Dans le cadre d'un marché public, le pouvoir adjudicateur doit préciser entre autre, dans le cahier des charges,les spécifications techniques requises pour pouvoir prétendre à l'offre ainsi que les critères d'attribution du marché. Dans les deux cas, le pouvoir adjudicateur est libre, et même incité par le législateur français et européen, d'intégrer des considérations d'ordre social et environnemental dans la description des spécifications techniques et dans la définition des critères d'attribution. Aussi, dans les deux cas, l'opérateur économique intéressé était libre de prouver "par tous moyens" ses capacités techniques en matière social et environnemental. Néanmoins, l'ordonnance n°2015-899 apporte un changement majeur concernant la liberté relative à l'administration de la preuve des capacités techniques d'ordre social et environnemental du candidat.

I. La liberté d'administration de la preuve des capacités techniques par le candidat limité par la nouvelle ordonnance n°2°15-899


En principe, lorsque le pouvoir adjudicateur intègre des considérations sociales et environnementales dans les spécifications techniques, le candidat est libre de prouver par tous moyens ses compétences et ses capacités.
Selon la directive 2004/18/CE, « les spécifications techniques doivent pouvoir être établies en termes de performances et d'exigences fonctionnelles et, d'autre part, en cas de référence à la norme européenne - ou, en son absence, à la norme nationale -, des offres basées sur d'autres solutions équivalentes doivent être prises en compte par les pouvoirs adjudicateurs. Aux fins de démontrer l'équivalence, les soumissionnaires devraient pouvoir utiliser tout moyen de preuve » .

Néanmoins, la nouvelle directive 2014/24/UE opère un changement majeur en matière de preuve des capacités techniques : désormais, « pour prouver cette équivalence, il devrait être possible d’exiger des soumissionnaires qu’ils fournissent des attestations de tiers. Il convient toutefois d’admettre d’autres moyens de preuve appropriés, tels que le dossier technique du fabricant, lorsque l’opérateur économique concerné n’a pas accès à de tels certificats ou rapports d’essai ni la possibilité de se les procurer dans les délais requis, à condition que l’opérateur économique concerné prouve ainsi que les travaux, fournitures ou services remplissent les conditions ou critères énoncés dans les spécifications techniques, les critères d’attribution ou les conditions d’exécution du marché ».
En somme, auparavant, lorsque le pouvoir adjudicateur faisait référence à une norme concernant les qualifications d’ordre social et environnemental du candidat, le candidat pouvait prouver par tout moyen cette qualification.

Désormais, le pouvoir adjudicateur pour exiger, dans l’avis d’appel d’offre, des candidats qu’ils communiquent des attestations des tiers que sont les certificats et les rapports d’essai visé à l’article 44 de la directive 2014/24/UE.
En vertu de l’article 44 de la directive précité, « les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger que les opérateurs économiques fournissent, comme moyen de preuve de la conformité aux exigences ou aux critères arrêtés dans les spécifications techniques, les critères d’attribution ou les conditions d’exécution du marché, un rapport d’essai d’un organisme d’évaluation de la conformité ou un certificat délivré par un tel organisme. Lorsque les pouvoirs adjudicateurs demandent que des certificats établis par un organisme d’évaluation de la conformité particulier leur soient soumis, ils acceptent aussi des certificats d’autres organismes d’évaluation de la conformité équivalents. ». Les organismes d’évaluation de conformité sont des organismes« exerçant des activités d’évaluation de la conformité telles que le calibrage, les essais, la certification et l’inspection, accrédité conformément au règlement (CE) no 765/2008 du Parlement européen et du Conseil ». L’article précise que d’autres moyens de preuve peuvent être acceptés. Et c’est ce que rappel la CJUE dans un arrêt du 10 mai 2012 .

En l’espèce, le 16 août 2008, la province néerlandaise de Hollande-Septentrional a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis de marché public pour la fourniture et la gestion de machines à café à partir du 1er janvier 2009. Ce marché faisait, à différents niveaux, référence aux labels EKO (certifie des produits biologiques) et MAX HAVELAAR (certifie les produits qui respectent les critères du commerce équitable) pour les ingrédients à fournir (thé et café).
Le recours en manquement déposé, le 22 juillet 2010, par la Commission européenne va être l’occasion pour la CJUE de préciser les conditions dans lesquelles un pouvoir adjudicateur peut recourir à des labels dans le cadre de la commande publique.

Néanmoins, le pouvoir adjudicateur est en mesure d’exiger en tant que mode de preuve, l’établissement d’un certificat ou d’un rapport d’essai et dans ce cas, le candidat devra se conformer à sa demande.


II. Le cas de l'exigence d'un écolabel par le pouvoir adjudicateur: une liberté officieusement limitée

En vertu de l’article 6 du Code des marchés publics relatif aux spécifications techniques permet de définir dans les documents de la consultation des exigences en matière environnementale. Les spécifications techniques peuvent être formulées en terme de performance ou d’exigence fonctionnelle précise comportant des caractéristiques environnementales. Ces caractéristiques environnementales peuvent être définies par référence à tout ou partie d’un écolabel à condition que :

- cet écolabel soit approprié pour définir les caractéristiques des fournitures ou des prestations faisant l’objet du marché ;
- les mentions figurant dans l’écolabel aient été établies sur la base d’une information scientifique ;
- l’écolabel ait fait l’objet d’une procédure d’adoption à laquelle ont participé des représentants des organismes gouvernementaux, des consommateurs, des fabricants, des distributeurs et des organisations de protection de l'environnement ;
- l’écolabel soit accessible à toutes les parties intéressées.

Le pouvoir adjudicateur peut indiquer, dans les documents de la consultation, que les produits ou services ayant obtenu un écolabel sont présumés satisfaire aux caractéristiques environnementales mentionnées dans les spécifications techniques mais ne pourra en aucun cas exiger cet éco-label. Ainsi, les candidats seront en principe libres de prouver par tout moyen le respect des exigences fixés par l’écolabel visé dans l’appel d’offre.

Néanmoins, de fait, si tout moyen de preuve est accepté, le candidat n’ayant pas obtenu l’écolabel « préféré » dans l’appel d’offre, il tend à perdre en crédibilité d’un point de vue concurrentiel : s’il apporte la preuve de l’équivalence, force est de penser que le pouvoir adjudicateur, à prix égal, sera tenté de choisi le candidat ayant obtenu l’écolabel souhaité.