La responsabilité pénale est l’obligation de répondre des infractions commises et de subir la peine prévue par le texte qui les réprime. Il est impossible de poursuivre pénalement quelqu'un qui aurait l'intention de commettre une infraction mais qui n'en aurait pas encore donné de signe visible. Ainsi, pour qu'une poursuite pénale soit possible, il faut que l'infraction se soit révélée par un fait matériel objectivement constatable. Comme le précise le Code pénal : « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». Dès lors, la responsabilité pénale est la sanction d’un comportement personnel répréhensible qui peut être constitué soit par une action de l’employeur, soit par une abstention de ce dernier. Les sanctions principales des comportements répréhensibles sont l’emprisonnement, avec ou sans sursis, et/ou l’amende selon une échelle fixée à l’avance par le Code pénal en fonction des infractions. L’engagement de la responsabilité pénale entraîne, dans la très grande majorité des cas, l’obligation pour l’employeur de réparer le préjudice causé à la victime.


A. Les infractions punissables

Le recours aux juridictions pénales est important dans les affaires de santé publique. Il s’agit du dernier recours pour les victimes contaminées par les légionelles, ou les familles des victimes, d’obtenir une transparence sur les responsabilités engagées et un dédommagement financier. La responsabilité pénale de l’employeur peut être engagée du fait de diverses infractions punissables.

1) Mise en danger de la vie d'autrui

L’article 121-3 du Code pénal considère qu’il existe un délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui. L’article 223-1 va plus loin en disposant que : « le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». Cette infraction est applicable, à l’employeur ne respectant pas la réglementation sur la sécurité du travail ou qui du fait de l’absence de précaution, expose l’ensemble de ses salariés à un risque sanitaire : en l’occurrence le risque lié aux légionelles en entreprise.

2) Atteinte involontaire à l'intégrité de la personne

L’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne définie par l’article 222-19 du Code Pénal repose sur la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par les règlements. Elle est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Ainsi, l’employeur ou l’exploitant des installations à risque peut voir sa responsabilité engagée du fait d’un manquement au respect de la règlementation. Par ailleurs, les délits de pollution sont considérés comme des délits non intentionnels, d’après la loi du 10 juillet 2000 relative à la définition des délits non intentionnels.

A ce titre, la responsabilité pénale de l'exploitant pourra être engagée du fait d'un délit de pollution des eaux, tel qu’il est définit aux articles L432-2, L216-6 et L216-8 du Code de l’environnement. Elle peut également être engagée du fait d’un délit de pollution de l'air, tel qu’énoncé au sein des articles L220-1, L226-9 et L226-10 du Code de l’environnement. La Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie du 30 décembre 1996 reconnaît également un droit fondamental pour le citoyen de : « respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ». Parmi les décrets d’application de la loi sur l’air, on peut citer le décret n° 98-360 du 6 mai 1998 fixant les objectifs de qualité, les seuils d’alerte et les valeurs limites pour le dioxyde de soufre, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules, l’ozone, le monoxyde de carbone, le plomb et le benzène.

Etude de cas : société Exxon - Nord pas de calais

En septembre 2014, la société Noroxo, filiale du groupe Exxon Mobil, a été condamnée à 225 000 euros d'amende (1), contre 375 000 euros en première instance (2), pour sa responsabilité dans une épidémie de légionellose qui avait fait 83 victimes , dont 14 morts, fin 2003-début 2004 dans le Pas-de-Calais. La cour d'appel de Douai a reconnu la société exploitante responsable pénalement de l’épidémie de légionellose et coupable d'homicides et blessures involontaires selon l’article 221-6 du Code pénal. La société Noroxo avait été reconnu coupable par le Tribunal correctionnel de Béthune, en février 2013, de n'avoir pas respecté un arrêté préfectoral qui lui imposait la fermeture de l'usine en raison d'une concentration en légionelles largement supérieure au seuil autorisé. La cour d'appel de Douai a, par ailleurs, condamné l'ancien directeur de l'usine à 20 000 euros d'amende, une peine inférieure à celle prononcée en première instance, de 35.000 euros d'amende et un an de prison avec sursis. Les familles des 14 personnes décédées lors de l'épidémie ont obtenu chacune 300 euros d'indemnités.

3) Atteinte volontaire à l'intégrité de la personne

Dans des conditions plus particulières, l’employeur ou l’exploitant peut voir sa responsabilité pénale engagée sur le fondement de l’atteinte volontaire à l’intégrité de la personne. Pour cela, il convient de prouver l’intention d’homicide volontaire de l’employeur à l’égard de ses salariés. L’ensemble de ces prescriptions est décrite au sein des articles L 221 et suivants du Code pénal.


B. La responsabilité pénale des personnes physiques et morales

La personnalité juridique est une notion abstraite difficile à définir. Elle caractérise l’aptitude à être titulaire, actif ou passif, de droit. On distingue ainsi deux catégories de personnes : les personnes physiques et morales.

Au sens du droit français, une personne physique est un être humain doté, en tant que tel, de la personnalité juridique. Pour jouir directement et pleinement de sa capacité juridique, une personne physique doit être majeure et ne pas être en incapacité partielle ou totale. L'être humain devient alors titulaire de droits subjectifs et d'obligations envers d'autres personnes et le reste de la Société.

Parallèlement, une personne morale se définie comme un ensemble de personnes physiques réunies pour accomplir quelque chose en commun. Ce groupe peut aussi réunir des personnes physiques et des personnes morales. Il peut également n'être constitué que d'un seul élément. La personnalité juridique donne à la personne morale des droits et des devoirs. Le droit français défini les entreprises comme des personnes morales de droit privé (3) néanmoins, l'existence d'une personne morale ne fait pas écran à la responsabilité personnelle de ceux qui en exercent la direction.

1) La responsabilité personnelle des dirigeants de l'entreprise

Ce risque résulte principalement du non respect de la réglementation relative aux installations, à la sécurité dans l’entreprise ainsi qu’à la santé publique. Cependant, la présomption de faute pèse le plus souvent sur le chef d’entreprise en raison de son pouvoir de direction, de décision et d’organisation. En effet, une jurisprudence constante a développé cette présomption pesant sur le chef d'entreprise ; celui-ci voit donc sa responsabilité engagée en cas d'infractions environnementales commises par son personnel, chargé sur ses ordres, des opérations liées au fonctionnement de son établissement (4). Dès lors, sa présence physique, sur le lieu où l'infraction a été commise, n'est pas nécessaire pour engager sa responsabilité pénale. Toutefois, la présomption peut être levée en cas de délégation de pouvoir à un responsable d'exploitation si elle ne porte pas sur l'ensemble des pouvoirs de direction et si l'entreprise est d'une taille importante. Le responsable d'exploitation doit être pourvu « de la compétence, de l'autorité, ainsi que des moyens nécessaires » (5). La responsabilité pénale des chefs d’entreprise a donc souvent été reconnue par les tribunaux pour les infractions commises par les personnes en charge de l’exploitation des installations à risque. Cependant, en pratique la preuve de cette délégation n'est démontrée que dans des cas exceptionnels.

2) La responsabilité personnelle des autres personnes physiques de l'entreprise

La responsabilité pénale des autres personnes physiques de l’entreprise peut également être engagée. Il s’agit de toutes les personnes intervenantes de près ou de loin à l’exploitation des installations soumises au risque de prolifération des légionelles. On peut citer les cadres, les agents de maîtrise, les opérateurs, dont la faute caractérisée est à l’origine d’un dommage causé à un autre salarié ou à des tiers.

La nouvelle version du code du travail, du 1 mai 2008, consacre un chapitre aux obligations des travailleurs en matière de sécurité à l’image de celles imposées à l'employeur. Le domaine d'application concerne les travailleurs et non les seuls salariés. Ces dispositions sont présentes au sein de l’article L 4122-1du Code du travail. Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir. L'article L 4122-2 dispose que les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs (6).

3) La responsabilité de la personne morale de l'entreprise

La responsabilité des dirigeants était devenue insuffisante face à l'importance croissante des personnes morales et de la criminalité d'affaire qui en découlait, d'où l'admission de la responsabilité des personnes morales par le nouveau code pénal de 1994. Cette responsabilité est admise pour certaines infractions et n'exclut pas celle des personnes physiques tel que l’énonce l’article 121-2 du Code pénal, modifié par la loi du 9 mars 2004 : « Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». La responsabilité des personnes morales est une responsabilité indirecte, elle ne peut être mise en œuvre que si une infraction a été commise par une personne physique. C’est donc au niveau de la personne physique que doivent être constatés les différents éléments constitutifs de l’infraction. Aucune faute distincte de celle de l’organe ou du représentant n’est donc à mettre à la charge de la personne morale. Les deux responsabilités, celle de la personne physique ainsi que celle de la personne morale, peuvent se cumuler.

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Références

(1) Cour administrative d’appel de Douai, Arrêt du 22 septembre 2014.

(2) Tribunal correctionnel de Béthune, Jugement du 14 février 2013.

(4) Cour de Cassation, Chambre criminelle. Arrêt du 28 février 1956. N° 205.

(5) Cour de Cassation, Chambre criminelle. Arrêt du 2 mars 1977. N° 76-90-895.

Sources

(3) Insee. Définitions et méthodes. « Personne physique » - « Personne morale ».

(6) Alain COEURET, Conseiller en service extraordinaire à la Cour de cassation. Article : « La responsabilité du salarié en matière de sécurité et prévention des risques professionnels ».