La circulaire DGT 2009-16 du 3 juillet 2009 a été établie par la direction générale du travail en collaboration avec le ministère du travail. Elle apporte des réponses concrètes sur les précautions à prendre et des mesures à adopter en entreprise face à la propagation du virus H1N1, responsable de la grippe A, (I). En revanche, cette circulaire n’est pas sans poser des problématiques juridiques sur les droits des salariés et les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail (II).

I- Les apports le la circulaire relative à la pandémie grippale
La circulaire du 3 juillet 2009 rappelle que le cas particulier de la pandémie est un risque principalement environnemental. L’employeur a donc au minimum une obligation de moyens.
La circulaire recommande aux employeurs d’anticiper la survenue d’une pandémie grippale en élaborant un « plan de continuité d’activité » (PCA) actualisant le document unique d’évaluation des risques ainsi que le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.
L’élaboration d’un plan de continuité de l’activité est préconisée à toutes les entreprises, quelque soit leur taille, en associant ses salariés et en consultant le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le Comité d'entreprise (CE).
Les employeurs qui ne suivront pas cette recommandation vont s’exposer à de sérieuses difficultés économiques mais aussi juridiques.
Ainsi, à titre d’exemple, les employeurs qui n’auront pas mis à jour le document unique d’évaluation des risques (Articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du Code du travail) s’exposeront à :
- Des sanctions d’ordre pénal : l’infraction à l’article R. 4121-1 du Code du travail est punie d’une amende prévue pour les contraventions de la 5e classe, soit 1 500 €, 3 000 € en récidive)
- Des sanctions d’ordre civil : un salarié contaminé à l’occasion de son travail peut chercher à faire juger que son employeur a, faute d’évaluation préalable du risque et de mise en œuvre de mesures de protection, commis une faute inexcusable à l’origine de sa contamination
En outre, l'employeur doit informer son personnel sur les mesures existantes et le former au port des équipements de protection et aux consignes d'hygiène spécifiques.

Dans le cas de présence d’un salarié ayant les symptômes de la grippe A, l’employeur doit éviter la propagation du virus dans l’entreprise. Le salarié doit rester à domicile dans les 48 heures suivant la fin des symptômes s'il n'a pas d'arrêt de travail suffisamment long. Il sera dans ce cas rémunéré.
S'il vient travailler, il devra, sur le fondement de l'article L. 4122-1 du Code du travail, porter un masque chirurgical en cas de contact avec d'autres salariés. Le non respect de ces dispositions est constitutif d'une faute pouvant aller jusqu'à un licenciement pour faute grave (Cass. Soc., 28 février 2002, Deschler c/ SA Textar France).

Par ailleurs, pour faire face aux éventuels cas d’absentéisme en cas de pandémie, l’employeur peut notamment :

- recourir au prêt de main d'oeuvre. L'accord du salarié est nécessaire et l'opération ne doit pas être à but lucratif ;

En revanche, la modification du contrat de travail (qualification, rémunération, temps de travail...) nécessite l'accord du salarié et le respect de la procédure légale, notamment d'un délai de réflexion.
- Recourir au télétravail : l'accord du salarié est indispensable et il convient de consulter le CE et le CHSCT.

Pour l'ensemble de ces mesures, lorsque l'accord du salarié est requis, son refus ne peut être considéré comme fautif et ne peut donner lieu à sanction. En revanche, lorsque l'employeur peut imposer à un salarié de nouvelles conditions de travail, le refus du salarié peut être sanctionné par une mesure pouvant aller jusqu'au licenciement.
Si cette circulaire permet de dessiner un cadre de prévention contre la propagation d’une pandémie dans les entreprises, il n’en est pas moins qu’elle pose quelques problématiques dans son application à la fois pour l’employeur et pour les salariés.



II- Les limites d’application de la circulaire en entreprise

II.1- Les limites de la circulaire pour les employeurs
La circulaire du 3 juillet 2009 évoque le recours au télétravail comme mode d'organisation du temps de travail pendant la pandémie.
En revanche, l'employeur doit au préalable consulter le comité d’entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel. Il doit également consulter le CHSCT sur les conditions de santé et de sécurité au travail.

Le principe est que le télétravail est un mode de travail basé sur le volontariat. Par conséquent, le télétravail ne peut vous être imposé par l’employeur. De ce fait, le refus du salarié ne peut constituer un motif de licenciement par l’employeur.

De plus, même si le salarié a accepté un poste de télétravailleur, il a toujours la possibilité de se rétracter.

En outre, les juges estiment que si le contrat de travail ne prévoit rien, le lieu d'activité (les locaux de l'entreprise ou à domicile) constitue un élément essentiel du contrat de travail.
Dès lors, la proposition de l’employeur entraîne une modification du contrat de travail éligible à l’accord impératif du salarié.
Le télétravailleur jouit donc des mêmes droits que les autres salariés, et est rémunéré à ce titre par son employeur.


II.2- Les limites de la circulaire pour les travailleurs
En cas de pandémie, le salarié ne peut refuser de venir travailler.
La circulaire du 3 juillet 2009 énonce que, sauf si les autorités décidaient d’activer la mesure de restriction aux activités non essentielles, un salarié ne peut pas refuser de venir à son poste de travail sans justification.
Ce refus pourrait être assimilé à une absence non autorisée, passible de sanction, ou encore assimilée à un abandon de poste.


En outre, la circulaire dispose que tout salarié est censé poursuivre son activité professionnelle, même en situation de pandémie grippale. Le salarié est tenu de se rendre à son poste de travail en application de ses obligations contractuelles.

Par comparaison avec le droit de retrait (prévu à l’article L. 4131-1 du Code du travail), le salarié ne peut faire usage de ce droit que si la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Or, la circulaire précise que dans le contexte actuel y compris dans celui d’une pandémie grippale, le droit de retrait ne peut en principe trouver application dès lors que l’employeur a mis en oeuvre les dispositions prévues par le Code du travail et les réglementations nationales et qu’il a informé et préparé son personnel.
De ce fait, la circulaire laisse sous-entendre aux employeurs que le droit de retrait de leur salarié serait a priori illégitime du seul fait qu’ils aient adoptés toutes « mesures de prévention, de prudence et de diligence ».

Il convient de rappeler dans ce contexte qu’en cas de contentieux, seul le juge est compétent pour apprécier sans a priori « les mesures de prévention, la prudence et la diligence de l’employeur ».

Le salarié peut aussi, au sens de la circulaire être confronté à une modification des conditions de travail tel que le recours aux heures supplémentaires, dépassement de la durée maximale quotidienne de 10 heures (après informations du CE), attribution de nouvelles tâches (selon la qualification du salarié), changement du lieu de travail (en principe au sein du même secteur géographique),

Selon la circulaire, le salarié ne peut refuser d’effectuer des heures supplémentaires demandées par l’employeur. Le refus du salarié peut constituer une faute entraînant des sanctions, qui peuvent aller jusqu’au licenciement. Les juges ont par exemple estimé fautif le refus d'un salarié d'effectuer des heures supplémentaires dans le cas de travaux urgents dont l'exécution immédiate est nécessaire pour "prévenir des accidents imminents, organiser des mesures de sauvetage ou réparer des accidents soit au matériel, soit aux installations, soit aux bâtiment de l'entreprise" (Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du
13 juillet 1988 ; n° de pourvoi : 85-45107).

De même le repos hebdomadaire (prévu à l’article L. 3132-1 et suivants du code du travail) pourra être remis en cause par la circulaire. En effet, ce droit pourra se trouver suspendu pour exécuter immédiatement des travaux urgents liés à la sécurité en entreprise.

En outre, l’employeur peut unilatéralement décider d’augmenter les tâches affectées au salarié si cet ajout n’entraîne pas une modification de sa qualification professionnelle et que son niveau hiérarchique est conservé.

Il convient de rappeler que les mesures prévues par la circulaire restent attachées au caractère « exceptionnel et temporaire » de la pandémie.
Le juge devra alors vérifier que les modifications des conditions d'exécution du travail mises en place par l'employeur ont bien eu un caractère exceptionnel, ont été limitées dans le temps et justifiées par la situation de pandémie.


Il est à noter enfin que la valeur juridique d’une circulaire reste « nulle » et ne peut être opposable devant une juridiction. C’est donc le code du travail qui s’applique et qui fait référence en cas de litige.

Dans le même contexte, un troisième acteur (autre que le salarié et l’employeur) sera concerné et pourra voir « fleurir » les bénéfices de cette circulaire ; à savoir les laboratoires et industries pharmaceutiques à travers les préconisations d’approvisionnement en masques, en médicaments voir en vaccins…