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Les principaux réservoirs de prolifération des légionelles : le cadre règlementaire
Par Ophelie LEPRINCE
Ingenieur Sante Securite Environnement
Snecma - SAFRAN
Posté le: 03/08/2015 12:09
Les légionelles sont présentes à l’état naturel dans les eaux douces (lacs et rivières) et les sols humides. Ensuite, elles peuvent gagner le réseau public d’eau potable, où elles ne prolifèrent généralement pas du fait d’un milieu défavorable à leur développement. Néanmoins, lorsque les conditions de leur développement sont réunies, les bactéries colonisent certains sites hydriques artificiels. En entreprise, leur prolifération peut ainsi être favorisée par les conditions présentes dans différentes installations dites "à risque", telles que les réseaux d’eau chaude sanitaire et les circuits des tours aéroréfrigérantes de type "humide".
I - Les réseaux d'eau chaude sanitaire
A - Les eaux chaudes sanitaires : un premier réservoir de germes
Des études environnementales, réalisées au sein de plusieurs entreprises françaises, ont montré la présence de la bactérie Legionella pneumophila dans les réseaux d'eau chaude sanitaire des bâtiments. En effet, de fines gouttelettes d'eau contaminées et diffusées sous forme d'aérosols peuvent provenir des pommes de douche présentes au sein d'établissements professionnels. Les industries sont majoritairement concernées du fait de la présence de douches au sein des vestiaires et des ateliers de production (douche fixe de premier secours) (1).
Les plus fortes concentrations en Legionella pneumophila sont retrouvées lorsqu'il existe des tuyauteries avec des bras morts (2) et/ou un circuit d'eau chaude en boucle avec une température inférieure à 50 °C. Plusieurs études ont permis de confirmer la réalité de cette source de contamination. Le principal mode de transmission évoqué à partir de ces systèmes d’eau est l’inhalation de microgouttelettes d’eau chaude en particulier lors de la prise de douches.
B - La règlementation applicable
Le Code de Santé Publique (art. R1321-55) impose de séparer les réseaux d’eau destinée à la consommation humaine des réseaux d’eau destinée à d’autres usages (chauffage, climatisation…). En effet, l’eau destinée à la consommation humaine ne doit pas subir de dégradation pouvant altérer sa qualité. Les matériaux utilisés pour son transport, les traitements physiques et chimiques qu’elle subit doivent être conformes à des dispositions spécifiques (articles R.1321-48 et R.1321-50). L’eau chaude sanitaire, dans la mesure où elle est distribuée aux mêmes points d’usage que l’eau froide issue du réseau public, est définie comme une eau destinée à la consommation humaine. Elle doit donc respecter les mêmes critères de qualité de potabilité que l’eau froide et ne présenter aucun risque pour la santé. Le directeur d'établissement est responsable de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine, entre le compteur d’arrivée d’eau froide issue du réseau public et le point d’usage du personnel (3).
Le Décret n° 2007-49 du 11 janvier 2007 relatif à la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, a permis de renforcer la portée de ces dispositions. Elles sont présentes également au sein de l'Arrêté du 11 janvier 2007, relatif au programme de prélèvements et d'analyses du contrôle sanitaire pour les eaux fournies par un réseau de distribution (4). Ces arrêtés ont été déployés par la circulaire DGS/SD7A n° 2007-39 du 23 janvier 2007 relative à la mise en œuvre des arrêtés du 11 janvier 2007 concernant les eaux destinées à la consommation humaine.
Le responsable des installations, c’est-à-dire le responsable juridique du fonctionnement des réseaux d’eau chaude sanitaire et de leur impact sur la santé et la sécurité des usagers, peut être le propriétaire des installations, le directeur de l’établissement recevant du public, ou un exploitant si cette responsabilité lui a été contractuellement déléguée. Il doit mettre en œuvre une surveillance de ses installations reposant sur des mesures de la température de l’eau et des campagnes d’analyse de légionelles dans chacun des réseaux d’eau chaude sanitaire. Le choix des points de surveillance relève d’une stratégie d’échantillonnage qui tient compte du nombre de points d’usage à risque.
L'Arrêté du 1er février 2010 prévoit que les dénombrements en Legionella pneumophila doivent être inférieurs à 1 000 unités formant colonie par litre (UFC/L) au niveau de tous les points d’usage à risque. Ces nouvelles dispositions s'appliquent depuis le 1er janvier 2012, sous la responsabilité du propriétaire des installations ou bien du chef d'établissement. Selon les données de la littérature, la concentration en Legionella pneumophila en dessous de laquelle le risque de légionellose est négligeable ou acceptable pour la population générale est comprise entre 104 ou 105 UFC/L dans les eaux chaudes sanitaires, malgré l’absence de dose-réponse connue chez l’homme.
Plus récemment, l'instruction du 30 janvier 2013 (5), relative au référentiel d'inspection-contrôle de la gestion des risques liés aux légionelles dans les installations d'eau des bâtiments, renforce le système de contrôle dans les entreprises. Elle définit les éléments de contrôle qu’exercent à ce sujet les agences régionales de santé dans les établissements.
II - Les tours aéroréfrigérantes
A - Les tours aéroréfrigérantes : un deuxième réservoir de germes
Les tours aéroréfrigérantes (TAR) permettent de refroidir certains procédés industriels. Les TAR qui présentent un risque vis-à-vis les légionelles sont les TAR humides. Dans ces installations, l'eau est mise en contact direct avec l'air ce qui génère une dispersion de microgouttelettes d'eau sous forme d'aérosols. Les gouttelettes ainsi entraînées possèdent la même composition que l'eau du circuit et sont donc susceptibles de véhiculer les bactéries (6).
Les TAR sont des milieux favorables au développement des légionelles compte tenu des caractéristiques qu'elles présentent. En effet, d’une part, l’eau circule dans la tour entre 20°C et 30°C. Ces températures sont idéales pour la prolifération de la bactérie, puisqu’il s’agit de leur optimum de croissance. D’autre part, certains circuits d’eau réfrigérée ont parfois des tronçons de canalisation où l’écoulement est nul ou très faible (bras morts). Cela favorise le développement des légionelles, qui prolifèrent dans les milieux inertes et stagnants. Les TAR sont donc des équipements qui représentent un risque certain de contamination pour les salariés d'entreprises détentrices de ces installations, mais également pour les populations avoisinantes. Les légionelles peuvent coloniser l’eau des tours puis être véhiculées dans l'air extérieur par le panache qui s'en échappe.
B - La règlementation applicable
La règlementation autour du risque lié aux légionelles via les TAR en milieu industriel est assez dense si l'on considère les différents arrêtés, les circulaires et les guides qui s'y rapportent. De plus, elle s'est fortement renforcée depuis 2004. En effet, suite à plusieurs cas de contamination par la légionelle, une nouvelle rubrique 2921 a été créée dans la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) afin d’encadrer le risque légionelle lié aux tours aéroréfrigérantes, soumettant ces dernières à la réglementation des installations classées. Cependant, des circulaires et des guides de bonnes pratiques, qui ont pour but de sensibiliser les propriétaires des TAR au risque lié aux légionelles, ont été publiés avant cette date.
L'année 2004 a apporté toute une série de modifications légales et règlementaires concernant les TAR. La circulaire du 24 février 2004 précise le rôle des préfets de département dans le recensement de l'ensemble des TAR humides et en définit les modalités. La circulaire du 6 août 2004 (7) a énoncé de nombreuses recommandations à l'attention des préfets concernant le recensement des TAR, telles que : poursuivre le recensement des TAR de leur région, suivre l'efficacité de la surveillance et de l'entretien des installations effectués par les exploitants et suivre les actions mises en place lors d'un dépassement du seuil de légionelles de 105 UFC/L. Par ailleurs, la rubrique 2921 de la nomenclature des ICPE a été créée par le décret n° 2004-1331 du 1er décembre 2004 (8).
Désormais, toutes les tours aéroréfrigérantes de type "humide" sont soumises soit au régime d'autorisation, soit au régime de déclaration en fonction de leur puissance thermique évacuée et en fonction de leur configuration. Les principales exigences règlementaires apportées durant l'année 2004 proviennent des arrêtés du 13 décembre 2004 faisant suite au décret du 1er décembre 2004. Ces deux arrêtés s'inscrivent dans le cadre du plan gouvernemental de prévention des légionelloses (2004-2008). Ils concernent respectivement les TAR soumises à déclaration (9) et à autorisation (10).
Toutefois, le ministère a décidé de revoir cette réglementation pour tenir compte des retours d’expérience sur l’application des textes de 2004 et de l’évolution des connaissances sur la gestion du risque légionelle. L’évolution de la nomenclature des ICPE est entrée en application depuis fin 2013. De ce fait, les arrêtés du 14 décembre 2013 (11) énoncent les prescriptions générales applicables aux activités des installations soumises à déclaration ou à enregistrement.
Cette évolution de nomenclature induit un changement de plusieurs paramètres, tels que : les valeurs seuil (seuil d’alerte : 1 000 UFC/L. en L. pneumophila dans l’eau/ seuil d’arrêt de l’aérodispersion par les installations :100 000 UFC/L en L. pneumophila), la périodicité des analyses, les prescriptions d'entretien et de maintenance, les obligations à l'égard des exploitants... On a également réalisé que 98% des cas de légionellose étaient provoqués par une légionelle en particulier : la Legionella pneumophila. C’est donc désormais sur celle-ci que se focalise la nouvelle réglementation.
Hormis la publication de textes règlementaires, les TAR sont également régies par certains articles du Code la santé publique. Les articles L. 1335-2-1 et suivants mettent en place une procédure de déclaration d'exploitation d'un système d'aéroréfrigération et prévoient la possibilité, pour l'autorité administrative, d'en interdire l'utilisation "si les conditions d'aménagement ou de fonctionnement sont susceptibles d'entraîner un risque pour la santé publique ou si l'installation n'est pas conforme aux normes prévues ou n'a pas été mise en conformité dans le délai fixé par l'autorité administrative".
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Sources :
(1) Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles. Isabelle Balty et Marie-Cécile Bayeux. Article : « Les légionelles en milieu de travail ». Rubrique : « Point des connaissances. Réf : ED 5012. 2ème Edition de décembre 2006. 4p.
(2) Canalisation ou équipement hydraulique dans lequel l’eau stagne, provoquant ainsi une dégradation de la qualité bactériologique ou physico chimique de l’eau. (Article : Les réseaux d'eau chaude sanitaire. Disponible sur : http://www.bemils.be/pdf/legionelle/La%20L%C3%A9gionelle%20PPT%2018_2.pdf
(3) Ministère de la santé publique. Guide méthodologique. Lutte contre les légionelles Maîtrise des réseaux d’eau chaude sanitaire. Version 2 du 15 mars 2008
(6) Hamon. Guide des bonnes pratiques Legionella et tours aéroréfrigérantes . Paris : Ministères en charge de la Santé, de l'Industrie et de l'Environnement, Juin 2001, 56p
Références :
(4) Arrêté du 11 janvier 2007 relatif au programme de prélèvements et d'analyses du contrôle sanitaire pour les eaux fournies par un réseau de distribution, pris en application des articles R.1321-10, R.1327-15, R.1321-16 du code de la santé publique. Les annexes I et II sont abrogées par les annexes I et II de l'arrêté du 21 janvier 2010. (NOR: SANP0720202A)
(5) INSTRUCTION N° DGS/EA4/2013/34 du 30 janvier 2013 relative au référentiel d'inspection-contrôle de la gestion des risques liés aux légionelles dans les installations d'eau des bâtiments (NOR : AFSP1303032J) Classement thématique : santé environnementale. Validée par le CNP le 18 janvier 2013 - Visa CNP 2013-06
(7) Circulaire DGS/DPPR n° 2004-413 du 6 août 2004 relative à la prévention du risque sanitaire lié aux légionelles dû aux tours aéroréfrigérantes humides (BO Santé n° 2004/39 du 21 au 26/09 2004).
(8) Décret n° 2004-1331 du 1er décembre 2004 modifiant la nomenclature des installations classées et créant la rubrique 2921 relative aux installations de refroidissement par dispersion d'eau dans un flux d'air 5 (Publié au journal officiel le 7 décembre 2004)
(9) Décret n° 2004-1331 du 1er décembre 2004 modifiant la nomenclature des installations classées et créant la rubrique 2921 relative aux installations de refroidissement par dispersion d'eau dans un flux d'air 5 (Publié au journal officiel le 7 décembre 2004)
(10) Arrêté du 13 décembre 2004 relatif aux installations de refroidissement par dispersion d'eau dans un flux d'air soumises à autorisation au titre de la rubrique n° 2921. JO du 31 décembre 2004.
(11) Arrêté du 14 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de la déclaration au titre de la rubrique n° 2921 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.
Arrêté du 14 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2921 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement