
Amiante : Nouvelle confirmation de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur
Par Anne-Laure TULPAIN
Posté le: 21/09/2009 16:10
●En l’espèce, un salarié de la société Renault, fabricante d’automobiles, a été affecté de juillet 1968 à octobre 1997 au montage de pièces dans un atelier. Celui-ci a été exposé uniquement aux risques d’inhalation de poussières d’amiante chez Renault, et en particulier, à compter de son passage dans l’atelier de montage de freins et il a été reconnu atteint d’une maladie professionnelle liée à l’amiante.
A la suite de son décès, ses ayants droit ont saisi la juridiction de sécurité sociale afin de voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur. La Cour d’Appel d’Angers, par un arrêt du 6 mai 2008 a accueilli cette demande. L’employeur s’est donc pourvu en cassation afin d’obtenir l’annulation de cet arrêt.
Pour sa défense l’employeur explique qu’avaient été réalisés des prélèvements destinés à déterminer si il y avait lieu, ou non, de recourir à des mesures de protection. De plus la société avait par la suite engagée en 1993 un processus de suppression de l’amiante présente dans les plaquettes de frein. Selon lui, les résultats de ces prélèvements s’étant avérés négatifs, la Cour d’Appel d’Angers, dans son arrêt du 6 mai 2008, n’a pas pu déduire que, du fait de ces résultats, il aurait dû avoir conscience du danger.
En effet, la réglementation relative à la consommation de fibres d’amiante dans l’air fixait le seuil limite, jusqu’au 7 février 1996, à 0,25 fibres par centimètres cube en moyenne pour huit heures de travail. Les prélèvements réalisés par l’employeur en 1988 et 1989 avaient révélés une concentration moyenne en fibres très inférieure au seuil limite.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés. Selon l’article L.421-1 du Code du travail il s’agit d’une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par un salarié. L’inexécution de l’obligation de sécurité est alors prouvée par le défaut de résultat. L’employeur peut toutefois démontrer un cas de force majeure pour échapper à son obligation, même si une telle hypothèse est très rare. L’obligation de sécurité de résultat s’oppose à l’obligation de sécurité de moyen pour laquelle c’est à la victime qu’il revient de prouver que tout n’a pas été mis en œuvre pour assurer sa sécurité.
La Cour de Cassation rejette donc le pourvoi de la société Renault contre l’arrêt de la Cour d’Appel d’Angers qui avait reconnu que la maladie dont est décédé le salarié victime était due à la faute inexcusable de la société. Cette dernière sera donc contrainte d’indemniser les ayants droit de la victime.
La Cour considère dans cet arrêt que « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise ».
De plus le manquement à cette obligation a le caractère de faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du Code de Sécurité Sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
● Les éléments constitutifs de la faute inexcusable ont été définis par la jurisprudence en 1941 dans l’arrêt DAME VEUVE VILLA (cour de cassation, chambres réunies, 15 juillet 1941) : la faut inexcusable retenue par l’article 20 paragraphe 3 de la Loi du 9 avril 1898, doit s’entendre comme une faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative, et se distinguant par le défaut d’un élément intentionnel de la faute.
Ainsi, malgré les résultats négatifs des prélèvements, la Cour de Cassation condamne l’employeur pour non respect de l’obligation de sécurité due par l’employeur envers ses salariés!
Cet arrêt précise également que le droit à la réparation des victimes peut être transmis à ses héritiers. En cas de faute inexcusable, outre la réparation de leur préjudice, les ayants droit peuvent prétendre à la réparation du préjudice de la victime lorsque cette dernière n’a pas obtenu elle-même cette indemnisation. Ce droit à réparation du préjudice de la victime ayant été transmis à ses héritiers par l’action successorale.
Avec cet arrêt du 9 juillet 2009 la Cour Suprême ne fait que confirmer une véritable obligation de sécurité de résultats de l’employeur envers ses salariés concernant l’exposition à l’amiante, comme dans les arrêts « Amiante » du 28 février 2002 (chambre sociale 28 février 2002, 7 arrêts Amiante BICC n°554 du 15 avril 2002).
Mais en matière d’amiante, l’employeur se retranche souvent derrière le fait qu’aucune réglementation en vigueur n’était applicable avant 1977. D’ailleurs, l’interdiction de l’amiante n’est entrée en vigueur que le 1er Janvier 1997, suite à l’adoption du décret du 24 décembre 1996. Cette interdiction porte, en ce qui concerne la protection des travailleurs (article L.231-7 du Code du travail), sur la fabrication, la transformation, la vente, l’importation, la mise sur le marché de l’amiante.
Pour rappel, le 16 avril 2009, le groupe de travail chargé d’élaborer des propositions pour un deuxième Plan National Santé Environnement (PNSE 2) pour la période 2009-2013 a remis son rapport aux ministres chargés de l’environnement et de la santé. Ce rapport propose notamment des mesures visant à réduire les émissions de particules dans l’air et les expositions aux substances cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) en milieu de travail.
Dans sa première partie et dans la continuité du PNSE 1, le PNSE 2 propose des mesures visant à réduire les expositions responsables de pathologies à fort impact sur la santé ( cancers, maladies cardiovasculaires, pathologies respiratoires, neurologiques…). Cette partie propose ainsi des mesures destinées, à réduire les expositions dues à la contamination des milieux. Les mesures retenues visent à réduire les émissions de particules dans l’air, à réduire les émissions de 6 substances jugées particulièrement importantes vu leur niveau de toxicité.
Référence de l’arrêt : Cour de Cassation, 2ème chambre civile, n°08-16934, 9 juillet 2009
Décision attaquée : Cour d’Appel d’Angers du 6 mai 2008.