Il conviendra en l’espèce de s’intéresser uniquement aux lanceurs d’alerte en matière de santé publique et d’environnement dont le statut est inscrit dans la loi du 16 avril 2013. La France accuse un certain retard par rapport à d’autres Etats qui ont réglementé ce domaine depuis bien longtemps. C’est notamment le cas des Etats-Unis où le droit d’alerte existe depuis le False Clails Act de 1863 ainsi que du Royaume-Uni qui a adopté en 1998 le Public Interest Disclosure Act. Avant de légiférer sur la question des lanceurs d’alerte en matière de santé publique et d’environnement, le législateur français s’était intéressé à la question des lanceurs d’alerte en matière de lutte contre la corruption et les conflits d’intérêts dans la vie publique.


I. Le rôle du lanceur d’alerte

Selon le rapport Lepage, le droit à l’information environnementale du public que l’on retrouve à l’article 7 de la Charte de l’environnement impliquerait un « devoir d’alerte » accompagné d’un délit de rétention d’information quand un risque était avéré. Monsieur Huglo relève que le concept consacré par la loi du 16 avril 2013 est « assez loin de l’idée lancée dans le rapport Lepage ». À propos du droit d’alerte, la loi dispose que « toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou sur l’environnement », il est ajouté que l’information dévoilée doit être dénuée de tout caractère diffamatoire ou injurieux (le lancement d’une alerte de mauvaise foi ou avec intention de nuire pourra être sanctionné pénalement).

II. Le droit d’alerte en entreprise

La loi du 16 avril 2013 prévoit également la possibilité d’exercer un droit d’alerte au sein de l’entreprise, les représentants du personnel du CHSCT comme les travailleurs bénéficient de ce droit dès lors qu’ils estiment « de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement ». En cas de divergence avec l’employeur, le lanceur d’alerte peut saisir le préfet. Afin que le travailleur lanceur d’alerte ne soit pas discriminé, la loi prévoit une protection à son égard puisqu’il ne pourra pas être écarté d’une procédure de recrutement ou d’une formation, ni être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire du fait de l’exercice de ce droit.
Par ailleurs, la loi a créé la Commission nationale de déontologie et des alertes et prévu l’obligation pour les établissements publics ayant une expertise dans le domaine de la santé ou de l’environnement de tenir un registre des alertes. Le décret du 26 décembre 2014 dévoile la composition de cette commission, elle comprendra vingt-deux membres : députés, sénateurs, membres du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation, du Conseil Economique, Social et Environnementale et du Comité consultatif d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé ainsi que des personnes qualifiées dans différents domaines (droit du travail, droit de la santé publique, de l’alimentation, des sciences sociales ….). Le rôle de cette commission sera d’assurer une mission de supervision transversale, elle devra également recouper les éventuelles alertes ainsi que mettre en œuvre un dispositif de traçabilité visant à éviter que des alertes ne soient perdues ou ignorées. La commission pourra se saisir d’office ou être saisie par un parlementaire, un ministre ou encore une association agréée de consommateurs, de protection de l’environnement ou agissant dans le domaine de la qualité, de la santé…

Comme le souligne Jean-Louis Roumegas dans son rapport, plusieurs organisations non gouvernementales ont déjà lancé une alerte afin de mettre en lumière l’omniprésence des perturbateurs endocriniens dans l’environnement. C’est notamment le cas de l’association de défense des consommateurs UFC-Que choisir qui, depuis plusieurs années, relèvent les produits de consommation courante qui contiennent des substances reconnues par la communauté scientifique comme ayant un effet de perturbation endocrinienne. En 2013, dans une étude baptisée « Alerte dans la salle de bain » l’organisation a pointé du doigt soixante-six produits cosmétiques et d’hygiène corporelle contenant des perturbateurs endocriniens. De même, l’organisation non gouvernementale Générations Fsutures a dénoncé les méfaits de plusieurs produits phytosanitaires dans une enquête consacrée aux pesticides perturbateurs endocriniens .

Compte tenu de la complexité des perturbateurs endocriniens et des enjeux sanitaires et environnementaux qui en découlent, la consécration de ces outils juridiques tel que l’expert ou le lanceur d’alerte apparaît primordiale afin d’assurer une réelle protection des populations sans que viennent interférer des enjeux politiques ou économiques.