omission dénotant d’une négligence risque d’être difficile à apporter. Cette disposition est donc très favorable aux collaborateurs des opérateurs nucléaires.
La possibilité de prévoir une action récursoire si cela est prévu dans le contrat est nettement plus
facile à mettre à profit pour l’exploitant en ce qu’elles reposent ici sur la négociation du contrat entre l’opérateur nucléaire et ses collaborateurs.

On relève enfin que l’article 9 de la convention de Paris comporte une autre possibilité d’exonération de responsabilité pour l’exploitant, qui « n'est pas responsable des dommages causés par un accident nucléaire si cet accident est dû directement à des actes de conflit armé, d'hostilités, de guerre civile, d'insurrection ou, sauf disposition contraire de la législation de la Partie Contractante sur le territoire de laquelle est située son installation nucléaire, à des cataclysmes naturels de caractère exceptionnel ».


Une responsabilité limitée dans son montant et dans le temps

Une indemnité plafonnée
La RCN issue de la Convention de Paris de 1960 prévoit expressément un plafond d’indemnisation des réparations (article 7), présenté comme la contrepartie de l’objectivisation de la faute et de l’imputation de la responsabilité sur l’exploitant nucléaire :
« Le total des indemnités payables pour un dommage causé par un accident nucléaire ne peut dépasser le montant maximum de la responsabilité, fixé conformément au présent article. ». Le montant de l’indemnisation due en cas d’accident par l’exploitant nucléaire dans le cadre de la convention de Paris de 1960 est donc limité à 15 000 000 de droits de tirage spéciaux (DTS) tels qu'ils sont définis par le Fonds Monétaire International, ce qui équivaut à environ 91 469 410 € (montant en vigueur actuellement, prévu dans la loi de 1968).
La convention de Bruxelles de 1963 a apporté deux nouvelles tranches d’indemnisation à la charge de l’Etat, puis de l’ensemble des Etats signataires de la convention. Ce plafonnement est donc aujourd’hui organisé en trois tranches, et concerne, outre l’exploitant, l’Etat ainsi que l’ensemble des Etats signataires de la Convention. L’Etat doit ainsi indemniser jusqu’à 200 millions d’euros (seconde tranche) et l’ensemble des parties contractantes à cette Convention devra indemniser jusqu’à 340 millions d’euros.
Toutefois, la Convention de Vienne ne prévoit qu’une faculté de limitation contrairement à la Convention de Paris. Son article V, 1. dispose en effet que l’Etat où se trouve l’installation « peut limiter la responsabilité de l'exploitant à un montant qui ne sera pas inférieur à 5 millions de dollars par accident nucléaire ». Cette disposition ouvre la possibilité, pour les Etats qui le souhaitent, de mettre en place un plafonnement plus ambitieux, voire un régime de responsabilité illimitée à la charge de l’exploitant. L’Allemagne, le Japon et la Suisse ont ainsi opté pour un régime de responsabilité illimitée.

L’exclusion de certains biens
La limitation du montant des réparations peut également s’effectuer par la limitation des dommages nucléaire indemnisables. L’article 3 de la Convention de Paris exclut ainsi la réparation des biens sur site du régime de la responsabilité civile nucléaire.
« a) L’exploitant d’une installation nucléaire est responsable conformément à la présente Convention de tout dommage nucléaire à l’exclusion :
i) des dommages causés à l’installation nucléaire elle-même et aux autres installations nucléaires, même en cours de construction, qui se trouvent sur le site où est implantée cette installation ;
ii) des dommages aux biens qui se trouvent sur ce même site et qui sont ou doivent être utilisés en rapport avec l’une ou l’autre de ces installations »
Une telle exclusion est logique en ce que l’on ne va pas demander à l’exploitant de « s’auto-indemniser ». En revanche, elle est très sévère à l’égard des collaborateurs des opérateurs nucléaires qui voient leur matériel contaminé alors que celui-ci est souvent extrêmement coûteux.. L’inclusion des biens sur site dans le champ des dommages indemnisables par la RCN aurait en effet permis une prise en charge des dommages par l’assurance de l’exploitant. On peut toutefois voir cette exclusion comme une contrepartie de la protection dont bénéficient ces collaborateurs des opérateurs nucléaires du fait de la canalisation de la responsabilité sur l’exploitant.

La prescription de la responsabilité
La RCN prévoit également une prescription à l’action en responsabilité.
L’article 8 a) de la Convention de Paris dispose ainsi que « les actions en réparation, en vertu de la présente Convention, doivent être intentées sous peine de déchéance, dans le délai de dix ans à compter de l'accident nucléaire ».

Les dommages susceptibles de résulter d’un accident nucléaire s’accommodent pourtant mal de ce type de limitation. En effet, les dommages causés par les radionucléides présentent la particularité de s’inscrire dans la durée. Ces dommages sont non seulement persistants, mais ils peuvent également se révéler après une certaine durée. Les dommages corporels découlant d’une exposition aux radiations en sont un bon exemple puisqu’ils se manifestent le plus souvent avec un certain décalage temporel. De ce fait, la limitation de la responsabilité de l’opérateur dans le temps lui est très favorable.
Toutefois, les Etats peuvent de fixer un délai supérieur à 10 ans :
« la législation nationale peut fixer un délai de déchéance supérieur à dix ans, si la Partie Contractante sur le territoire de laquelle est située l'installation nucléaire dont l'exploitant est responsable prévoit des mesures pour couvrir la responsabilité de l'exploitant à l'égard des actions en réparation introduites après l'expiration du délai de dix ans et pendant la période de prolongation de ce délai. Toutefois, cette prolongation du délai de déchéance ne peut porter atteinte en aucun cas aux droits à réparation en vertu de la présente Convention des personnes ayant intenté contre l'exploitant une action du fait de décès ou de dommages aux personnes avant l'expiration dudit délai de dix ans. ».
En France, la prescription est de dix ans.
Une prescription illimitée, découragerait les exploitants potentiels d’investir dans le nucléaire, alors que le secteur du nucléaire constitue un des atouts industriels majeurs de la France, notamment par les « effets de liaison » qu’il crée. De nombreux sous-traitants bénéficient de contrats liés à cette activité, notamment dans des activités valorisant leur savoir-faire (haute technologie) et leur permettant d'acquérir des compétences à même d'assurer leur compétitivité.


Pourtant, à côté de ces contraintes liées au besoin d’énergie et de croissance économique, certains enjeux restent incontournables. La protection de l’environnement constitue ainsi un impératif vital pour l’homme et les écosystèmes dont il dépend. Les conséquences d’un accident nucléaire sur l’environnement étant potentiellement considérables, ils doivent être pris en compte par la RCN.