1. La sélection négative

La sélection des titres ou filtrage repose sur l’utilisation de critères négatifs. Elle peut être de deux types : soit une exclusion sectorielle, c'est-à-dire la mise à l’écart d’émetteurs qui tirent une partie de leur chiffre d’affaires d’activités controversées ; soit une exclusion normative, il s’agit d’exclure les émetteurs qui ne respectent pas certaines normes ou conventions internationales.
Un auteur s’est interrogé sur les limites de l’exclusion sectorielle. Prenant l’exemple d’un hôtel vendant de l’alcool, cette activité annexe justifie-t-elle qu’il soit exclu ? En effet cette politique d’exclusion a d’abord été utilisée dans le cadre des fonds éthiques. L’auteur explique alors la solution retenue par la finance islamique qui distingue entre activité principale et secondaire et si l’activité secondaire prohibée représente un chiffre d’affaires inférieur à 5% du revenu total de l’entreprise alors l’entreprise ayant cette activité n’est pas exclue. Pour l’auteur, cette solution est applicable à tous les investissements éthiques. Il pourrait être reversé une partie des bénéfices de l’investissement à des associations, ce qui en ferait un fonds de partage.
L’exclusion normative vient des pays nordiques. L’intérêt de cette politique d’investissement est qu’elle est plus universelle car, contrairement à la pratique des critères ESG, qui fonctionnent par secteur, elle n’est pas limitée à un secteur. Généralement, les normes étudiées sont les dix principales normes internationales en matière ESG (la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, la Déclaration de principes tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales (d’autres conventions de l’OIT sont généralement utilisées également), la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption, la Convention des Nations Unies contre la corruption, la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, le Pacte Mondial (Global Compact), la Convention d’Ottawa et le Traité d’Oslo). Cependant, cette politique d’investissement n’est pas simple car il faut déterminer son champ d’application (par exemple, faut-il s’intéresser à la filiale concernée ou à tout le groupe pour juger de l’application d’une norme ?), le degré de non-respect de la norme et surtout il faut pouvoir vérifier le non-respect des normes, et donc déterminer un niveau de certitude requis.

2. La sélection positive

Le second système d’investissement ISR correspond à l’application de critères positifs. Elle peut être effectuée en notant ou sélectionnant les entreprises pour leurs bonnes pratiques.
Plusieurs politiques d’investissement existent : l’approche Best in Class, l’approche Best in Universe, l’approche Best Effort et l’approche pondération.
L’approche Best in Class consiste à privilégier les entreprises les mieux notées sur les critères ESG au sien de leur secteur d’activité. L’approche Best in Universe consiste à privilégier les émetteurs les mieux notés sur les critères ESG dans tous secteurs d’activités confondus. L’approche Best Effort consiste à privilégier les émetteurs qui démontrent une amélioration de leurs pratiques ESG dans le temps (c’est une approche dynamique car elle repose sur une comparaison dans la durée).
Ces politiques d’investissements reposent sur l’octroi d’une note globale en fonction des critères ESG. En pratique, les gestionnaires doivent étudier dans le détail et en continu les performances ESG de chaque émetteur : par l’analyse des reportings ESG, les rencontres avec les dirigeants et les parties prenantes. Ils le font avec une équipe dédiée ou avec recours à des tiers comme des agences de notations extra-financières, des fournisseurs d’indices ou encore des sociétés de courtage ou brokers.
Pour effectuer ces analyses des pratiques des sociétés selon les critères ESG, plusieurs approches sont possibles. L’approche thématique ESG est apparue en 2006 mais est aujourd’hui en déclin. L’idée est de se concentrer sur un ou quelques thèmes. Cependant, pour Novethic comme pour d’autres, il ne s’agit pas vraiment d’investissement ISR car tous les critères ESG ne sont pas passés en revue, par exemple s’il s’agit de s’attacher uniquement à la politique de la société en matière d’environnement. Au contraire, les approches multicritères reposent sur l’idée de développement durable stratégique. Il s’agit d’identifier plus facilement les entreprises les plus vertueuses et celles qui ont déjà enclenché un processus de transition vers plus de performance ESG.
Pour mieux pratiquer la sélection des entreprises sur critères positifs, la technique de l’actionnariat actif peut être citée car elle consiste en un dialogue avec les entreprises visant à les inciter à améliorer leurs comportements sociaux et environnementaux.
L’actionnariat actif est une technique apparue lors du mouvement des Droits Civiques dans les années 1960 aux Etats-Unis. A Rochester, dans l’Etat de New-York, une coalition d’ouvriers noirs dénommée FIGHT pour « Freedom-Integration-God-Honour-Today » souhaitant faire signer un accord à Eastman Kodak, l’un des principaux employeurs de la région, pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Comme celui-ci refusa, le meneur de la coalition, Saul Alinsky, décida de convaincre les actionnaires lors de leur assemblée générale en 1967 de réserver leur droit de vote tant qu’un accord n’était pas trouvé avec la direction de la société. Un faible nombre d’actionnaires suivit la consigne mais cette action symbolique déboucha néanmoins sur la signature d’un accord. Le dialogue ou l’activisme ne doit pas être seulement militant il doit avoir pour ambition la performance financière donc ce qui est demandé doit avoir pour but de maximiser les bénéficies de l’entreprise.
Madame Elizabeth Forget explique dans sa thèse que l’activisme actionnarial « ne peut pas à lui seul constituer une politique d’investissement dans la mesure où il n’influence pas le choix des titres qui composent le portefeuille, ni leur mode de gestion ». Comme elle considère que l’investissement éthique se définit par la politique d’investissement, elle en déduit que l’activisme actionnarial n’est pas un élément de définition mais un élément du régime. L’activisme actionnarial est un moyen de défendre la politique d’investissement et participe donc du régime de l’investissement éthique.


Sources :

- « L’investissement éthique, analyse juridique», Thèse de Elizabeth Forget, « Droit de l’entreprise », Presses universitaires de Strasbourg _ Préface de Isabelle Riasetto
- DICTIONNAIRE CRITIQUE DE LA RSE, POSTEL Nicolas et SOBEL Richard, Presses Universitaires du Septentrion, Coll : Capitalismes, éthique, institutions
- Site Novethic, notamment : http://www.novethic.fr/fileadmin/user_upload/tx_ausynovethicetudes/pdf_complets/etude-exclusions-normatives_20120120_vf.pdf
- « L’émergence de l’Investissement socialement responsable en France : le rôle des sociétés de gestion », Frédérique Déjean, Revue de l’organisation responsable, Juin 2006